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Les Tribunes d’Expression Populaire aux causeries-débats (RDC)

Des espaces de dialogue et de concertation entre populations et autorités

02 / 2007

Régulièrement, des associations congolaises (RDC) œuvrant dans le domaine des droits humains organisent conjointement des Tribunes d’Expression Populaire. Ces rencontres qui permettent aux populations et aux autorités concernées par un problème précis de confronter leurs points de vue sur un thème défini constituent des processus de démocratie participative dont l’objectif principal est de désamorcer les tensions liées bien souvent à une mauvaise perception mutuelle des acteurs sociaux.

Les Tribunes d’Expression Populaire (TEP), organisées régulièrement à Kinshasa et dans le reste du pays, incarnent le dialogue social propre à la démocratie participative que le Réseau d’Éducation Civique au Congo (RECIC-Kinshasa) cherche à promouvoir. À travers les TEP cette plate-forme d’ONG œuvrant sur le terrain du droit entend répondre à son souci majeur de faire participer l’ensemble de la population au processus de transition, grâce à des échanges et un dialogue francs entre gouvernants et gouvernés. Mais au-delà de leur visée participative, ces rencontres ont toujours pour but de désamorcer un conflit latent, ou d’anticiper sur la résolution d’un conflit dont les organisateurs pressentent l’éclatement à court ou à moyen terme. De nombreuses tribunes d’expression populaire ont par exemple été organisées sur le thème de l’acceptation des résultats des élections dans la paix, notamment durant la période qui a précédé leur proclamation.

Les associations membres de ce réseau sont invitées à identifier collectivement un problème ou un thème précis dont elles souhaitent qu’ils fassent l’objet d’une TEP. Insécurité, modalités d’organisation des élections, violations des droits de certaines catégories de la population ou encore relation avec les dépositaires de l’autorité sont autant de thèmes qui peuvent faire l’objet d’une telle réunion. Une rencontre qui réunit jusqu’à plusieurs centaines de personnes est alors prévue. Elle doit permettre aux habitants de faire part aux autorités politico-administratives invitées à les écouter de leurs préoccupations et de leurs propositions par rapport au sujet retenu. En retour, les représentants des pouvoirs publics pourront exprimer leur point de vue sur la question, et seront invités à prendre en compte la parole de leurs administrés dans le choix des stratégies à mettre en œuvre pour y répondre. Cependant, pour garantir l’efficacité de ces débats citoyens, l’organisation d’une Tribune d’Expression Populaire ne s’improvise pas et requiert de la part de ses initiateurs le respect d’une méthodologie bien précise.

En amont, une fois le thème retenu, il s’agit tout d’abord de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés afin de s’assurer de leur participation, ainsi que de leur bonne compréhension des enjeux du débat. Il est essentiel de consulter la population sur son intérêt pour tel ou tel thème de lui en préciser les enjeux et surtout de recueillir auprès d’elle des données fiables qui permettront de disposer d’éléments solides pour amorcer la discussion. Vis-à-vis de l’autorité invitée à débattre, plusieurs précautions sont nécessaires : s’assurer de la présence lors du débat de ses représentants les plus à même de mettre ensuite en application les recommandations émises à l’issue des débats ; commencer à débroussailler le problème avec eux, afin de dégager les grands axes suivant lesquels s’articulera le débat, et leur expliquer les règles qu’ils seront invités à respecter pendant la rencontre avec les habitants.

Pendant la réunion, le rôle du médiateur est particulièrement important. Il doit parvenir à établir un climat propice à l’émergence d’un débat rationnel et constructif favorable à la recherche d’un consensus autour des questions traitées, faute de quoi la réunion pourra vite se transformer en bataille rangée. En revanche, s’il pêche par excès de neutralité et qu’il ne s’implique pas un minimum dans la construction du débat, il risque au contraire de transformer la Tribune d’Expression Populaire en simple conférence de presse, au cours de laquelle les différents points de vue sur un problème seront exposés sans que soient envisagées des pistes de solution réalistes et qui satisfassent les participants.

L’objectif d’une Tribune d’Expression Populaire n’est jamais atteint au sortir des débats, mais bien après la tenue de la réunion. C’est pourquoi le travail des organisateurs d’une TEP ne s’arrête pas à l’issue de la rencontre, mais va se poursuivre bien au-delà. Il leur faut être attentif à ce que les engagements pris par les différents participants soient respectés.

Les tribunes d’Expression Populaire servent, face à un problème donné, à éviter une confrontation violente et directe entre représentants du pouvoir en place et citoyens. Les tribunaux n’étant pas forcément compétents pour apporter des solutions à des problèmes qui affectent non pas des individus mais un groupe de personnes dans son ensemble, ce type de rencontres constitue des méthodes alternatives de résolution des conflits. En suscitant la création d’une synergie en faveur de la résolution d’un problème précis, entre la mobilisation consciente des citoyens d’une part, et la prise d’engagement publique des autorités d’autre part, ces initiatives apparaissent en définitive d’une part comme de lieux d’apprentissage majeurs des mécanismes démocratiques, et d’autre part comme des instances privilégiées de régulation des conflits.

Face aux résultats très positifs qu’ont eu les tribunes d’expression populaire dans le cadre de la résolution de graves problèmes sociaux (insécurité, discrimination…), les pouvoirs publics n’ont pu que constater leur efficacité. Si les organisations de la société civile tiennent à conserver l’initiative et le contrôle de ces « arènes citoyennes », elles sont désormais régulièrement sollicitées par les autorités qui souhaitent en organiser, afin de soumettre au débat populaire certains aspects de leurs interventions sur le terrain qui sont pour elles sources de préoccupations.

Mots-clés

pouvoir local, lien social, initiative citoyenne, sensibilisation au droit, mode de résolution de conflits


, République Démocratique du Congo

dossier

Pratiques du droit, productions de droit : initiatives populaires en Afrique centrale (Rwanda, Burundi, République du Congo, République démocratique du Congo, Cameroun)

Notes

Renseignements : Association ADECOM Mokili-Mwinda, adresse : 70 rue Ndembo, Q.13 Kinshasa N’Djili / BP 9177 Kin 1, RDC - nestorbazeye AT mokilimwinda.org, contact : M. Félicien Ndongo Akash (Chargé de programmes « Éducation Civique »)

Association ANMDH - Les Amis de Nelson Mandela pour la défense des Droits Humains, anmdhkinshasa AT yahoo.fr & anmdhcongo AT yahoo.fr, contact : Mme Marie-Thérèse Kalonda (Chargée de programme)

Réseau d’Éducation Civique du Congo (RECIC), mvondoka AT yahoo.fr, contact: Jean-Michel VONDOKA (assistant chargé de programmes)

Source

Entretien avec les membres du Réseau d’Éducation Civique au Congo, Kinshasa, 30.11.2006

Entretiens avec des membres d’associations congolaises impliquées dans l’organisation de Tribunes d’Expression Populaire (Parousia, Femmes Chrétiennes pour le Développement et la Démocratie, Association pour le Développement Communautaire Mokili-Mwinda, Association des Amis de Nelson Mandela pour la défense des Droits de l’Homme), novembre-décembre 2006

Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - France - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org

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