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Actions d’occupation en faveur de l’application du droit au logement

(Action Diritti)

07 / 2005

La pratique de l’association Action Diritti est née d’un constat : Rome est une ville où le droit au logement, pourtant garanti par les textes, n’a jamais été appliqué. De nombreuses associations luttent donc pour qu’il soit rendu effectif.

Une association née de la mise en place d’actions directes

L’association est née en 2002, à partir d’une précédente expérience du DAC (Association Diritti a la Casa / Droit au logement). Pour la première fois, un groupe d’occupants a décidé de mettre son expérience liée à l’occupation de bâtiments au service d’autres personnes. Une centaine de familles d’un quartier, confrontées à des difficultés de logement, ont ainsi commencé à occuper un bâtiment public laissé à l’abandon et sont parvenues à ouvrir des négociations avec les pouvoirs publics. Quatre occupations se sont succédées : à chaque fois, les occupants étaient expulsés et devaient recommencer une nouvelle occupation quelques temps après. Le bâtiment occupé étant alors à vendre, les négociations couplées aux actions directes d’occupation ont fini par forcer les pouvoirs publics à financer l’achat du bâtiment pour en faire des logements. Durant cette période, les habitants ont également occupé d’autres lieux, tels que des écoles, pour exiger des pouvoirs publics qu’ils les utilisent pour leur fonction première. Toutes les actions directes ont permis d’obtenir un résultat positif.

Les militants d’Action Diritti soulignent que ces expériences ont finalement modifié le comportement des personnes qui y ont participé. Celles-ci se sont rendu compte qu’elles pouvaient devenir actrices de leurs propres solutions, malgré les difficultés économiques et sociales auxquelles elles se trouvaient confrontées. Elles ont réalisé qu’elles avaient la possibilité d’obtenir l’application de droits et, qu’à partir de ce moment-là, ces droits cessaient d’être quelque chose d’abstrait.

Trois éléments ont plus particulièrement déterminé la naissance de l’association Action Diritti et fondent aujourd’hui son action :

  • la nécessité de lutter par l’action : montrer aux gens qu’ils ont la possibilité d’agir directement pour obtenir des résultats concrets ;

  • la nouvelle réglementation italienne sur la décentralisation : les lois de décentralisation ont donné davantage de pouvoir aux autorités publiques des arrondissements de la ville qui sont devenus, depuis lors, des municipalités. Cela a contribué à créer un terrain plus propice aux négociations, notamment dans le domaine du logement ;

  • l’analyse de la situation du logement à Rome : il y a 26 000 demandes d’attribution de logements populaires et 150 000 logements vides dont 70 000 pourraient être utilisés immédiatement.

Aujourd’hui, l’association occupe aussi bien des bâtiments publics que des bâtiments privés. Sur 12 occupations de bâtiments privés, ils n’ont été expulsés qu’une seule fois.

L’articulation entre action individuelle et action collective

Action Diritti constate que la plupart des associations qui travaillent dans le domaine du droit au logement ne pensent pas suffisamment à agir de manière organisée et collective pour faire évoluer le droit au logement à un niveau plus global. L’association souligne que pour faire réellement évoluer la situation, il faut travailler sur tous les aspects du droit. C’est ainsi qu’elle a décidé de mettre en place, de manière expérimentale dans un premier temps, un guichet d’information juridique. Ouvert au départ 4 mois pendant l’été, le guichet a permis d’informer et d’orienter plus de 500 personnes vivant des situations particulièrement compliquées et se trouvant totalement en dehors du droit.

Les permanences ne sont pas tenues par des avocats mais par des membres de l’association. Ces membres ont suivi un cours d’auto-formation au droit et à la citoyenneté. Ces formations sont animées par plusieurs personnes au profil différent : avocats et personnes ayant participé aux actions d’occupation, ayant acquis par leur expérience des compétences spécifiques dans certains domaines. Le fait de faire intervenir en binôme avocats et militants permet d’aborder à la fois les aspects revendicatifs et les aspects légaux liés à une thématique. Sur chaque thématique, 2 sessions de formation de 2 jours sont organisées.

Grâce à ces formations, les personnes qui participent aux occupations peuvent ensuite prendre en charge les permanences juridiques et le relais fonctionne bien.

Les guichets d’information, installés au départ sur les lieux d’occupation, ont également aujourd’hui pris place au sein d’une dizaine de municipalités de la ville de Rome. Ils ne gèrent plus des problèmes liés uniquement au logement mais à l’habitat en général (accès aux services de base,…). Ils continuent à fonctionner selon les mêmes principes d’organisation.

L’évolution du droit au niveau national

Action Diritti fait maintenant partie d’un réseau avec d’autres associations travaillant dans le domaine du logement à Rome afin de créer un syndicalisme urbain sur le thème du logement et de mettre en commun leurs forces revendicatives. L’une de leurs revendications a ainsi abouti : ils sont parvenus, en négociant avec les pouvoirs publics, à obtenir le vote d’une loi qui institue une agence de la ville chargée de louer des logements à bas prix. Ils ont également obtenu le vote d’un projet de construction de 15 000 logements sociaux, sans attendre la mise en place du plan régulateur de ville en matière d’urbanisme.

Des actions judiciaires rendues difficiles par la position des juges

Actuellement, les tribunaux de Rome développent une jurisprudence plutôt défavorable aux associations de lutte pour le droit au logement. Les militants du mouvement sont considérés la plupart du temps comme des délinquants. Les juges ont même créé un nouveau délit en interprétant largement les dispositions du code pénal : « l’organisation d’activités de délinquance ayant pour finalité l’occupation des bâtiments publics de la ville ». Pour l’instant, les jugements de militants ayant participé aux occupations sont en cours.

Les militants de l’association se retrouvent ainsi dans une position contradictoire : considérés comme des délinquants pour les actions qu’ils mènent, ils continuent à bénéficier de mandats publics, notamment pour expérimenter la mise en place du budget participatif au sein des Xème et XIème municipalités de la ville.

Il est assez rare qu’ils arrivent à faire appliquer la loi de réquisition qui prévoit la possibilité pour le Préfet ou le Maire de réquisitionner des logements vides pour des raisons de santé publique ou des raisons liées à l’ordre public. Action Diritti a réussi à faire appliquer cette loi dans un seul cas, mais celui-ci ne présentait pas de difficulté particulière étant donné qu’il s’agissait de bâtiments appartenant à la municipalité du XIème arrondissement qui mène une politique favorable à l’accès au logement pour tous. Une autre tentative a été effectuée pour exiger l’application de cette loi mais c’est finalement par la négociation que le bâtiment a pu être récupéré.

Mots-clés

droit au logement, formation juridique, mobilisation populaire


, Italie

dossier

Pratiques du droit, productions du droit : initiatives populaires, 2005

Source

Entretien

Réalisé en juin 2005 : Association Action Diritti, Fabrizio Nizzi, Rome, ITALIE - Imasuriosabino AT tiscali.it

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