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Une ambassade universelle pour les sans papiers

(Ambassade Universelle et Assemblée de Voisins d’Ixelles)

07 / 2005

L’ambassade universelle est née de l’occupation d’une église par des sans papiers lancée en 1998 à la suite des mouvements d’occupation qui se sont déroulés en France. Les personnes sans papiers revendiquaient leur régularisation collective et ces mouvements ont abouti à l’adoption d’une loi de régularisation de 1999. Cette loi prévoyait que tous les sans papiers arrivés sur le sol belge avant une date fixée pouvait être régularisés sous certaines conditions (durée de séjour en Belgique, durée de la procédure d’asile, raisons humanitaires, présence d’enfants, etc.). Les sans papiers disposaient d’un mois après le vote de la loi pour introduire leur recours. Les premiers occupants ont tous obtenu leur régularisation et sont donc partis, remplacés ensuite par d’autres groupes.

A la suite de l’incendie de l’église occupée, il a fallu trouver une solution de relogement pour les sans papiers. Après quelques temps de recherche, l’ancienne ambassade de Somalie a été trouvée, d’où le nom d’«Ambassade Universelle ». La situation juridique du bâtiment met les occupants à l’abri, puisque son propriétaire est aujourd’hui introuvable et qu’on ne peut organiser une expulsion qu’à sa demande…

Un lieu d’accueil et d’accompagnement

Actuellement, environ 30 personnes habitent à l’Ambassade Universelle mais, contrairement aux premiers habitants, elles se trouvent toutes dans des situations différentes, ce qui complique les choses. Certains habitants ne rentrent dans aucun critère et n’ont aucune possibilité de régularisation. Une dizaine de personnes, de tous profils (juristes et non juristes), travaillent bénévolement à l’Ambassade pour accompagner les sans papiers.

Un soutien juridique y est notamment mis en place, sous forme d’aide individuelle. Il avait été tenté d’organiser des séances d’information et d’échanges d’expériences collectives mais cette initiative a été stoppée, notamment parce que les gens étaient gênés de parler de leur situation en public.

Il n’est pas forcément facile de mobiliser les sans papiers et de faire en sorte qu’ils s’approprient la résolution de leurs problèmes. Cela dépend des personnes, de leur situation. De plus, aujourd’hui le droit des étrangers est un droit qui va à l’encontre des sans papiers, dans lequel il est difficile de trouver des failles, les personnes sont donc amenées à chercher des solutions non juridiques à des problèmes juridiques.

L’Ambassade Universelle se veut être un lieu d’organisation des sans papiers, un espace de décisions et d’initiatives qui leur est propre ; les personnes qui interviennent bénévolement essaient donc de prendre le moins d’initiatives possibles en terme d’actions collectives. La gestion de la vie quotidienne, l’aide à l’organisation de fêtes, de festivals leur prend déjà beaucoup de temps.

Des actions qui tendent à faire bouger le droit

Le droit des étrangers est un droit qui se situe sans cesse à la limite du respect des droits de l’Homme et les militants utilisent cela pour essayer d’obtenir certaines jurisprudences favorables, certaines condamnations de l’Etat, pour faire annuler certaines réglementations, mais l’Etat revient sans cesse à la charge avec de nouvelles lois pour annuler les effets des avancées jurisprudentielles obtenues ou de l’évolution des pratiques.

Des Equatoriens sont ainsi actuellement en train de s’organiser sur la question des enfants nés sur le sol belge. Une jurisprudence a en effet pu être obtenue dans ce domaine. L’Equateur ne reconnaît pas les enfants nés hors de son territoire. Par conséquent, les Equatoriens font valoir le fait que l’enfant est apatride et que l’Etat belge doit lui reconnaître la nationalité belge. La Cour d’arbitrage a admis ce raisonnement. Les Equatoriens se sont donc organisés et savent comment faire pour obtenir leur régularisation en se servant de cette jurisprudence.

Mais actuellement le Conseil d’Etat est en train de revenir dessus en avançant l’argument selon lequel ce sont les Equatoriens eux-mêmes qui rendent leur enfant apatride.

Un travail de lobbying législatif est également mené avec d’autres associations comme la Ligue des Droits de l’Homme. Une importante mobilisation a par exemple eu lieu contre la réforme du Conseil d’Etat qui visait à supprimer les recours en urgence pour les étrangers. La loi n’a pas encore été votée. Cette action avait également été menée avec le Barreau puisque cette réforme avait également pour conséquence de priver, en pratique, les personnes de la possibilité de voir un avocat.

L’expérience de l’Assemblée des Voisins d’Ixelles

En juillet 2003, des centaines d’Afghans ont reçu simultanément la notification de leur refus de demande d’asile et de l’injonction de quitter le territoire belge. Ils ont alors décidé collectivement d’occuper une église dans le quartier d’Ixelles et d’entamer une grève de la faim. Or, dans ce quartier, il y avait eu, quelques semaines auparavant, une assemblée de voisins à propos d’une rafle d’Equatoriens qui s’était produite dans le quartier : la police était venue chercher les Equatoriens chez eux pour les expulser. Donc, à l’arrivée des Afghans, une dynamique de quartier existait déjà et les gens se sont de nouveau réunis pour voir ce qu’ils pouvaient faire. La réunion s’est déroulée sur les marches de l’église, trois groupes de travail se sont constitués : le groupe « presse », le groupe « manifestations » et le groupe « juridique ».

Des personnes de l’Ambassade Universelle sont venues proposer des séances d’information sur le droit des étrangers pour les habitants du quartier et les occupants de l’église. L’aide et la solidarité se sont développées à tous les niveaux. L’objectif des Afghans était d’obtenir leur régularisation collective. Le groupe juridique a travaillé avec eux pour mettre en forme juridiquement leurs revendications politiques.

Si le Ministre n’a jamais reconnu qu’il s’agissait d’une procédure collective de traitement des dossiers, interdite par la convention de Genève, l’intervention du Médiateur fédéral, à la demande des Afghans, l’a obligé a engager la négociation. Ainsi, les Afghans, appuyés par les voisins d’Ixelles, ont réussi à obtenir que leur dossier soit traité selon la procédure des circonstances exceptionnelles, en justifiant qu’ils n’avaient pas pu introduire de demande d’asile dans leur pays d’origine comme cela doit normalement se faire (la notion de circonstance exceptionnelle n’étant pas vraiment définie). Les Afghans demandaient à connaître les critères utilisés pour traiter leur demande ; ils revendiquaient des règles là où il n’y en avait pas…

Le Ministre s’est finalement engagé à respecter un critère objectif pour l’examen de toutes les demandes d’asiles. En outre, les Afghans ont obtenu que la période durant laquelle l’ordre de quitter le territoire avait été suspendu (les 4 semaines de leur grève de la faim) soit prise en compte pour calculer le temps de présence en Belgique nécessaire à la régularisation…, décision innovante et exceptionnelle. L’aspect intéressant de cette lutte réside également dans le fait que les résultats n’ont pas été obtenus uniquement pour le groupe occupant l’église mais pour tous les Afghans vivant en Belgique.

Mots-clés

droits des étrangers, mobilisation populaire, rôle de l’Etat, formation juridique


, Belgique

dossier

Pratiques du droit, productions du droit : initiatives populaires, 2005

Source

Entretien

Réalisé en avril 2005 : Caroline Noel et Tristan Wilbault, Ambassade Universelle, Bruxelles, BELGIQUE - Kateal107 AT laposte.net

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