La proposition
L’Economie Alternative et Solidaire a été définie par A. Poitier, P. Outrequin et P. Sauvage dans leur livre « Les entreprises alternatives » selon divers critères :
1. Les nouveaux rapports humains se traduisent par la suppression d’une hiérarchie stricte ainsi qu’une certaine rotation des tâches. Ceci répond aux déséquilibres engendrés par le système économique issu de l’industrialisation qui a été générateur d’une grande richesse, mais qui a négligé les capacités sociales et démocratiques dans le travail.
2. La notion de solidarité avec les exclus du système dit « productif » et avec les pays du Tiers Monde. L’EAS a pour but de donner l’opportunité à ces groupes de s’organiser et de s’associer pour prendre part aux décisions qui les concernent, alors que jusqu’à maintenant ils étaient sous-représentés dans le tissu de l’organisation traditionnelle.
3. La participation active au développement local. En effet, l’interdépendance de l’économie mondiale s’accentue essentiellement du fait de l’existence de consortiums multinationaux. Simultanément, la possibilité de contrôler les processus économiques, sociaux et écologiques s’amenuise, bien que ceux-ci soient d’autant plus nécessaires. Ainsi, un nombre sans cesse plus restreint d’individus décide toujours davantage de nos perspectives et de nos conditions de vie. L’EAS s’efforce donc de donner la possibilité aux citoyens de décider en commun et de s’approprier les leviers de commande pour une production locale ou régionale, axée sur les besoins. Cette ré-appropriation se fait aussi dans un souci d’autonomie
4. Autonomie des personnes au sein de l’entreprise, mais aussi de l’entreprise vis-à-vis des différentes institutions (notamment les banques).
5. L’EAS prône la production de richesses socialement utiles, en réponse aux déviations du système actuel : des quantités sans cesse croissantes de biens et services sont produites par un travail qui diminue constamment, donnant lieu à un chômage excessif et aux abus de la société de consommation, d’où :
6. Le respect de l’environnement, non seulement dans ce qui est produit mais aussi dans la manière de produire. En effet, la qualité spécifique et la multitude des interventions économiques et techniques (chimie, énergie, nucléaire…) comportent le risque de détruire les conditions nécessaires à la vie. L’EAS, face à la gravité des atteintes à l’environnement et à leur extension, dénonce le manque d’évaluation et de limitation du système et propose une responsabilisation de chacun face à ce problème.
Ainsi, l’économie alternative réintroduit des valeurs et des démarches qui, à défaut d’être nouvelles, doivent permettre de se réapproprier des espaces de liberté, de citoyenneté et d’autonomie confisqués et détournés par la société marchande. L’EAS apparaît donc comme une réponse aux déviations des économies de marché occidentales. Mais cela ne doit pas donner lieu à une économie duale : le problème n’est pas de construire une économie autonome hors marché, mais de faire en sorte que l’économie actuelle change et, en particulier, que les entreprises existantes s’ouvrent aux valeurs portées par les entreprises alternatives. Il ne s’agit donc pas de promouvoir une « économie alternative » - ceci ne serait que retomber dans l’économisme dominant - mais de nouveaux comportements individuels et collectifs.
La démarche
Pour que ce changement se fasse, l’EAS a besoin du soutien des pouvoirs publics. En effet, les entreprises alternatives s’imposent à elles-mêmes des contraintes, comme on l’a déjà vu, en refusant, d’une part, de faire supporter à l’aval leurs coûts sociaux ou écologiques ; et d’autre part, en ne cherchant pas la rentabilité immédiate maximum systématique. Cette aide pourrait prendre la forme de prêts bonifiés, d’impôts négatifs, ou de dégrèvements. Un barème spécifique de cotisations sociales pourrait être établi ; de même, une partie des salaires pour les emplois créés pour des chômeurs de longue durée pourrait être prise en charge par les fonds d’assurance chômage ou de sécurité sociale. Au niveau du financement du secteur, on pourrait envisager la constitution d’un instrument bancaire spécifique ; la création d’un livret de Caisse d’Epargne grand public dont les fonds seraient affectés à la création et au développement des EAS ; la possibilité à une grande partie des fonds salariaux de s’investir dans le secteur ; l’obligation faite aux assurances du secteur nationalisé de consacrer 1/20e de leurs placements dans ce nouveau secteur ; et l’octroi d’avantages fiscaux pour les mutuelles, les entreprises classiques et les organismes mutualisateurs qui l’appuieraient ; l’exonération fiscale à 100 % de l’épargne placée en capital-risque dans les EAS ; la constitution d’un fonds européen pour les initiatives de ce secteur d’utilité sociale. Mais ces conditions ne sont pas suffisantes : pour le développement de ce secteur, les EAS doivent être reconnues aussi dans l’opinion publique. Il serait donc nécessaire de lancer une vaste mobilisation associative pour dynamiser l’initiative locale et l’épargne de proximité et d’impliquer dans ce mouvement les entreprises déjà en place et, en particulier, le tissu artisanal et les PME.
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, Francia
Une reconnaissance au niveau de l’Etat pour la création d’un Secrétariat d’Etat au secteur d’utilité sociale aiderait à cette division. Cependant, les associations qui travaillent sur ce sujet se refusent à toute récupération politique. La diffusion dans ce cas risque d’être difficile.
N° spécial 3ème trimestre 1991.
Artículos y dossiers
BERTRAND, Valérie, FAUVINET, Claire, CEDAL FRANCE=CENTRE D’ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE in. A FAIRE, 1991/12/00
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Francia - cedal (@) globenet.org