Transformations sociales, politiques et culturelles
Jusqu’au milieu des années 1970, dans la plupart des pays industrialisés et en voie d’industrialisation, une matrice sociopolitique classique (ou nationale-populaire) de l’action collective a prédominé (Garretón, 2002). Cette matrice était caractérisée par l’interaction entre l’État et la société, créant un acteur qui embrasse plusieurs mouvements sociaux différents car il s’identifie lui-même avec le « peuple ». Le mouvement national et populaire (Garretón, 2002 : 9-10), sous différents visages, a été considéré comme un sujet unique de l’histoire et on le croyait incarné par le mouvement ouvrier.
Cette matrice sociopolitique, qui articulait et façonnait l’action collective, ses acteurs (mouvement ouvrier, entreprises, État, etc.) et le mode de résolution des conflits politiques, s’est peu à peu démantelée partout dans le monde. Les transformations qui ont provoqué la fin d’un type de matrice favorisant une articulation centrée autour du mouvement ouvrier ont connu des conséquences diverses de par le monde. En Amérique latine ou en Afrique, l’impact des régimes autoritaires et militaires, ainsi que les réformes néolibérales très impopulaires ont abouti à une désagrégation potentielle du modèle de société industrielle de l’État-nation qui cherchait à se consolider. Cependant, en Europe, son impact s’est manifesté par un recul dans les capacités de l’État à articuler les secteurs qui auparavant étaient inscrits dans la société. Cela a conduit à la perte d’un grand nombre de ses principes fonctionnels de solidarité (Rosanvallon, 1995 : p. 10).
Au-delà des particularités propres à chaque région et du processus national, le démantèlement de la matrice qui a marqué l’action collective dans une grande partie du monde (du moins dans le monde occidental), s’est effectué en lien direct avec un processus de transformations mondiales. La « mondialisation » est une dimension incontournable pour toute étude cherchant à rendre compte de certaines particularités qui ont émergé dans l’action collective. Or, l’idée même de mondialisation est au centre du débat. Nous ne cherchons pas ici à contribuer au vaste débat autour de la question. Cependant, nous souhaitons présenter une série de caractéristiques qui doivent être prises en considération parce qu’elles sont indissociables des transformations subies par le capitalisme à l’échelle mondiale.
Comme l’affirme Giddens la « mondialisation peut être définie comme l’intensification mondiale des relations sociales, un phénomène qui crée un lien entre des localités différentes, de sorte que les évènements locaux sont façonnés par d’autres évènements en cours à des kilomètres de distance et vice versa » (1991 : p. 64). Néanmoins, le simple fait d’affirmer que la mondialisation implique une intensification de ces liens nous permet d’expliquer comment ces nouveaux liens plus dynamiques se sont transformés. C’est en ce sens que Robertson (1995) tente d’enrichir le débat, en soutenant que l’on associe à tort la mondialisation avec une homogénéisation mondiale imposée (ce que certains dénomment la « macdonalisation » du monde). Selon cet auteur, l’interdépendance croissante est un processus mondial qui ne se développe pas au détriment de l’hétérogénéité locale. Aussi, l’homogénéisation est-elle un processus de la modernité (il s’agit de la dimension temporelle), alors que la mondialité doit être entendue comme l’interprétation géographique des « civilisations » (sa dimension spatiale). En ce sens, la mondialité croissante de la planète et sa plus grande interconnexion ne peuvent pas être considérées comme un besoin de diffusion de l’homogénéisation de la modernité occidentale.
Partout dans le monde, les communications se sont améliorées : ainsi, dans certaines régions, les jeunes utilisent de plus en plus les technologies de la communication. La consommation croissante de ce type de biens a évidemment marqué un effet très important sur le rapprochement des distances et le lien évoqué par Giddens. Or, nous ne devons pas confondre cet effet avec une homogénéisation de la jeunesse. Dans le monde, l’usage et la reconsidération des moyens de communication entre les jeunes, s’adaptent aux spécificités des réalités locales (Bennet, 2000). Ainsi la mondialisation est-elle un processus dialectique, où l’hétérogénéité locale est reliée à un processus mondial, où il existe une juxtaposition du « mondial » (universel) et du « local » (particulier), révélant donc une réalité « moncale » (Robertson, 1995).
