2005
Créées une première fois par l’article 26 de la loi ATR (Administration Territoriale de la République) de 1992, les « commissions consultatives » seront réintroduites dans le paysage de la concertation dix ans plus tard, par la loi Démocratie de Proximité de 2002, via les CCSPL.
Il faut dire que depuis 1992, très peu de collectivités avaient mis leur commission en place, certaines, comme la COURLY (Communauté Urbaine de Lyon) allant même en 1994 jusqu’à voter leur refus de les instituer.
La nouvelle loi rend leur création obligatoire au-delà de certains seuils de population (communes de plus de 10 000 habitants, syndicats mixtes de plus de 10 000 habitants ou comprenant une commune de plus de 10 000 habitants, EPIC - Etablissements publics de coopération intercommunale - de plus de 50 000 habitants). Cette notion de seuil s’avérera très mauvaise quant à son utilisation.
Le texte de loi de 2002 : « les régions, les départements, les communes de plus de 10 000 habitants, les EPIC de plus de 50 000 habitants et les syndicats mixtes comprenant au moins une commune de 10 000 habitants créent une CCSPL pour l’ensemble des services publics qu’ils confient à un tiers par convention de délégation de service public ou qu’ils exploitent en régie dotée de l’autonomie financière ».
Mais la méfiance des collectivités vis-à-vis de la concertation restant omniprésente, l’application de la loi se fait à minima notamment par une interprétation très restrictive des seuils. Ainsi beaucoup de collectivités ne créent pas de commission au-dessous des seuils à partir desquels leur création est obligatoire, en assimilant la non obligation de création à une interdiction de créer ; ou en prétendant que si la loi n’impose pas leur création, c’est parce qu’elles ne servent à rien. Il est pourtant clair que si la loi n’impose pas leur création au-dessous de certains seuils, le CGCT (Code Général des Collectivités Territoriales) permet à toutes les collectivités de créer toutes les instances de concertation dont elles pensent avoir besoin – notamment à propos des services publics locaux (art L. 2143-4 et L. 5211-49-1 du CGCT).
La loi Vaillant reste aussi très imprécise quant à la composition et la nomination des membres des CCSPL, en dehors du fait qu’elles doivent comporter des élus de l’assemblée délibérante et des représentants d’associations locales nommés par l’assemblée délibérante sur proposition du président – tout un programme ! Aussi, beaucoup de collectivités mettent-elles en place des commissions obséquieuses afin de limiter autant que possible toute velléité quant à la contestation des gestions (L. 2143-4 et L.5211-49-1 du CGCT).
Le champ d’action des CCSPL reste lui aussi très limité dans un espace lui même limité par la notion de consultation. Notion en elle-même péjorative et condescendante.
Ainsi, la Commission examine chaque année le rapport technique et financier du délégataire et le rapport sur la qualité et le prix des services d’eau potable, d’assainissement et ceux de la collecte, de l’évacuation ou du traitement des ordures ménagères. Cet examen devient seulement celui d’un bilan d’activité pour les services dotés de l’autonomie financière, ce qui exclut de l’examen les 80 % de régies directes en place actuellement.
La Commission est consultée pour avis par l’assemblée ou l’organe délibérant, avant qu’ils ne se prononcent dans les conditions de l’article L.1411-4 sur 2 points : d’une part tout projet de délégation de service public et d’autre part tout projet de création d’une régie dotée de l’autonomie financière. En clair, la commission devrait être consultée, sans arrière pensée, sur le choix du mode de gestion des services publics. La non consultation entraînant l’annulation de la délibération.
C’est beaucoup trop pour les collectivités qui voient dans cet avis une sorte d’atteinte à leurs prérogatives. Il faut donc limiter ou orienter le choix sans faire de vagues. Un levier peut être fourni par une interprétation adéquate de l’article L.1411-4 ; les collectivités ont sauté sur l’occasion. Cet article précise : « Elles (les commissions) statuent au vu d’un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire ». Interprétation des collectivités : donc pas de présentations comparatives des gestions en régie ou en délégation ; on ne présente que celle déjà choisie par la collectivité. Et pourtant le guide de l’élu n°8 « la délégation de service public » précise page 13 que le choix du mode de gestion ne peut s’opérer que sur la base d’un bilan des avantages et inconvénients de la gestion directe ou déléguée, rarement simple à dresser en raison des multiples paramètres à prendre en compte : financiers, politiques et administratifs, relatifs aux usagers, technologiques…
Examinons maintenant le cas de la CCSPL du Grand Lyon (1.7 millions d’habitants; 55 communes). Très en avance sur la loi dans beaucoup de domaines : composition, information, formation des participants, production et transmission des documents de gestion, rapports de réunions,… Toutes ces bonnes dispositions n’auront malheureusement pas eu l’influence attendue sur les nombreux abus qui coûtent si cher aux usagers du Grand Lyon. Les usagers de la CCSPL ont pourtant dénoncé ces abus et démonté les mécanismes qui les font se perpétuer au quotidien ; aidés par les Lettres d’observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes. On ne s’étonnera pas, qu’à la longue, cet autisme face aux usagers n’entraîne des suspicions malsaines. La Loi SAPIN ne fait-elle pas elle-même référence à la corruption dans son intitulé ?
