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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Un dispositif d’insertion fondé sur la participation des habitants : la régie de quartier

06 / 2003

Le programme d’expérimentation du dispositif « régie de quartier » a été élaboré par la Commission Nationale pour le Développement Social des Quartiers en 1986. Les enjeux des politiques menées à cette époque sont déjà ceux du lien social et de la démocratisation des quartiers : il s’agit de « refaire ensemble la ville » pour reprendre le titre du rapport Dubedout de 1983. La plupart des régies sont des créations institutionnelles, cependant certaines sont nées d’un mouvement populaire. La régie constitue un outil astucieux, privilégiant la fonction économique, mettant en place des actions de médiation sociale afin de répondre au déficit d’insertion et de participation citoyenne.

Le dispositif

Regroupant, en association loi 1901, habitants, collectivités locales et bailleurs sociaux, la régie de quartier intervient dans l’animation et la gestion de l’environnement local - entretien, embellissement, maintenance…- en concourant par-là même à un objectif plus global : « recréer ou renforcer le lien social, mobiliser les acteurs, inventer des modes de gestion urbaine partagée, et surtout construire avec les habitants une citoyenneté active sur le quartier » .

La mission pratique d’une Régie est de nettoyer, d’entretenir, d’embellir le quartier et de veiller sur lui. De ces «prestations marchandes non concurrentielles», sont induits d’autres effets de médiation et d’insertion, émergent de nouvelles formes d’activité contribuant à la revitalisation économique et sociale du territoire. Dans ce rapport au quartier, dans ces relations avec les habitants et les représentants des bailleurs, se construit un sentiment qui est de l’ordre de l’utilité autour de trois registres différents : le contrôle de la propreté, la médiation avec les voisins, les relations avec les bailleurs, notamment HLM.

Le dynamisme d’une Régie de Quartier dépend avant tout de l’implication des acteurs locaux et de leur volonté partenariale. La municipalité attend de la Régie qu’elle apporte sa contribution à la gestion technique du quartier, à la création d’emplois et à la participation citoyenne des habitants. La Régie est un opérateur capable de contribuer à l’effort de réhabilitation des organismes d’HLM en y associant les habitants et en inventant avec eux des modes de gestion urbaine partagée.

Des interventions qui visent l’insertion

L’insertion par l’économique

Les salariés des régies sont des personnes en rupture avec le travail ou souhaitant se placer dans une dynamique d’emploi afin de compléter les revenus familiaux. La majorité des habitants de ces quartiers connaissent des taux de chômage de l’ordre du double de la moyenne nationale. Les revenus des ménages y sont notablement faibles. Les salariés de la régie sont employés sur la base de CDD (contrat à durée déterminée) ou de CDI (contrat à durée indéterminée) dans le cadre des mesures d’aide à l’emploi. La régie leur propose un contrat de travail et, le plus souvent, une formation, un accompagnement social.

Par-delà la création d’emplois, elle peut faire émerger des pratiques d’économie solidaire, « logique dans laquelle l’économie se définit à partir des besoins de l’homme en l’associant en tant qu’usage, producteur et citoyen » . Pour cela, la régie s’associe, sous diverses formes, aux structures existantes, sociales, publiques ou privées.

Le dialogue et la citoyenneté

Désireuse de « contribuer à construire une citoyenneté urbaine, c’est-à-dire retisser des liens sociaux sur le quartier, y créer des formes d’activité inédites et inventer de nouveaux modes de démocratie » , la régie fait en sorte que les habitants du quartier puissent parler des affaires de la cité. Les habitants sont associés à tous les stades du projet afin de renouer le dialogue et de changer de regard sur leur quartier.

Le quartier dans la ville

Renforçant enfin le dynamisme associatif, elle contribue à faire émerger sur le quartier un projet pour (mieux) vivre ensemble. «remettre en tension» le quartier avec le reste de la ville. À partir de ses activités techniques, la Régie de Quartier enclenche une dynamique de revitalisation, économique et sociale du territoire.