Il est très fréquent d’entendre dans les médias ou de lire dans la presse l’affirmation selon laquelle le monde s’est complètement transformé. Nous vivons dans un nouveau monde, où les changements s’accélèrent sans pour autant qu’apparaisse une lumière d’espoir. Beaucoup d’études montrent comment l’interconnexion croissante et le lien « moncal » n’annihilent pas ni ne démantèlent la tradition enracinée au cours des siècles dans les cultures locales. La tradition se trouve impliquée dans le processus de changement. Mieux encore : la « tradition nourrit la modernité » (Lagrée, 2004 : p. 106). Le nouveau contexte de socialisation qui accompagne la jeunesse actuelle n’est pas le résultat d’une rupture abrupte avec le passé, ni le résultat d’une assimilation à un modèle universel homogénéisant. La juxtaposition de ce qui est mondial et de ce qui est local se double d’une refondation entre tradition et modernité, de leur intégration (Lagrée, 2004). Ce processus complexe implique une assimilation des modèles sélectifs mondiaux et modernes, son imbrication avec les particularités locales et la masse de connaissances accumulées par les générations passées et leurs traditions culturelles.
Le mouvement hip-hop des favelas du Brésil est un exemple frappant de ce que nous cherchons à démontrer. Les jeunes Afro-Brésiliens adoptent consciemment et de manière sélective une culture transnationale des jeunes (Gordon, 1999 : p. 1). Cependant, ils adaptent l’idéologie raciale si influente sur le hip-hop aux Etats-Unis à leur réalité particulière – tout en s’inscrivant dans la suite de leurs prédécesseurs locaux (Gordon, 1999 : p. 2). Il est important de souligner que la refondation d’un mouvement mondial dans sa réalité locale, tout comme l’adaptation de ce même mouvement aux tensions et traditions préexistantes du Brésil (où le discours racial est généralement nié), n’est pas exclusif aux jeunes.
L’action collective et l’individu dans le monde actuel
Cet ensemble de transformations et de processus que nous venons de présenter brièvement a un impact très marqué sur les relations sociopolitiques dans lesquelles les individus et les acteurs collectifs sont le plus immergés.
Depuis la décennie des années 1980, et de manière plus accélérée depuis 1991, après la dissolution de l’Union Soviétique, les organisations non gouvernementales (ONG), les groupes extra-institutionnels (groupes économiques, médias) et ce qu’on a dénommé les nouveaux mouvements sociaux ont commencé à émerger en tant qu’acteurs clés de la nouvelle carte politique. Ces nouveaux acteurs cohabitent avec les acteurs classiques (syndicats, partis politiques, etc.). Ayant perdu leur signification sociale, ces derniers connaissent une « corporatisation ». Dans ce nouveau cadre, les formes d’action collective émergentes se caractérisent de plus en plus par la décentralisation de l’État-nation industriel comme médiateur social (Garretón, 2002). La grande variété des formes de protestations et une moindre stabilité dans l’organisation au cours de longues périodes historiques, expliquent en quelque sorte l’émergence de nouveaux acteurs sociaux qui ne sont pas centrés autour d’un principe constitutif, et qui se constituent donc aussi bien sur le champ stratégique qu’identitaire (Rossi, 2005).
Du fait de ces changements importants, les individus subissent la désagrégation croissante de repères fiables qui ont caractérisé les relations de travail, familiales et politiques au cours des 50 dernières années. La désinstitutionalisation des cadres collectifs qui apportaient une structure à l’identité sociale et individuelle n’est pas uniquement le résultat du recul de l’État dans ses rôles sociaux (Europe, États-Unis, Australie) ou même de la fin d’un modèle de développement économique-productiviste (Europe de l’est, Amérique latine, Afrique), mais elle signifie « … la désintégration des certitudes de la société industrielle [ou de ses équivalents locaux] ainsi que la nécessité de trouver et d’inventer de nouvelles certitudes pour soi-même et pour autrui… » (Beck, 1994 : p. 14). Mais, comme l’affirme Castel (1997 : p. 472), cette individualisation est un processus bipolaire. Les jeunes qui intègrent les secteurs privilégiés d’une grande partie de la planète perçoivent de manière positive l’individualisation progressive et le besoin de vivre leur propre parcours biographique d’une façon de plus en plus autonome et rationnelle. Il s’agit d’un processus où l’on favorise probablement l’authenticité, la liberté et la réalisation personnelle sans les déterminismes qui semblaient être définis par des traditions et des modèles extrêmement fermés. Cependant, les groupes les plus démunis par les transformations de ces dernières années vivent concomitamment cette individualisation compulsive comme étant associée à une absence de référence. En d’autres termes, le manque croissant de recours matériels et symboliques (dû aux réformes néolibérales, aux transformations de l’État et à la précarisation de l’emploi ou de l’enseignement) s’accompagne d’une difficulté pour les jeunes à construire cette identité émancipatrice. Au contraire, on observe dans de nombreux cas la souffrance d’une situation de vulnérabilité et de déchéance sociale. Les exigences de l’individualisation sont vécues en termes d’anomie et de fragilisation (Rossi, 2005). En résumé, alors que tous vivent les changements que nous avons évoqués, ils ne sont pas ressentis de la même manière : dans certains cas ils créent émancipation et autoréalisation, dans d’autres fragilisation et vulnérabilité.
