La mise en œuvre des politiques publiques du logement en France a donné lieu, principalement depuis les années 50, à l’instauration d’un système d’aides orientées vers la construction, la réhabilitation, et l’aide au paiement du loyer et à l’accès à la propriété. Les objectifs de ces aides sont de permettre l’accès au logement au plus grand nombre, au-delà de l’offre du marché privé, et de soutenir par ailleurs le secteur du bâtiment, élément clef de l’économie nationale. Traditionnellement, on présente ces aides sous deux formes, les aides à la pierre (aide financière apportée à l’investissement d’un maître d’ouvrage qui construit ou réhabilite des logements) et les aides à la personne (aide financière apportée aux personnes pour alléger le coût des loyers ou des remboursements d’emprunts).
Cette fiche présente les modalités de ces aides, leurs évolutions et les conséquences de leur utilisation sur le marché du logement et sur l’accès au logement pour les plus démunis.
Evolutions historiques et idéologiques
Suite aux retards de construction, accumulés depuis le début du XXème siècle, et du fait des destructions de la 2ème guerre mondiale, la France s’est trouvée à la fin des années 1940 dans une situation de pénurie de logements. Afin de combler ce retard, un investissement public massif a été engagé pour construire du logement social et aider l’accession à la propriété. Le type de financement alors utilisé entre les années 50 et la fin des années 70 est l’aide à la pierre qui, modulée en fonction des catégories de revenus, pouvait représenter jusqu’à 60 % du coût du logement. Il s’agit donc de la mise en œuvre d’une politique keynésienne où l’Etat intervient pour satisfaire des besoins non satisfaits par le marché.
A partir de 1977, la réforme “Barre”, considérant que les retards quantitatifs ont été rattrapés et souhaitant mettre en place un système d’intervention de l’Etat plus libéral, réoriente les politiques du logement vers l’aide à la personne et l’aide par les circuits de financement. L’aide à la pierre devient marginale, représentant aujourd’hui un faible pourcentage du prix du logement social.
Depuis la fin des années 90, l’aide au logement va principalement vers l’aide fiscale pour inciter les investisseurs privés à investir dans le logement (avec des contreparties sociales parfois très réduites). Le bilan de cette politique n’a pas encore été établi de manière globale mais il semblerait bien qu’il ait coûté très cher à l’Etat pour des résultats assez réduits en terme urbain et de développement de l’accès au logement pour tous.
Aides aux producteurs
Ces aides ont vocation à favoriser les flux d’achat et de vente dans le logement et de soutenir le secteur de la construction. Elles se développent en direction des propriétaires privés via l’Agence nationale pour l’habitat, le prêt à taux zéro et les aides à l’investissement (dispositifs Robien, Borloo etc.). Les aides aux organismes HLM sont distribuées par les Directions départementales de l’équipement, ou par les collectivités (Etablissements publics de coopération intercommunale ou départements) ayant demandé la délégation des aides de l’Etat par contractualisation.
Les aides à la pierre, versées directement aux producteurs, se font principalement en direction du logement locatif social. Elles sont liées à l’attribution des avantages de taux par la Caisse des dépôts et consignations. Lors du montage d’une opération de logement locatif social, en réhabilitation ou construction neuve, les services déconcentrés de l’Etat – les DDE – attribuent le versement d’une subvention à l’opérateur. Ces subventions font l’objet d’une ligne séparée dans le budget annuel du ministère en charge du logement.
Elles stagnent depuis une dizaine d’années et se situent autour d’un milliard d’euros par an. A titre d’exemple, la subvention pour une opération de logement social courant, le Prêt locatif à usage social – PLUS, s’établit à 5 % du coût de l’opération. Une fraction de ces subventions a pour objet le logement privé. L’Agence nationale pour l’habitat (ANAH) verse également des subventions aux propriétaires occupants ou bailleurs en vue d’opération de réhabilitation. En 2005, cette aide de l’ANAH s’élevait à 416 millions d’euros. Ces aides ont connu une première phase de « décentralisation » par la mise en œuvre de la loi « libertés et responsabilités locales » de 2004, les collectivités compétentes pouvant demander à l’Etat la délégation de l’enveloppe des aides.
Les aides fiscales et les avantages de taux représentent la part la plus importante des aides aux producteurs. Elles concernent à la fois les producteurs de logement social et les aides aux ménages.
