Opinion d’une animatrice rurale : mieux contrôler, financer les femmes, réinvestir les bénéfices des actions
2002
Mariam KAIRE, présidente de l’Association Rurale de Lutte contre le Sida (aujourd’hui une association d’appui aux activités plus larges) dit : " Mon rôle actuellement est de faire des recherches pour disposer de financements afin de mieux appuyer les jeunes et les groupements. Je n’ai pas appris le français mais ça ne pose pas beaucoup de problèmes : si on doit faire un rapport, on l’écrit d’abord en Wolof et on le fait traduire ensuite. Actuellement, il faut qu’on donne à nos langues de la force parce que les rapports que nous faisons en français, les gens n’acceptent pas de les faire avec nos langues nationales.
Mon premier conseil sera sur les financements. On a reçu beaucoup de financements mais beaucoup de financements n’ont pas trouvé leur compte. Ceci vient de la manière dont les gens travaillent. Dans beaucoup de zones, tu ne trouveras plus les financements. Si tu veux travailler sérieusement, tu ne refuseras pas d’être contrôlé parce que ce sont ces contrôles et ces évaluations qui te permettent d’avoir les résultats escomptés. Nous avons toujours besoin de financements ; actuellement, on est en train de chercher. On nous dit que dans les régions il y a de petits fonds venant du ministère destinés aux associations : il faut présenter des projets qui feront l’objet d’études et on peut avoir de la chance. On a même un projet qui est en train d’être saisi, par la Justice !
Deuxième conseil : les bailleurs doivent financer davantage les femmes que les hommes. Les femmes sont plus sérieuses, elles ont l’amour du travail et remboursent normalement le financement alors que les hommes ne remboursent presque pas. Pour que ça ne crée pas de difficultés, les femmes ne doivent pas être plus dignes que les hommes. Il fut des temps où les femmes ne pouvaient rien faire. Elles n’avaient rien. C’est les hommes qui détenaient tout. Si par la suite Dieu a fait que les femmes aiment travailler et veulent travailler pour le développement, les hommes doivent l’accepter parce que c’est Dieu qui l’a voulu ainsi. Egalement, il y a des activités réservées aux femmes et des activités réservées aux hommes. Pourquoi on n’a pas de problèmes ? On donne les activités féminines aux femmes et les activités réservées aux hommes, on les donne aux hommes.
Par exemple : le projet "APPUI" donne l’argent pour que tu travailles, t’aide à avoir du personnel. Des personnalités accompagnent, donnent également du matériel et contrôlent ce matériel. L’exemple que je peux donner est celui du dernier programme qu’on a terminé en 97. Le projet APPUI avait donné 9 millions et nous nous avions donné 1 million. Actuellement, ces 10 millions sont évalués à 33 millions. Et ces 33 millions sont à l’intérieur des groupes. Tout ceci parce qu’il y avait un contrôle rigoureux. Actuellement le programme est terminé et pourtant le travail se déroule normalement. C’est le premier bailleur qui a donné aux groupements de l’argent et leur a demandé de trouver des cahiers pour évaluer la situation financière, depuis le début du financement jusqu’à la fin. Chaque fois qu’on a des évaluations, on consulte les cahiers. Du coup, on peut savoir ce que les groupements ont fait pendant les trois dernières années et quels ont été leurs bénéfices. Et cela nous a beaucoup aidé parce que parfois on pouvait avoir de grandes activités sans bénéfice. Mais avec de petites activités, comme le petit commerce, on pouvait avoir d’importants bénéfices. Aujourd’hui, n’importe quel groupement, tout ce qu’il a conquis, il l’a dans son cahier. Et ils font leur contrôle. Dans la case de santé également, tout ce qu’ils font, toutes les animations, le jour, la date, le nombre de présents, ils le mentionnent. Et ceci nous facilite les évaluations. C’est pourquoi je dis qu’à partir de leurs évaluations, leurs contrôles et leur soutien en personnel, on parvient toujours à réussir nos activités. Donc le conseil que je donne aux bailleurs, c’est de toujours évaluer les programmes après le financement. Il est inutile de financer 10 ou 20 millions sans évaluation.
Actuellement on continue avec nos propres moyens. Si on a un financement, on continuera les activités et en cas contraire également. Mais alors on les continuera avec des problèmes parce que l’association veut être accompagnée, parce qu’elle couvre 49 groupements dans 3 régions et actuellement on est à 57 groupements encadrés, mais seuls 49 ont bénéficiés des activités. Le reste attend d’autres partenaires.
Nous, on tend la main à tout le monde et on espère beaucoup de choses. Avec toute personne qu’on voit, on échange des connaissances, des idées, des expériences. Cette discussion avec vous est importante pour nous. "
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, Senegal, Thies
Un exemple type de partenariat réussi, basé sur l’évaluation et le contrôle rigoureux des financements et des activités. Une rigueur pas toujours bien acceptée mais qui a entraîné l’acquisition de méthodes de travail efficaces, donnant la volonté à l’association de poursuivre ses actions, malgré le manque de financements.
Entretien avec KAYRE Mariam réalisé le 18 juin 1999 à Thiès.
Entrevista
FABRE Charlotte ; GUERIN Jérémie ; LUCAIN Mathilde
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