03 / 2002
Dès 1991, le rapport Picard L’amélioration du service public dans les quartiers , promouvait les formations interservices territorialisées. Relayées depuis par les Conseils interministériels des villes de la fin des années 1990, celles-ci relèvent d’une double logique : l’accompagnement et l’interconnaissance des différents agents en contact avec les usagers et l’adaptation des différents services rendus au nom d’un projet de service public de quartier, ce qui suppose la coopération des niveaux décisionnels. Christine Mathuriau, chargée de mission politique de la ville à la préfecture du Rhône, a engagé et suivi de près de telles initiatives, et revient ici sur les conditions à remplir pour optimiser les effets de ce type de formations.
LES FORMATIONS INTERSERVICES territorialisées de Vénissieux et de la Duchère, à Lyon, sont deux exemples qui illustrent du point de vue de l’État les orientations des CIV des dernières années d’améliorer les services publics de proximité en soutenant les agents des services publics dans le territoire où ils exercent leurs fonctions. Ce ne sont que des exemples, car les acteurs de terrain le savent bien, la modélisation d’une action de formation est hypothétique tant le territoire et les acteurs imposent du fait de leur singularité une adaptation des objectifs de toute action partenariale et une réponse en adéquation avec les besoins perçus localement. Cette précaution prise, ces deux opérations présentent l’intérêt d’éclairer sur les modalités de conduite du projet et sur la portée de l’action, attendue ou obtenue.
ROMPRE LE SENTIMENT D’ISOLEMENT, SE CONNAîTRE
CONSIDÉRER LA FORMATION COMME UN OUTIL DE MANAGEMENT
La première action de formation est née en 1999 de la convergence entre une proposition de la direction régionale de la Poste, des besoins exprimés par des services publics de Vénissieux et le souhait du sous-préfet ville de développer des actions partenariales de formation des agents des services publics. Les objectifs de la formation, qui a concerné 150 personnes appartenant à 7 employeurs différents (ville, ANPE et mission locale de Vénissieux, la Poste, EDF-GDF, France Télécom, la SNCF) ont été discutés au cours de réunions partenariales animées par la préfecture (qui a joué le rôle de coordonnateur de l’ensemble du projet) et fixés à partir des besoins identifiés par les organismes employeurs chez leurs agents en contact avec le public (usagers clients et habitants du quartier des Minguettes).
L’intérêt de l’écriture collective du cahier des charges de la formation a été de distinguer les besoins auxquels le plan de formation interne de l’entreprise ou de l’organisme répond, et ceux qui traduisent chez les agents des difficultés communes qui peuvent (et doivent) être traitées dans une approche qui réunisse les services du territoire d’intervention.
L’isolement a été identifié comme une difficulté partagée par beaucoup d’agents en contact avec le public : ils en souffrent aussi bien par rapport aux autres services publics, que par rapport à la direction de leur entreprise, et le vivent comme une souffrance personnelle lors de relations conflictuelles avec le public. Les objectifs de la formation ont donc été de rompre ce sentiment d’isolement d’une part en permettant aux agents des services concernés de connaître les services partenaires et plus largement leur environnement local, d’autre part en les aidant à limiter les risques de conflit avec le public et à gérer leur stress dans un climat de tensions.
Si l’on examine concrètement la mise en uvre de cette formation, on peut relever deux faiblesses. D’une part, une incapacité chez certains des employeurs à tenir l’objectif quantitatif fixé, ainsi qu’une difficulté, durant toute la période, à avoir des groupes représentatifs de tous les employeurs concernés, ce qui s’explique d’ailleurs parfois par le déséquilibre numérique des agents à former selon l’employeur. Ce problème numérique révèle aussi le décalage entre les intentions affichées par les responsables membres du comité de pilotage et les contraintes pesant sur les responsables locaux qui ont à gérer les effectifs et les absences au sein de leurs équipes. D’autre part, au regard de la courte durée de la formation (2 jours pour l’encadrement, 3 jours pour les agents), une impossibilité d’atteindre pleinement les objectifs fixés. Deux faiblesses que l’on peut imputer à l’ambition du projet.
C’est aussi ce qu’ont estimé les agents, qui ont cependant porté un jugement positif sur la formation en ce qu’elle leur a permis de sortir de leur isolement en échangeant sur les pratiques et sur les vécus personnels. La dernière journée de formation, qui réunissait un groupe d’agents avec des cadres et des membres du comité de pilotage représentants des employeurs, a révélé s’il le fallait la nécessité de reprendre en interne à chaque entreprise ou service les réflexions des agents sur leurs besoins de soutien, de protection, d’écoute de la part de leur employeur. Elle a également été l’occasion pour les agents d’exprimer le souhait de rencontres régulières entre les mêmes services mais élargies à des associations de quartier pour échanger sur la situation locale et réfléchir ensemble à l’amélioration du service public.
Pour éviter le risque de perte des effets positifs de la formation, il ressort de l’expérience vénissiane que deux conditions seraient à remplir : du côté de l’employeur, considérer la formation comme une formation interne et par conséquent comme un outil de management ; du côté du territoire, inscrire la formation dans le projet de quartier et dans les préoccupations de l’équipe contrat de ville.