Les avantages de taux, c’est-à-dire les prêts de la Caisse des dépôts et consignations indexés sur le taux du livret A et le prêt à taux zéro, sont en augmentation et s’établissent à 1,8 milliards d’euros (2005). En proportion, les prêts de la Caisse des dépôts et consignations en direction du logement locatif social ont fortement baissé pour s’établir à 23 % des avantages de taux. A l’inverse, ces avantages en direction des ménages pèsent pour 58 % : le prêt à taux zéro est à l’origine de cette hausse. Anciennement une bonification versée aux établissements de crédit, il est devenu un crédit d’impôt et s’est élargi à l’acquisition dans l’ancien.
Les aides fiscales se sont également démultipliées, à la fois dans leurs montants et leurs circuits. Ces avantages fiscaux sont évalués à 7 milliards d’euros. La TVA à 5,5 % sur les travaux et la construction représente environ la moitié de ce montant. Cette disposition fiscale, dont la vocation principale est de soutenir le secteur du bâtiment, est remise en cause par la Commission européenne. Les autres aides fiscales se répartissent entre des mesures en faveur des propriétaires occupants ou bailleurs réalisant des travaux et des aides à l’investissement locatif (dispositifs Robien, Borloo etc.). Ces dispositifs de défiscalisation pour l’achat d’un logement en vue de sa location sont à la fois un soutien au marché locatif, ce « produit » financier vise à attirer les investisseurs dans le marché de la pierre, et au secteur du bâtiment. Enfin, l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (à la charge des collectivités locales) permet d’abaisser les prix du foncier dans une opération de construction.
Les aides à la personne : aides au consommateur
Les aides à la personne étaient marginales dans le secteur du logement jusqu’à la réforme dite « Barre » de 1977. Cette réforme a institué l’Aide personnalisée au logement, APL, dans le logement locatif social et l’accession à la propriété (Prêts à l’accession à la propriété, « PAP »). Parallèlement, les autres aides personnelles (aides au logement social et aides au logement familial) ont pris de l’ampleur par l’extension du nombre de leurs bénéficiaires, notamment en s’ouvrant aux étudiants. Le nombre de bénéficiaire s’est stabilisé dans les années 1990 mais le montant des aides a explosé : il a triplé depuis 1984. Aujourd’hui, les aides à la personne bénéficient à 6 millions de ménages, dont une grande majorité de locataires.
L’inflation des aides à la personne depuis leur mise en place a conduit à des arbitrages défavorables aux ménages. En effet, pour éviter un accroissement trop important de la dépense en aides à la personne, les pouvoirs publics ont multiplié les petites mesures qui limitent les potentiels bénéficiaires de ces aides : absence d’actualisation des barèmes, participation minimale forfaitaire augmentée etc. Ces mesures restrictives ne permettent pas de compenser l’augmentation du taux d’effort des ménages entraînée par la hausse des loyers et des coûts d’acquisition de logement. La solvabilisation des ménages pour le soutien à la consommation, objectif premier des aides personnelles, a donc laissé la place à des aides personnelles qui peinent à corriger les effets des hausses successives.
Aide au logement et Droit au logement
La mise en œuvre de la politique du logement en France a donné lieu à des dispositifs d’aides en faveur de la construction, de la réhabilitation et des “consommateurs” qui, par leur massivité et la complexité de leur mode de distribution et de financement, présentent une inertie telle qu’ils paraissent handicaper la politique qu’ils devaient servir. On peut tout de même observer des inflexions dans les politiques d’aide au logement par la stagnation, voire la baisse, des aides directes pour le logement locatif social, et la faiblesse des dispositions en faveur de la revalorisation des aides personnelles. D’un autre côté la montée en puissance des aides fiscales, dispositifs n’entraînant pas de débats parlementaires et ne nécessitant pas d’affirmation de la volonté politique, à l’inverse des mobilisations budgétaires, est le signe d’une perte de contrôle des politiques nationales. On peut dès lors s’interroger sur l’efficacité des aides et leur effectivité pour permettre à l’Etat de mettre en œuvre le droit au logement opposable dans les années à venir.
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, France
Entre l’Etat, le marché et les habitants, quel avenir pour le logement en France ?
Les Comptes du logement 2005, DGUHC, Juin 2007
Rapport annuel sur l’état du mal logement en France, Fondation Abbé Pierre, 2007
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