Un autre effet à prendre en compte est celui de la constitution de citoyennetés multiples (Held, 2000 : p. 402). Issus à la fois d’une construction identitaire de plus en plus rationnelle et d’une fragilisation provoquée par le manque de protections, les jeunes se trouvent immergés dans différentes communautés d’accueil. Au sein de ces communautés ils sont confrontés au besoin de devenir citoyens de leurs propres communautés (par la défense de leur éducation, la revendication d’emplois et de conditions de vie dignes, etc.), ainsi que d’autres communautés plus vastes. L’interdépendance croissante fait que le monde devient un espace où les actions, par exemple au détriment de l’environnement, ont des conséquences sur d’autres espaces très divers et lointains. Très souvent cela engage les jeunes dans des citoyennetés basées sur des communautés d’accueil mondiales ou régionales (par exemple l’écologie, comme principe mondial, peut représenter une communauté d’accueil qui rassemble des jeunes de différentes parties du monde, même s’ils ne se connaissent pas personnellement). L’interdépendance et les liens sélectifs que produisent les médias via Internet favorisent également l’existence de communautés d’accueil transnationales. Comme l’affirment Sarswahi et Larson, « … sur beaucoup de plans différents, les vies des jeunes de classe moyenne d’Inde, du Sud-Est asiatique et d’Europe ont plus d’éléments en commun entre elles qu’avec celles de jeunes pauvres dans leur propre pays » (2002 : p. 43). Ces nouvelles formes différentes de citoyenneté ainsi que la désagrégation de l’État comme axe des relations sociales, oblige les jeunes à redéfinir le monde dans lequel ils vivent afin de pouvoir entrer en relation avec lui. Ainsi, sont-ils obligés de construire de nouvelles certitudes qui les protègent symboliquement.
Nous nous garderons d’affirmer que dans le cadre de la matrice classique les risques mondiaux étaient inexistants (la menace d’une guerre nucléaire a déterminé en grande partie notre histoire récente). Mais une fois dissous les repères que produisaient les communautés de partis, les appartenances « fortes » ont disparu, et l’individu ne s’est plus perçu comme y étant intégré. Cela a simultanément sonné le glas des explications définitives et méta-prescriptives sur les risques mondiaux. C’est pourquoi les jeunes comme les adultes sont de plus en plus obligés de redéfinir et d’orienter leur propre parcours biographique en termes individuels et étrangers aux méta-récits classiques.
La fin des identités « fortes » et des biographies linéaires
L’une des conséquences les plus importantes est la fin des identités « fortes ». Les identités sociales et politiques sont de plus en plus éphémères et partielles, davantage fragmentées et moins intégratrices. Il n’est plus possible d’affirmer si facilement l’existence d’identités qui regroupent une multiplicité d’acteurs et d’individus. Il est également à noter que l’identité des individus n’est plus le résultat de leur positionnement au sein d’une structure sociale aux rôles constitués. Il ne s’agit pas d’un phénomène uniquement circonscrit aux jeunes, mais au contraire d’un fait sociétal. Par exemple, rencontrer un travailleur industriel manuel qui se considère principalement comme « ouvrier » et qui soit obligatoirement un acteur syndicalisé et de gauche (ou populiste) n’est plus habituel. La fin des meta-récits et des communautés de partis et la précarisation/fragilisation individuelle croissante ont annihilé l’indubitable correspondance entre ce qui est social et ce qui est politique. Cela n’implique cependant pas que les individus soient complètement désengagés d’une matrice de relations conflictuelles.
