Pauline GROSSO, Rosemary GOMES
04 / 2003
Micro-crédit pour qui ? Lorsqu’on parle de micro-crédit au Brésil, à quel public se référer ? À ses 50 millions de misérables ? À ceux qui recherchent leur premier emploi, à ceux qui sont recensés par le SPC (Service de Protection du Crédit - équivalent de la "liste rouge" bancaire), à ceux qui sont dépourvus de toute expérience antérieure, aux analphabètes ? Micro-crédit enfin, pour les plus pauvres ? Or, les pauvres ne se trouvent pas tous dans la même situation.
Si le crédit vise réellement à combattre la pauvreté, susciter une insertion sociale, faire face à la faim, on doit l’ajuster à la réalité des familles pauvres. Il faut modifier les paramètres composant l’analyse du crédit et créer de nouveaux mécanismes de garanties et de recouvrement, redéfinir le profil du personnel (analystes de crédit, gestionnaires...), adapter les programmes d’ordinateurs, etc. Quel est l’environnement favorable au micro-crédit ?
L’expérience brésilienne montre que le micro-crédit orienté vers le développement et destiné aux plus pauvres, doit passer par un système de Réseaux. De fait, à la concession du crédit, il nous faut proposer toute une logistique de commercialisation, de foires, de points de vente, de consommation solidaire, une incitation et une protection de la petite entreprise. On doit rechercher des modes créatifs et intégrés. Récemment, nous avons innové la modalité d’associer un micro-crédit (en réals) en le liant à la monnaie sociale locale (par la Banque Palmas Fortaleza). Il nous faut nous mettre en quête de stratégies innovatrices pour permettre l’accès du micro-crédit aux plus pauvres. Mais qui doit concéder le micro-crédit ? Depuis le domaine de la socio-économie, nous entendons tous le micro-crédit comme un outil du développement local, de la mobilisation de la communauté, de l’organisation des habitants, un instrument générateur de citoyenneté et d’accroissement de pouvoir pour la communauté.
Dans cette optique, en profitant des cadres juridiques déjà existants pour la concession du micro-crédit (OSCIP, Coopératives, SCM, Banque du Peuple et autres), nous devons par ailleurs alimenter et renforcer les fonds de micro-crédit qui sont gérés par la communauté elle-même.
Il faut créer un caractère légal, qualifier les organisations communautaires, discuter d’économie dans les quartiers, les banlieues et les poches de pauvreté.
Nous pensons qu’un des principaux enjeux s’établira autour d’un caractère légal qui permettra un "système de crédit populaire solidaire".
Un système de crédit populaire solidaire doit être régi par des règles financières distinctes du système financier conventionnel et pourrait, qui sait, acquérir la capacité de construire un nouveau paradygme dans le domaine du crédit, de la monnaie et des banques. Comment construire sur de nouvelles bases un système de garantie du crédit ? Ce que nous connaissons, ce sont les garanties traditionnelles (y compris l’aval solidaire).
Dans l’association nationale du crédit, ces termes de micro-finances, micro-crédit etc. ont été débatus. Pourquoi tout doit-il être micro en matière d’économie populaire et solidaire ? C’est pour cela que beaucoup parlent de crédit populaire, de finances solidaires et de système financier solidaire. La caractéristique du micro-crédit est qu’il est né avec des opérations sur de petites sommes et qu’il s’est généralisé au Brésil. En vérité, il existe des nécessités de crédit sur de faibles, moyennes et hautes sommes. La réalité de chaque entreprise ainsi que le cadre socio-culturel et territorial détermineront le volume d’investissements. Au stade actuel du débat brésilien, le manque de méthodologies et/ou de stratégies reliant l’action du financement au développement local, est clair de même que la question sur la façon de préparer des techniciens/agents pour occuper ces fonctions. Nous vivons une large rediscussion concernant le rôle des Banques du Peuple et cherchons à préciser pour les plus pauvres les perspectives du micro-crédit, qui est à leur origine. Parler davantage de micro-crédit n’a pas de sens si nous voulons combattre la pauvreté.
Il est possible et réalisable de structurer des institutions petites financièrement durables en comptant sur les faibles ressources de la communauté. Petites mais non pas agissant isolément : un consortium d’institutions de micro-finance représente un important enjeu... solidaire ! Nous entendons par solidaire le mode opérationnel actuel des institutions de "micro-crédit". La plupart du temps, nous nous heurtons à un clonage de la pratique financière traditionnelle reproduit à moindre échelle, ce qui est tout ce contre quoi nous nous battons. Les restrictions imposées aux candidats, les pénalités pour retard, la dissociation du crédit de son résultat, l’individualisation du risque pour celui qui y recourt etc, toutes ces questions méritent d’être profondément repensées.
Ainsi, parler de "socio-finances" aurait davantage de sens.
L’outil financier mis en oeuvre par le marché impérial a le devoir et l’obligation d’être mis au service d’un projet populaire ; la technique financière doit donc être conjuguée avec la pratique quotidienne qui crée des valeurs intangibles (la solidarité, la vie associative, les constructions symboliques de l’identité locale etc.), pour construire la légitimité, mère de la légalité. Il est réellement nécessaire d’adjoindre un caractère légal aux micro-finances.
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, Brésil
Économie solidaire au Brésil et en France
Site web
Toscano, Idalvo - Articles : " O Jardim de Caminhos que se bifurcam " (Le jardin des chemins qui bifurquent) et " Microcrédito : da Iniciativa Local ao Centralismo Estatal " (Micro-crédit : de l’initiative locale au centralisme étatique) pouvant être consultés au site de l’Institut Polis : www.polis.org.br
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