Madame TRY, 35 ans, divorcée avec une fille, a travaillé dans la photogravure (mise en page)comme chef d’atelier. Elle a été licenciée deux fois en quatre ans à cause des problèmes que connaît actuellement le métier de la photogravure à la main, remplacé petit à petit par un travail sur ordinateur./Licenciée pour la deuxième fois en septembre 1992, elle a commencé à être indemnisée seulement à partir de décembre 92. Elle décide alors de créer sa propre activité comme commerçante sur les marchés. Pendant trois mois, elle va sillonner les marchés, interroger les différents marchands, puis apprendre la comptabilité toute seule.
A l’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi), au cours des réunions organisées pour les gens qui veulent créer leur entreprise, elle prend note des adresses qui peuvent lui être utiles comme le registre des commerces, la Préfecture, la Direction Départementale du Travail et de l’Emploi (DDTE)pour obtenir l’Aide aux Chômeurs Créateurs ou Repreneurs d’Entreprise (ACCRE)et le MIDEC (association de chefs d’entreprise retraités qui propose des conseils aux créateurs débutants sur Argenteuil).
Elle se rend au MIDEC pour exposer son projet, mais n’est pas reçue comme elle l’attendait. Tout est fait pour tester son projet et sa volonté. On lui déclare que son projet de vendre des vêtements sur les marchés n’est pas viable et que seul quatre projets sur 200 présentés dans ce secteur sont acceptés par la DDTE et reçoivent l’ACCRE. Elle repart déçue mais prête à remplir son dossier seule pour obtenir l’ACCRE, et cherche un produit qu’elle pourrait vendre avec profit. Elle fait le bottin et se décide pour la vente de cassettes et de lasers. Elle revient avec son dossier au MIDEC où elle est félicitée.
MIDEC l’envoie alors à l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative économique)pour demander un prêt. En effet, elle a besoin de 30 000 FF et, bien que disposant de 16 000 FF, elle préfère emprunter et garder ses économies en cas de besoin (elle est propriétaire d’une petite maison à Argenteuil et ne veut pas être obligée de la vendre).
A l’ADIE on lui demande de faire un stage sur un marché avec un commerçant pendant une semaine avant d’obtenir un prêt de 20 000 FF, remboursable en deux ans à un taux de 10 %, soit 993 F par mois. Toujours sans nouvelles de la DDTE, elle même engage 5000 FF de ses économies personnelles pour acheter son stock, son parasol... Bien qu’elle n’ait aucun problème avec sa banque, celle-ci lui refuse un prêt pour la création, à cause des nombreux problèmes occasionnés par les petites entreprises. Enfin, elle se rend à la préfecture pour obtenir un récépissé de marchand ambulant. Ce récépissé doit lui permettre d’exercer son activité, pendant deux mois, en attendant d’être inscrite au Registre du Commerce. Cependant, si l’inscription n’est pas demandée avant 15 jours, il n’est plus possible de s’inscrire. Ce délai de 15 jours laisse trop peu de temps, selon Madame TRY, pour tester l’expérience. En effet, une fois l’activité inscrite au Registre du Commerce, en cas d’échec, le marchand se retrouve sans ressources car il n’a plus le droit aux allocations-chômage ! De plus, il est préférable que l’inscription se fasse en début de trimestre, sous peine de payer les charges sociales, même si l’activité n’a pas encore démarrée.
Tout ceci, Madame TRY l’a découvert petit à petit en faisant des erreurs, personne à la préfecture ne se préoccupant de l’informer. Ayant obtenu son récépissé le 15 mars, elle devait s’inscrire le 2 avril. Cependant, entre temps elle a déposé son bilan (31 mars). Son activité a très bien marché puisque qu’elle a dégagé un bénéfice de 7000 FF pour mars, mais l’attente sans rien faire sur les marchés lui semblait ennuyeuse : "il n’y avait pas assez d’action". Etant donné qu’elle a déposé son bilan avant son inscription au Registre, elle devrait normalement continuer à toucher ses indemnités.
Elle pense que ce système n’encourage pas du tout à créer, ni à travailler. Elle va essayer, cependant, de suivre un stage de recyclage en informatique pour retrouver un emploi dans la photogravure après cette tentative, pour laquelle elle a fait un apport personnel de 5.000 FF et doit maintenant rembourser l’emprunt auprès de l’ADIE.
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, Francia
Il est intéressant de préciser que Madame TRY est restée en relation avec l’ADIE. Elle a accepté d’aider à son tour des personnes qui avaient besoin de conseils pour leurs démarches à la création. En effet, grâce à son expérience, elle connaît les difficultés et les rouages de la légalisation d’une activité. Elle est convaincue, de plus en plus, que la création n’est pas à la portée de tous : "Il faut être têtu et ne jamais se décourager". Elle-même nous a semblé extrêmement dynamique et volontaire, cependant son projet n’était peut- être pas assez mûr et réfléchi, puisqu’il ne l’a intéressée que deux mois. Mme TRY est la seule personne que l’on ait rencontrée au cours de notre enquête qui ait vu démarrer et réussir son projet aussi rapidement, qui pouvait vivre uniquement de son activité et qui ait déposé son bilan, non pour cause économique, financière, commerciale ou autre, mais par manque d’intérêt.
Entretien avec Mme TRY, le 8 avril 1993, Argenteuil.
Entrevista
FAUVINET, Claire; BERTRAND, Valérie, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Francia - cedal (@) globenet.org