En complément de ce qui a été mentionné ci-dessus, relevons une conséquence cruciale : l’autonomisation des parcours biographiques par rapport à l’inévitable linéarité biologique. Autrement dit, le rapport entre le parcours biographique et le temps biologique/vital ne coïncident plus. A l’exception de ses extrêmes (naissance et mort) le parcours biographique de chaque individu s’est libéré de l’inévitable linéarité biologique. Avant la période moderne, chaque individu devait vivre son existence dans un temps linéaire et cyclique. C’est-à-dire qu’il évoluait en traversant une série de phases bien définies et des cycles déterminés par la nature (voir Graphique I). Ces séquences pourraient être celles que nous relevons dans le Graphique I, en ignorant peut-être une étape (généralement l’enfance ou la jeunesse). Le modèle intelligible et habituel était celui de la linéarité entre le développement biologique de la naissance à la mort et celui des séquences biographiques et leur ordre en correspondance avec le précédent.
Graphique I : Modèle de vie moderne
L’autonomisation des parcours biographiques par rapport à l’évolution biologique signifie que les étapes clairement déterminées par l’environnement naturel perdent leur prééminence. Les parcours biographiques individuels sont des constructions – comme nous l’avons constaté – principalement rationnelles, individualisées, au cœur desquelles les identités sont moins « fortes ». Elles sont étrangères à une matrice sociopolitique centralisatrice. Elles s’inscrivent dans un scénario d’interdépendance croissante et de « moncalité ». L’État a perdu une prééminence exclusive dans la définition des modèles de relations sociales. Les parcours biographiques, issus de ces recompositions, deviennent plus complexes. Il n’est plus possible d’affirmer qu’un individu vivra obligatoirement les étapes de la vie de façon linéaire et chronologique.
Graphique II : « Les perceptions de la jeunesse et de l’âge adulte »
Jeunesse | Age adulte |
Non adulte/adolescent | Adulte/évolué |
En devenir | Achevé |
Etre présocial qui se forgera une identité sous les conditions adéquates | Doté d’une identité aboutie |
Dépourvu de pouvoir et vulnérable | Puissant et fort |
Moins responsable | Responsable |
Dépendant | Indépendant |
Sans connaissances | Doté de connaissances |
Qui a des comportements à risque | Qui assume des comportements rationnels |
Rebelle | Conformiste |
Non autosuffisant | Autonome |
Source : adapté de Wyn et White, 1997 : p. 12. Copyright © 1997 Whyn et White.
De nombreuses études (Smith et Rojewski, 1993 ; Wyn et White, 1997 ; Rudd et Evans, 1998 ; Wyn et Dwyer, 2000) montrent que certains modèles comme celui de la jeunesse « extensive », la jeunesse ou l’âge adulte « précoce » ou encore « l’avancement et le retour » entre la jeunesse et l’âge adulte ne doivent pas être considérés comme des « pathologies » ou des « dysfonctionnements ». Il serait pertinent de repérer les signes du nouveau modèle de vie qui caractérise la société moderne tardive. Cela n’implique aucunement la disparition du modèle moderne. Il coexiste désormais avec beaucoup d’autres options de parcours biographique possibles. Comme l’affirme Melucci :
Dans la société contemporaine, la jeunesse ne représente d’ailleurs plus simplement une condition biologique, elle est aussi désormais une définition culturelle. L’incertitude, la mobilité, l’état passager, l’ouverture aux changements, tous les attributs traditionnels de l’adolescence comme état passager semblent s’être déplacés bien au-delà des limites biologiques pour devenir une référence culturelle largement diffusée que les individus assument comme une partie de leur personnalité dans les différentes étapes de leur vie (Melucci, 1996 : pp. 4-5).
L’âge adulte, selon les critères prédéfinis et exposés dans le Graphique II, ne représente plus un « point d’arrivée » dans la vie mais un état oscillant, relatif et transitoire comparable à la jeunesse. L’individu actuel vit son parcours biographique en traversant des phases marquées par la prégnance des caractéristiques généralement associées à la condition d’adulte (par exemple, le devoir de soutenir financièrement sa famille). Inversement, cet individu se trouvera à d’autres moments dans une condition de jeunes (par exemple, en tant qu’étudiant). Certaines situations peuvent voir coexister ces deux conditions (par exemple, une indépendance socioculturelle croissante et une dépendance financière). Un jeune d’Argentine témoigne clairement de cette difficulté à mener à bien un engagement politique constant et linéaire : « De plus lourdes pressions pèsent sur la vie familiale et sociale : la nécessité d’une meilleure formation, d’une formation continue, la précarité des emplois, le pluri-emploi » (entretien cité par Balardini, 2005 : p. 25).
