Au Burundi, la montagne, confrontée aux conflits divers, est menacée et sa survie passe par la réinvention d’un nouveau « vivre ensemble ».
11 / 2006
Le Burundi : terre des hommes, terre des montagnes
Le Burundi est le troisième pays le plus pauvre du monde. Cette pauvreté trouve son explication, entre autres, dans la pression démographique, la surexploitation et l’émiettement des terres (la moyenne par famille ne dépassant pas 0,5 ha), l’érosion des sols, la chute des cours des principales sources de revenus (café, thé, coton) et la mauvaise distribution des facteurs de production, les graves conflits fonciers et les guerres.
Ces facteurs et leurs conséquences constituent une menace constante pour les populations des montagnes. Presque tout le territoire du pays est montagnard, en sorte que toute initiative que l’on peut envisager sur les problèmes d’environnement et de développement ne peut échapper à la préoccupation de la montagne.
Réinventer le futur sur des cendres et des braises d’un passé épineux
Lors des consultations, entrevues et séminaires qui ont été organisés durant la phase de la reconstruction après la guerre de 1994, la nécessité s’est imposée de définir un cadre de la société civile basé sur des valeurs de « solidarité nationale et/ou de développement ». Les promoteurs de l’idée ont identifié des personnes qui étaient porteuses d’actions positives, susceptibles d’aider au développement des communautés. C’est ainsi qu’est née l’association Adisco (Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines). Constituée de fonctionnaires, d’hommes d’Eglise, d’élus du peuple, de chercheurs, l’association, au commencement, comptait 22 personnes, et aujourd’hui en compte 30. Son action s’étend sur tout le territoire national, impliquant des groupes et réseaux de toutes les ethnies, de toutes les religions et tous les bords politiques. Cette mobilisation tient du fait de leur solidarité avec les populations pauvres des territoires de montagne, qui se sentent abandonnées à elles-mêmes. En effet, en raison de la surpopulation, de l’érosion, de la guerre et ses conséquences, l’agriculture et l’élevage, qui constituaient l’essentiel de leurs ressources, se sont effondrés.
La montagne comme une « faille » de construction d’une nouvelle solidarité
Fonctionnelle depuis environs trois ans, la constitution légale de l’Adisco est récente, août 2006, car il a fallu attendre que les belligérants signent des accords de paix. Un préalable pour permettre aux promoteurs de l’initiative de se rendre sur l’ensemble du territoire national pour exercer des activités associatives sans être inquiétés. Pour les membres de l’Adisco, la montagne est certes un espace naturel, mais davantage un ensemble de populations qui y vivent et y exercent des activités. Ce sont les populations qui lui donnent sens ou le lui retire. Leurs cultures, leur « vivre ensemble », leur projection vers l’avenir… De ce fait, l’Adisco se veut une initiative qui permet d’aider les communautés montagnardes à sortir de la pauvreté et à s’engager sur le chemin du développement.
Pour l’Adisco, l’un des problèmes majeurs des territoires de montagne au Burundi est la question foncière. Les populations sont pauvres et n’ont finalement que la terre comme ressource de base pour leur survie. Et puisqu’il y a peu de terre, celles disponibles font l’objet d’une exploitation irrationnelle. Il n’y a plus de jachère dans le système d’exploitation des montagnes. A chaque nouveau mariage, le père partage le lopin de terre avec tous ses fils et les champs deviennent surexploités.
Les actions de l’association vont aussi dans le sens de l’apprentissage au « vivre ensemble », car il n’est pas suffisant de vouloir vivre ensemble, il faut encore l’apprendre, surtout dans un contexte comme le Burundi qui a connu et qui connaît encore des moments de crise foncière, d’ethnicité et de repli identitaire. Aussi, l’Adisco offre aux groupements locaux l’opportunité de renforcer leur capacité, leur permettant non seulement de diagnostiquer leur situation et de proposer des solutions à leurs problèmes, mais aussi de peser sur les mécanismes de prise de décision.
Pour l’instant, les ressources de l’Adisco proviennent de la cotisation de ses membres (environ 30 dollars annuels). Toutefois, l’association manque de moyens matériels et humains. Le pays vit actuellement l’épilogue de la guerre et le tissu économique est encore trop fragile pour fédérer les opportunités financières nécessaires aux projets ambitieux.
Restaurer l’espoir
L’initiative de l’Adisco est en ceci novatrice qu’elle donne de la valeur à la participation des populations aux mécanismes de prise de décision, ce grâce à la proximité des promoteurs de l’initiative avec les populations. Pour les promoteurs de l’association, l’impact de ces actions grandit, restaurant la confiance des populations dans les actions de développement. Ces dernières voient en l’Adisco une ressource morale leur permettant de vaincre la déréliction, le traumatisme et les séquelles laissés par les conflits et les guerres. Pour preuve, elles prennent elles-mêmes l’initiative de parler sincèrement de leurs problèmes, quels qu’ils soient.
accès à la terre, souveraineté alimentaire, commercialisation des produits agricoles et alimentaires, échange de savoirs, éducation interculturelle
, Cameroun, Bafoussan, Cameroun.
Les peuples de montagne dans le monde
Inventer de nouveaux espaces de mutualisation aux plans local et global
Pour l’Adisco, la montagne est un territoire dont les problèmes produisent des conséquences sensibles aussi bien au plan local que global. Pour cela, il faut établir une solidarité à l’échelle mondiale pour développer des échanges d’expériences entre les montagnards. L’intérêt d’une telle démarche tient dans la capacité non seulement à construire, ensemble, des stratégies, mais aussi à développer au plan régional des circuits commerciaux équitables autour des produits de montagnes.
Pour l’Adisco, il est nécessaire de faire prendre des mesures politiques pour faire bénéficier des avantages de l’eau aux montagnards (centrales hydrauliques, eau potable, voies de communications), tout comme il est urgent d’initier une Convention internationale pour exploiter rationnellement les montagnes sans mettre en danger la vie de ses habitants.
Cet entretien a été réalisé par ALMEDIO Consultores avec le soutien de la Fondation Charles-Léopold Mayer pendant la rencontre régionale organisée par l’Association des Populations des Montagnes du Monde - APMM.
Entretien
Entretien avec Marc Nzikobari, 53 ans, membre de l’Adisco (Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines). Marc Nzikobari vit à Gitéga, où son action touche près de 600 000 personnes vivant dans les montagnes.
Adisco
B.P. 2695 Bujumbura, Burundi
Tél : (+257) 58 91 20 / (+257) 83 88 13/ (+257) 90 58 39
E-mail : adisco@ebinf.com
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