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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La panique aux commandes : description du point de vue de Robert Hahnel

"tout ce que vous devez savoir sur la mondialisation économique"

Aurore LALUCQ

04 / 2006

Economiste à l’origine du courant dit de l’économie libertaire participative, Robin Hahnel traite dans ce livre, du « spectaculaire développement » économique mondial de la décennie 1990, soit de ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler la mondialisation. Il s’interroge, en outre, sur la portée réelle de ce boom économique. Mais d’ailleurs, boom y a-t-il eu ? L’auteur en doute sincèrement.

Il s’agirait donc selon lui d’un boom factice :

  • premièrement, parce qu’au final la production mondiale a augmenté bien plus rapidement avant cet épisode de déréglementation qu’après : soit lors des trente glorieuses, alors que le capitalisme était davantage régulé ;

  • deuxièmement parce que l’augmentation de la population mondiale a été très importante ces dernières décennies (et par conséquent la croissance du PIB par habitant moindre) ;

  • et enfin parce que ce boom s’est traduit par une aggravation des inégalités dans la distribution des revenus et bien plus encore dans la répartition des richesses, à l’intérieur et entre les pays. Les enquêtes d’opinion révèlent ainsi un grand pessimisme des populations, notamment américaines, qui, alors que la croissance étasunienne des années 1990 semblait particulièrement dynamique, craignaient pour leur avenir dans une mesure comparable à celle de la grande dépression.

En conclusion, le miracle de la reprise mondiale sur la période 1980-1996, se résumerait donc à des réussites de court terme de quelques économies du sud-est asiatique et à un accroissement des inégalités. L’auteur va donc tenter d’invalider les hypothèses défendues par certains (néo)libéraux, selon lesquelles les gains d’efficacité liés au processus de déréglementation et de libération ont été bien plus conséquents que les dommages qu’il a pu engendrer.

Tout d’abord, il nous rappelle que pour chaque NPI (nouveau pays industrialisé) décollant dix autres pays ont vu leur situation se dégrader lors de ce « boom néolibéral » . Puis, il revient en particulier sur ce que beaucoup d’experts ont un peu trop vite été tentés de nommer le « miracle asiatique »  : son miraculeux essor… et sa miraculeuse crise, suivie de très près par l’effondrement économique et financier de la Russie et qui, à eux deux, ont réussi à force de propagation, à faire trembler les instances économiques et financières internationales, mais aussi à les faire sortir - en partie - de leurs certitudes.

Robin Hahnel voit deux explications à cette crise tentaculaire :

  • premièrement, une certaine opacité et instabilité du marché des capitaux, liée au nouveau système dérégulé de crédit, mais également liée à ses contradictions structurelles. Ainsi explique l’auteur, chaque individu, en possession de titres négociables sur les marchés boursiers, va implicitement appliquer deux règles totalement contradictoires : la première stipule que personne ne doit paniquer, afin de maintenir la stabilité, vitale, du marché ; et la seconde insiste au contraire sur la nécessité de paniquer avant tout le monde afin de ne pas voir son capital se déprécier en cas de crise. Un système reposant sur une telle contradiction ne peut donc ni être stable, et encore moins être viable à long terme.

  • autre explication de l’intensité et du pouvoir propagateur de cette crise selon l’auteur : l’incompétence flagrante des experts agissant au sein des institutions financières internationales.

Durant les années 1990, on a en effet assisté à un véritable emballement frénétique, porté notamment par le FMI et la Banque Mondiale, pour tout mouvement allant dans le sens d’une plus grande libéralisation. Ainsi Nicholas Kristoff (1) évoque ainsi cette période : « pas un instant nous ne pensions à autre chose qu’à promouvoir les mesures en faveur d’une plus grande ouverture des marchés » . Tout le monde était donc embarqué dans une totale euphorie liée à la libéralisation qui, pour Robin Hahnel, a principalement servi aux Etats-Unis. Mais finalement, ce n’est pas tant cette exclusivité idéologique des institutions financières internationales que critique l’auteur, mais bien leur incompétence.

Aucun de leurs experts n’avaient vu la crise venir, ni aucun n’en avait prévu l’expansion.

Du miracle asiatique, né du libéralisme, encensé par des experts-économistes des institutions internationales, on est vite passé à des « capitalismes opaques » , à un développement « désordonné » ,…

L’auteur arrive donc à la conclusion que la mondialisation est avant tout un procès de libéralisation des marchés de capitaux, doublé d’une volonté des Etats-Unis de conserver leur pouvoir hégémonique sur le monde par l’intermédiaire de « pantins-acteurs incompétents sévissant dans les Institutions Financières Internationales » . Le seul souci de ces économistes n’étant alors que de garantir le placement et le rendement des biens de cette élite économique mondiale qui détient à elle seule la quasi totalité des richesses.

Afin de sortir de cette fragilité économique et financière mondiale, Robin Hahnel propose donc plusieurs solutions de court terme à mettre en œuvre dans les plus brefs délais, insiste-t-il. Mais au final celles-ci sont bien plus proches des stratégies keynésiennes que marxistes et ne présentent quasiment aucune remise en cause systémique :

  • tout d’abord, « n’apporter aucun soutien à la mise en place d’un système de crédit international n’incluant pas un programme de réduction des dettes. »

  • ni même « aux membres de l’équipe B (i.e les keynésiens) défavorables aux contrôles nationaux de capitaux »

  • ou encore « à un "prêteur en dernier recours" international sans garantie que les prêteurs rembourseront la communauté internationale et que les emprunteurs seront pleinement représentés. »

  • afficher une « opposition systématique à toute législation ou tout traité international concernant le commerce, l’investissement direct étranger ou les prêts internationaux ne réussissant pas le test d’équité. C’est à dire faire en sorte que l’intensification des activités économiques internationales entraîne une diminution et non une aggravation des disparités mondiales »

  • et enfin, « refuser que les agriculteurs du tiers-monde puissent être expulsés de leurs terres et interdire aux investisseurs étrangers d’acquérir ces terres » .

1 Editorialise au New York Times

Mots-clés

système financier international, FMI, banque mondiale


, Asie du sud est, Thaïlande, Indonésie, Russie

dossier

Économie, société et environnement : des éléments de réflexion pour une société durable

Commentaire

Il s’agit d’un exercice de vulgarisation économique s’adressant avant tout à une population profane en la matière. Son intérêt majeur est de décrire le fonctionnement des marchés financiers, des crises financières ainsi que l’incapacité des institutions financières internationales à stopper leur propagation. Le déroulement de la crise asiatique y est donc parfaitement décrit.

Cependant, plusieurs choses sont à regretter à mon sens. Tout d’abord parce que de ce livre ne ressort, au final, qu’une certaine nostalgie, compréhensible à certains égards, de l’époque dite des 30 glorieuses. En somme : remontons les frontières, recloisonnons les mouvements de capitaux, rétablissons la légitimité de l’intervention étatique et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour un hétérodoxe libertaire, on a vu plus radical ! De même, ses propositions à mettre en place « immédiatement » sont majoritairement conjoncturelles, en aucun cas systémiques, et sont de surcroît inapplicables dans l’état actuel des choses. Enfin, l’économie y est décrite uniquement comme un outil idéologique au service des politiques des grandes puissances mondiales, soit : des Etats-Unis. Des raccourcis parfois trop simplistes qui gâchent un exercice pourtant intéressant.

Source

Livre

HAHNEL Robin, La panique aux commandes, co-édition : Editions Agone, et Editions Comeau et Nadeau, mars 2001. ISBN : 2-922494-36-5

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