Définition de la condition de jeunes
Au regard de ce que nous venons de présenter, entretenir le mythe d’une jeunesse homogène s’avère aujourd’hui inapproprié. Ce mythe recouvre trois acceptions habituelles par lesquelles on essaie d’identifier tous les jeunes avec les qualités de certains d’entre eux. A savoir :
1. La jeunesse : un âge d’or (Braslavsky, 1986 : p. 13) ; on a tendance à identifier « … tous les jeunes aux « privilégiés » - insouciants ou militants pour la défense de leurs privilèges -, les individus qui ont du temps libre, qui jouissent de leur oisiveté et, de manière plus générale, d’un « moratoire social », qui leur permet de vivre sans angoisse ni responsabilité » (Margulis et Urresti, 1996 : p. 14, n. 2).
2. L’interprétation de la jeunesse grise (Braslavsky, 1986 : p. 13), « … par laquelle les jeunes apparaissent comme étant les premières victimes de tous les maux, la couche de la population la plus touchée par la crise, par la société autoritaire, qui serait une majorité parmi les inactifs, les délinquants, les pauvres, les apathiques… » (Margulis y Urresti, 1996 : p. 14, n. 2).
3. La jeunesse blanche « … où les jeunes sont considérés comme des personnages purs et merveilleux qui auraient sauvé l’humanité, qui auraient fait tout leur possible pour leurs parents, des jeunes participatifs, éthiques, etc. » (Braslavsky, 1986 : p. 13).
La condition de jeunes ne représente plus une simple étape dans une séquence linéaire biologique-biographique, mais une construction socioculturelle, transitoire et définie historiquement (Valenzuela, 1998 : pp. 38-39 ; Alpízar y Bernal, 2003 : pp. 13-14). Plus encore, la nouvelle matrice, la complexité croissante et la fin des meta-récits font de la « jeunesse (…) un concept dépourvu de signification en dehors de son contexte historique et socioculturel » (Valenzuela, 1998 : p. 38). Son ancrage contextuel fait de la condition de jeunes le produit d’un processus conflictuel et négocié entre les représentations propres aux jeunes et les représentations exogènes (alliées ou antagonistes).
A travers les transformations de la société, l’âge adulte, éventuellement perçu comme un aboutissement ou une stabilisation achevée, est devenu une vue de l’esprit de plus en plus dénuée de sens. Pour autant les conséquences de ces changements n’ont pas été univoques. L’expérimentation d’une multiplicité croissante de représentations identitaires, avec lesquelles la condition de jeunes se confronte, installe l’individu au cœur de rapports de force et de négociations. Ici entrent notamment en jeu le genre, l’ethnie, etc. Dans ce jeu de relations, sont mises en relief deux dimensions clés à prendre en compte.
D’une part, la condition de jeunes se différencie d’autres conditions, comme celle de l’ethnie ou du genre. Elle est transitoire et récurrente (si nous respectons le modèle non-linéaire). Bien que transitoire, cette condition n’en conserve pas moins ses spécificités.
D’autre part, le fait que l’individu jeune vive les désagrégations des principes de référence comme une émancipation ou comme une fragilisation et une vulnérabilité démontre que la condition de jeune peut être ou ne pas être vécue comme un moratoire social (mythe de l’âge d’or). Beaucoup de jeunes des Balkans ont subi la guerre, ce qui – comme l’explique une professionnelle de la Balkan Children Foundation (Fondation balkanique pour l’enfant) de Macédoine – a marqué leur vie. En effet « … de façon plus particulière, les jeunes sont devenus de « jeunes-personnes âgées » (…). Ils ont grandi et mûri trop vite » (Alexandra Vidanovic, entretien). Ces individus doivent pourtant être considérés comme jeunes au regard des relations sociales dans lesquelles ils s’inscrivent. Ceci est un fait même dans des cas où ils ne se présentent pas comme étant « strictement » jeunes (voir Graphique II). Il en est ainsi des jeunes de l’Afrique Subsaharienne, où le VIH et le SIDA ont poussé les orphelins à s’occuper de tâches qui étaient auparavant réservées aux adultes. Dans ces situations, ils sont malgré tout susceptibles de représenter une condition de jeunes définie par le contexte historique et socioculturelle de leurs relations sociales.