Cependant, nous pouvons souligner les côtés extrêmement positifs du fonctionnement de la CCSPL du Grand Lyon.
Un bilan positif loin d’être exhaustif peut ainsi être établi du fonctionnement de la CCSPL du Grand Lyon :
elle a été mise en place par la majorité de gauche plurielle issue des élections de 2001, alors qu’en 1994, la majorité de droite en place avait refusé, par délibération communautaire, d’appliquer la loi ATR de 1992 et son article 26 qui créait les premières commissions consultatives ;
elle a mis en place son propre règlement intérieur ;
elle n’a pas cherché à développer un clientélisme dans la recherche des représentants associatifs ; 30 associations ayant répondu favorablement à la centaine de courriers résultant du repérage, ces 30 associations ont toutes été sélectionnées et dotées de 2 représentants chacune, nommés par l’assemblée ;
les élus sont au nombre de 20, ce nombre permettant la représentation de toutes les sensibilités politiques de l’assemblée où seule compte l’expression des points de vue et non leur poids du fait de la notion de consultation ;
la CCSPL a son propre budget mais géré par le président (bémol) ;
la CCSPL va développer un fonds de documentation, et une salle de travail devrait être mise à disposition des représentants ;
par souci d’efficacité, 5 groupes de travail correspondant aux 5 compétences du Grand Lyon travaillent en sous commissions et réunions séparées ; les décisions sont prises en plénière ;
les documents de gestion des services publics sont transmis sur papier et CD dans leur totalité et de manière exhaustive ; jamais de « synthèse » comme cela se voit parfois dans d’autres CCSPL ;
constatant que les représentants associatifs mais aussi élus de l’assemblée, et même ceux de l’administration, n’avaient pas toujours des connaissances suffisamment poussées pour comprendre et analyser les textes et les documents de gestion qui lui sont soumis, une 1ère formation sur la structure et la législation applicable aux services publics a été donnée à la CCSPL par ses cadres administratifs. Des visites sur le terrain ont été organisées sur le champ captant, les stations de production d’eau, les usines d’assainissement, le tri des déchets,… ;
un deuxième niveau de formation s’étant avéré nécessaire quant à la lecture des comptes rendus techniques et financiers et plus spécialement des comptes d’exploitation, le cabinet d’experts KPMG s’est vu chargé de commenter et analyser chacun des documents correspondant sur 5 séances de 2 h ;
au total donc plusieurs dizaines de séances de travail ;
ajoutons le don de PC aux associations qui en manquaient afin de leur permettre de communiquer entre elles et avec le Grand Lyon par internet ou par CD.
Toutefois, les réunions ont trop souvent tendance à n’être qu’une tribune depuis laquelle la collectivité justifie sa politique et face à laquelle les usagers ne peuvent que se situer par rapport aux bilans et propositions officielles et « labellées ». Ce bémol restant en place même s’ils peuvent, à l’extrême marge, présenter des ébauches de propositions ou des squelettes de bilans alternatifs. Et même si elle est d’une importance cruciale, la possibilité de se réunir entre eux, à la demande de 4 associations, n’est en fait qu’un pis aller, surtout si la tendance à l’obséquiosité de certains représentants associatifs ne se modifie pas.
participation des habitants, démocratie participative, collectivité locale, service public, Etat et société civile, consultation des habitants
, France, Lyon
Les dispositifs de la participation
Contribution de J.L.Linossier de la Coordination nationale des associations de consommateurs d’eau, CACE.
AITEC (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs) - 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris, FRANCE - Tél : 01 43 71 22 22 - France - aitec.reseau-ipam.org - aitec (@) reseau-ipam.org