Mathieu DIOUF, Benoît LECOMTE, Brigitte REY
02 / 1998
Mathieu Diouf, président de l’ARAF (Association Régionale de Agriculteurs de Fatick) : "Je dois dire qu’après la mort de Joseph (Joseph Sène, ancien président de l’ARAF, décédé en 1994), nous avons eu un flottement de six, dix mois parce que c’était un coup douloureux. Mais après, nous nous sommes organisés, d’abord en créant un comité de réflexion pour nous permettre d’identifier les problèmes et d’orienter les démarches. Un de nos défis était de tout faire pour garder les bonnes relations que nous avions avec nos partenaires. C’est ainsi qu’on a essayé de mieux organiser notre gestion pour qu’à chaque fois que les gens passent, ils reconnaissent la transparence de notre gestion. L’argent est le nerf de la guerre et que les gens jugent parfois les autres par rapport à l’argent.
En fait, nous avons gagné notre pari parce qu’un seul partenaire s’est retiré, alors que beaucoup d’autres sont venus. Je peux citer, par exemple, la SCOD (Société Oecuménique pour le Développement) avec laquelle nous avons négocié pour des "Caisses Villageoises Autogérées", initiées surtout par les femmes à travers leurs petites cotisations semestrielles ou hebdomadaires ("tontines"). Un des partenaires avec lequel nous devions terminer les contrats "Solidarité Socialiste" (Belgique), est revenu pour nous appuyer encore pendant deux ans. Au niveau local, on a constitué un Comité de Pilotage avec CARITAS et l’ADAC, une association paysanne. On continue de collaborer également avec le CESAO-Sénégal.
Pourquoi beaucoup de partenaires nous donnent-ils une bonne appréciation ? C’est grâce, je crois, à une gestion transparente de l’argent. Si l’argent donné part dans des canaux bien tracés dès le début, c’est une bonne gestion. Nous, à chaque fois que nous avons un programme avec les partenaires, on établit un contrat. L’ONG ou le partenaire doit faire ceci, l’association doit faire cela; et on essaye de respecter au plus près les engagements de l’ARAF vis-à-vis de l’argent du partenaire.
L’autre aspect, c’est de les contacter, de leur parler; parce qu’il ne s’agit pas seulement d’avoir une gestion transparente, il faut également informer les partenaires de tout ce qui se passe. Il ne faut pas cacher les problèmes même si, souvent, les membres n’aiment pas révéler leurs faiblesses. L’association, que des partenaires veulent soutenir, doit pouvoir leur montrer ses faiblesses. Ainsi, les partenaires pourront lui apporter un meilleur soutien.
Le programme en cours de négociation couvre 1998, 99 et 2000. Nous n’avons pas encore trouvé quelqu’un qui se prononce vraiment. On leur a envoyé. On en a aussi donné un exemplaire à la FONGS pour voir, pendant sa table ronde, ce qu’elle peut faire par rapport à nous. Nous avons eu quelques réponses : le PAGERNA à Kaolack qui s’intéresse à l’approche "genre" (femmes et développement) parce que dans le programme, on a essayé de déterminer la place de la femme dans le processus de développement. C’est un volet qui vient de nous. La place de la femme dans le développement est un problème fondamental pour toutes les organisations paysannes. Nous sommes en train de négocier avec VITAS (Belgique) pour prolonger d’au moins trois ou quatre mois son intervention, jusqu’en avril. Elle dit qu’elle va trouver un autre partenaire en Belgique, comme par exemple Broederljik Delen car VITAS ne peut pas financer à elle seule le programme actuel.
La place des petits partenaires reste une place importante : celle de conseiller, de mise en contact; c’est-à-dire ce que les partenaires négligent et que je trouve très important : le contact humain. Souvent, les gens veulent nous aider mais ils ne veulent pas que nous allions voir là-bas comment eux négocient pour nous aider. Nous avons trois partenaires qui agissent autrement :
Le CRIAD, chaque année, envoie ici une délégation et l’année suivante, c’est une délégation de l’ARAF qui va, en France, voir comment ils travaillent. Cette année, notre responsable de l’élevage a été là-bas pour voir comment les éleveurs s’organisent; ils n’apportent pas beaucoup d’argent mais ils apportent une formation permanente et le contact humain.
Le GRAD fait aussi des actions qui vont dans ce sens, en réunissant ici les associations intéressées par la communication pour discuter ensemble. Je crois que ce travail "inter-associations" est important car chacun fait de son côté des activités sans pour autant se soucier de ce que l’autre fait. Et je crois qu’un travail inter-associations, inter-membres, constitue également une formation. Le GRAD organise des sessions de ce genre, soit en Casamance, soit à l’ARAF, soit à Thiès pour réunir les associations qui travaillent dans le cadre de la communication.
Le CESAO n’est pas un partenaire financier, mais pour toutes les formations que vous désirez et pour lesquelles vous n’avez pas de financement, le CESAO peut, gratuitement, offrir les formateurs. Nous les aidons tout simplement pour la nourriture et l’hébergement.
Ces petits (et fidèles) partenaires ont toujours leur place parce qu’ils peuvent nous aider à faire des autoévaluations. Nous pouvons les utiliser pour être nos conseillers par rapport à tel ou tel problème. Ils nous permettent également de nous retrouver, de discuter ensemble".
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, Senegal, Gossas
Voici la suite de l’histoire des relations entre l’ARAF, une association paysanne sénégalaise de petite taille mais ancienne et au rayonnement régional, avec la sarabande des "partenaires". De 1977 à 1994, on en comptait déjà 17 différents. Depuis lors, la majorité de ces anciens-là ne donnent plus signe de vie, mais quatre d’entre eux sont restés fidèles et trois nouveaux sont venus ou annoncés !
Les fiches DPH préparées par l’équipe du GRAD à partir d’interviews auprès de responsables d’organisations paysannes en zone sahélienne, sans cesse renouvelées depuis 1995, sont un instrument commode pour suivre la progression du monde rural de cette région.
Entretien avec DIOUF, Mathieu
Entrevista
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