Pour résumer, nous ne considérons pas que la condition de jeunes puisse uniquement être définie comme une catégorie sociale car cette catégorie sociale est dénuée de valeur explicative universelle. Elle ne tient en effet pas compte de l’environnement, des relations sociales ni des particularités spécifiques. La jeunesse est une condition sociale.
sciences sociales, sciences politiques, sociologie, jeune, participation populaire, mouvement social, société civile, relations sociales, conséquences de la mondialisation, Etat et société civile
La jeunesse en mouvement : rapport de recherche sur les formes d’engagement politique des jeunes
Cette fiche est aussi disponible en espagnol : La Condición Juvenil ante las Transformaciones de la Sociedad
Livre ; Articles et dossiers
ALPIZAR L. y BARNAL M. (2003) “La construcción social de las juventudes”, Última Década, Num. 19, Viña del Mar.
BALARDINI S. (2005) “Evaluación de Capacidades en Organizaciones Juveniles del Mercosur. Informe Argentina”, Proyecto CELAJU - UNESCO - Banco Mundial: Buenos Aires.
BECK U. (1994) “The Reinvention of Politics: Towards a Theory of Reflexive Modernization” en Beck, U., Giddens, A. y Lash, S. Reflexive Modernization, Stanford UP: California.
BECK U. (1999) “Hijos de la Libertad: contra las lamentaciones por el derrumbe de los valores”, en Beck, U. (comp.) Hijos de la Libertad, Fondo de Cultura Económica: México DF.
BENJUMENA A. (2002) “Youth Network of Medellín”, en Golombek, S. (ed.) What Works in Youth Participation: Case Studies from Around the World, International Youth Foundation: Baltimore.
BENNET A. (2000) Popular Music and Youth Culture, Macmillan: Basingstoke.
BRASLAVSKY C. (1986) La Juventud Argentina. Informe de Situación, Centro Editor de América Latina: Buenos Aires.
CASTEL R. (1997) La Metamorfosis de la Cuestión Social, Piadós: Buenos Aires.
GARRETON M. (2002) “La transformación de la acción colectiva en América Latina”, Revista de la CEPAL, Núm. 76, abril, Santiago.
GIDDENS A. (1991) Modernity of Self-identity: Self Society in the Late Modern Age, Polity Press: Cambridge.
GORDON J. (1999) “Hip-Hop Brasileiro: Brazilian Youth and Alternative Black Consciousness Movements”, presentado en la American Anthropology Association Meetings, 18 de noviembre de 1999, Stanford University.
HELD D. (2000) “Regulating Globalization? The Reinvention of Politics”, International Sociology, Vol. 15, Núm. 2, Londres.
LAGRER J. (2004) “Review Essay: Youth, Families and Global Transformations”, Current Sociology, Vol. 52, Núm. 1, Londres.
MARGULIS M. y URRESTI M. (1996) “La juventud es más que una palabra”, en Margulis, M. y Urresti, M. (eds.) La juventud es más que una palabra, Biblos: Buenos Aires.
MELUCCI A. (1996) « Youth, Time and Social Movements », Young. Nordic Journal of Youth Research, Vol. 3, Núm. 3, Helsinki.
ROBERTSON R. (1995) “Glocalization: Time-Space and Homogeneity-Heterogeneity”, en Featherstone, M., Lash, S. y Robertson, R. (eds.) Global Modernities, Sage: Londres.
ROSANVALLON P. (1995) La Nueva Cuestión Social, Manantial: Buenos Aires.
ROSSI F. (2005) “Crisis de la República Delegativa. La constitución de nuevos actores políticos en la Argentina (2001-2003): las asambleas vecinales y populares”, América Latina Hoy, Núm. 39, abril, Salamanca.
RUDD P. y EVANS K. (1998) “Structure and Agency in Youth Transitions: Students Experiences of Vocational Further Education”, Journal of Youth Studies, Núm. 1, Londres.
SARSWAHI T. y LARSON R. (2002) “Adolescence in Global Perspective: An Agenda for Social Policy”, en Brown, B., Larson, R. y Sarswahi, T. (eds.) The World’s Youth: Adolescence in Eight Regions of the Globe, Cambridge UP: Cambridge.
SMITH C. y ROJEWSKI J. (1993) “School-to-Work Transition, Alternatives for Educational Reform”, Youth and Society, Vol. 25, Núm. 2, Londres.
VALENZUELA J. (1998) “Identidades Juveniles”, en AAVV, ‘Viviendo a Toda’. Jóvenes, Territorios Culturales y Nuevas Sensibilidades, Editorial Universidad Central - DIUC Siglo del Hombre Editores: Bogotá.
WYN J. y DWYER P. (2000) “Nuevas pautas en la transición de la juventud en la educación”, International Social Science Journal, Vol. LII, Núm. 164, junio, París.
WYN J. y WHITE R. (1997) Rethinking Youth, Sage: Londres.