Des régies mises en réseau

Le label Régie de Quartier existe depuis 1991. Pour adhérer au Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), il faut signer une charte. Celui-ci assure plusieurs missions : animer la vie démocratique au sein du réseau et favoriser l’échange / la capitalisation et le transfert des pratiques entre les régies / représenter le mouvement auprès des pouvoirs publics / soutenir le développement des nouvelles régies, sur un plan qualitatif comme quantitatif (appui aux porteurs de projets, parrainages, formations spécifiques à chaque catégorie d’acteurs, aide fonctionnelle aux régies…).

Le CNLRQ appartient à l’Inter-réseaux de l’économie solidaire ; en 1992, il a pris l’initiative de créer l’Association européenne des régies de quartier (AERDQ) et développe ainsi des démarches de coopération Nord Sud. Ainsi, le réseau des régies de quartier signait avec d’autres organismes, le 4 juillet 1997 à Lima, une déclaration élaborant « un concept de globalisation des pratiques de l’économie solidaire » .

Enjeux

La singularité des régies se manifeste au travers de leur fonction d’appui à la mobilisation et aux initiatives de salariés et d’habitants. L’ampleur et les formes que prennent les actions varient selon les régies, la conception de l’insertion sociale qu’elles portent, les moyens dont elles disposent ou qu’elles se donnent pour construire des parcours d’insertion, leur appartenance ou non au CNLRQ.

C’est pourquoi d’une régie à l’autre, le nombre, la variété, l’ancienneté des actions réalisées et finalement l’ampleur des effets sur les salariés sont fort différenciés.

En tant que prestataire de services, la régie est devenue une entreprise d’insertion sociale et de ce fait, subit les mêmes contraintes économiques (un service de qualité), les mêmes nécessités de gestion qu’une entreprise classique. Dans une logique entreprenariale, le fort turn-over (départs fréquents et rotation du personnel) constitue un surcoût, fragilise le collectif de travail et obère l’efficacité professionnelle et économique de l’entreprise, assise de sa légitimité locale.

En général, on constate que la participation des habitants est un thème en perte de vitesse. Les régies se sont spécialisées en direction de l’insertion par l’économique, tout en développant d’autres axes (action sociale, animation, services de proximité), la question du développement de la citoyenneté par l’implication accrue d’habitants a été reléguée à un second plan.

La faible intégration des salariés dans les instances formelles de la régie renvoie à plusieurs autres questions. La première porte sur le rôle réel du conseil d’administration et le pouvoir de décision détenu par cette instance. La seconde sur l’implication des autres acteurs de la régie : les habitants, les acteurs institutionnels, les associations. Enfin, la dernière sur l’intérêt que portent les salariés à la régie en tant qu’association et leur volonté de s’y investir.

Qu’apportent les régies aux quartiers où elles sont implantées ? Habitants et institutions reconnaissent majoritairement un apport de travail (en même temps qu’un service) pour les habitants, et singulièrement pour les jeunes. Un effet en découle : une plus grande régulation sociale.

Une des marques essentielles des régies de quartier est leur ancrage sur un territoire en proximité avec le quartier, ses habitants et leurs codes ; ancrage d’autant plus productif qu’il se réalise dans la durée. Ces traits sont des atouts fondamentaux pour que puisse se jouer une socialisation renouvelée. Le risque de confinement et de tension entre les interventions locales et celles qui se font à l’échelle de la ville obligent les régies à repenser constamment leur positionnement.

Mots-clés

organisation de quartier, quartier urbain, relations sociales, insertion sociale, participation des habitants, aménagement de l’espace public, entreprise d’insertion


, France

dossier

Le mouvement social et la lutte pour le logement populaire en France et au Brésil

Citoyenneté et proximité

Le logement en France

Notes

« Le principe fondateur de toute régie de quartier est la participation, l’implication et la responsabilisation des habitants, seuls gages d’améliorations durables ».

La régie c’est d’abord : « Du travail pour ceux qui travaillent pas, pour les gens du quartier, cela aide surtout les jeunes et les chômeurs de longue durée » (ouvrière d’entretien), « C’est pour ceux qui sont dans la galère » (habitant).

Le CNLRQ regroupe • + de 130 régies de quartier, soit 10 000 salariés, soit 6 000 salariés chaque mois et 3 500 équivalent temps plein. • 60% des présidents de Régies sont des habitants. • 2 000 000 d’habitants constituent la sphère d’influence potentielle des 130 Régies • + de 1 100 associations partenaires.

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