Les éléments dont nous disposons ne sont pas suffisamment précis pour décrire la façon dont chaque employeur a éventuellement adapté par la suite l’organisation et le mode de fonctionnement de son service. Citons cependant l’exemple de la ville de Vénissieux qui a accéléré la prise de mesures destinées à protéger les personnels contre les faits dont ils sont victimes durant leur travail et qui s’est également appuyée sur cette expérience pour mettre en place la formation des agents de la maison des services publics ouverte aux Minguettes en mars 2001.
INSCRIRE LA FORMATION DANS LE PROJET DE QUARTIER
L’exemple de la Duchère permet de présenter comment peut être remplie la deuxième condition. Dans ce dernier cas, le temps de maturation du projet a été relativement long pour deux raisons. D’une part les objectifs qui ont été discutés plus près du terrain, en particulier par les responsables locaux (bureau de poste, Maison du département du Rhône, mairie d’arrondissement, PIMMS ), ont été déterminés à partir de la préoccupation commune de la mise en uvre de la loi de lutte contre les exclusions, ce qui a donné lieu à des échanges permettant d’identifier des sujets de réflexion très précis. D’autre part le groupe des services et entreprises concernés a beaucoup varié dans sa composition, avec des niveaux de réflexion et d’implication très différents, rendant difficile dans des délais courts l’accord de tous sur un projet de formation (le groupe compte 12 employeurs différents).
Si la préfecture a proposé le territoire de la Duchère pour y conduire une nouvelle formation interservices après celle de Vénissieux, celle-ci a été volontairement placée sous la responsabilité locale pour une coordination plus proche du terrain et pour rendre possible le développement des formations territorialisées sans se heurter à la question des moyens d’animation ou de coordination mobilisables par la préfecture.
Piloté conjointement par l’équipe contrat de ville de la Duchère et le service DSU de la ville de Lyon, le projet auquel la réflexion partenariale a permis d’aboutir s’inscrit de façon explicite dans le projet social du territoire, il a vocation à engager les agents des services publics de façon plus concrète dans un processus de modification des pratiques professionnelles. La formation est d’ailleurs tournée vers une production collective (cartographie des services publics locaux, propositions d’adaptation des services, réalisation de mini expériences sur le terrain).
CHRONOLOGIE DE LA DÉMARCHE
Élaboration et validation du cahier des charges : entre 12 et 24 semaines
Consultation et choix d’un prestataire : entre 7 et 10 semaines
Démarrage : entre 6 et 8 semaines
Formation : entre 24 et 28 semaines
Bilan : entre 3 et 5 semaines
VÉNISSIEUX : UNE IMPLICATION FORTE DE LA PRÉFECTURE
Depuis l’écriture du cahier des charges jusqu’au bilan de la formation, le rôle de la préfecture a été de coordonner l’ensemble de l’opération : choix du prestataire, collecte des noms des participants aux 10 modules mis en place pour les 135 agents concernés et les 4 journées de regroupement entre des cadres et des agents, repas, réunions du comité de pilotage et lien avec le prestataire, relations avec la ville de Vénissieux qui a assuré la logistique (mise à disposition de la salle de formation notamment). Elle a également contribué à la presque totalité du financement de la formation sur des crédits politique de la ville.
ÉLÉMENTS FINANCIERS
Vénissieux : coût total de 24 315 o, dont 60 % pris en charge par l’État et 40 % par les employeurs
La Duchère : 30 500 o, financés à hauteur de 12 200 o par la Région, 9 146 o par la ville de Lyon et 9 146 o par l’État (Fiv).
servicio público, formación, servicio de proximidad, valorización de la experiencia, metodología, barrio urbano
, Francia, Vénissieux, Rhône-Alpes, Rhône, Duchère, Lyon
S’il est trop tôt pour rendre compte de l’action en cours de réalisation, il sera intéressant de mesurer dans quelques mois si elle permet de faire avancer un projet de services publics de quartier en faisant naître des coopérations nouvelles entre services et en renforçant la cohérence de l’action publique dans ce site (12 800 habitants) pour lequel les partenaires institutionnels ont; signé un protocole sur la mise en place d’un projet global urbain et social.
Dans quelques semaines, les premières formations à la prise de poste des agents de l’État, des collectivités et d’associations affectés dans des quartiers en contrat de ville, mises en place sur chaque territoire grâce à la collaboration du CNFPT, devraient permettre de favoriser chez les nouveaux professionnels le sentiment d’appartenance à un réseau de services publics de territoire. Elles devraient ainsi rendre possible le développement de coopérations interservices dans le cadre des projets de quartier animés par les chefs de projet et leurs équipes.
Contact : Christine Mathuriau, chargée de mission politique de la ville à la Préfecture du Rhône - Tél. : 33 (0)4-72-61-66-51 - christine.mathuriau@rhone.pref.gouv.fr
Persona recursiva ; Artículos y dossiers
MATHURIAU, Christine, CR¨DSU, La formation des acteurs du développement social et urbain. Accompagner les pratiques, adapter les métiers et les systèmes d'intervention, CR¨DSU in Les cahiers du DSU, 2002/03 (France), n°33, p.26-27
CR DSU (Centre de Ressources sur le Développement Social Urbain) - 4 rue de Narvik, BP 8054, 69351 Lyon cedex 08, FRANCE. Tél. 33 (0)4 78 77 01 43 - Fax 33 (0)4 78 77 51 79 - Francia - www.crdsu.org - crdsu (@) free.fr