Aminé MIANTOLOUM, Benoît LECOMTE
03 / 1998
Madame Aminé Miantoloum, formatrice à l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement) explique ceci : "Dans les grands projets, en général, l’argent ne passe pas par les mains des paysans, les paysans ne font que participer. D’ailleurs, ils ne sont pas associés, on ne leur demande pas leur avis. C’est quand le projet est là qu’on leur dit : "Vous participez !" On réalise, mais la gestion généralement, est entre les mains de quelques individus du village bien placés. Pour un forage par exemple, il y a même des chefs de Canton qui courent après l’argent; pourtant cet argent devrait être gardé en banque pour permettre de couvrir des frais de roulement ou d’entretien de certaines pièces.
Les bailleurs de fonds disent : "on a de l’argent pour tel ou tel domaine et c’est tout". A nous, les ONG, ils demandent si on connaît des organisations paysannes qui peuvent rentrer dans leurs cadres. Si on en a, on les conseille et on leur donne des adresses. Mais il y en a aussi beaucoup qui repartent comme cela, car souvent leurs domaines sont des domaines qui n’existent pas ou bien leurs conditions ne sont pas accessibles aux gens ! Si, parmi les villages ou les OP, il n’y en a pas qui s’intéressent à leurs domaines d’aide, cela peut aller, mais - nous - on ne peut pas leur en créer ! Ce que l’on fait généralement, c’est qu’on leur conseille des groupements qui méritent d’être appuyés, mais ceux qui n’ont pas fait d’efforts on préfère ne pas leur en parler. Car on se dit qu’envoyer des bailleurs de fonds vers des gens comme cela, c’est plus leur faire du mal que du bien. Généralement, on sait qu’il y a tel bailleur de fonds qui peut aider, mais si on ne voit pas d’OP à aider, on préfère se taire.
Parfois, les bailleurs de fonds sont compliqués, il y en a qui ne peuvent financer un projet qu’au dessus d’un certain "plancher", or, souvent les demandes qui répondent à un besoin précis sont de petits montants. Or, si tu dis à un groupement qu’il y a tel bailleur qui peut être intéressé, les gens vont beaucoup compter sur lui. Or, il ne faut pas croire que toutes les demandes auront une réponse positive à cause de cette question de plancher ou autre.
Nous avons dernièrement discuté de ces petits projets; on s’est demandé si ce n’est pas possible de créer un fonds souple d’appui. Souvent ils envoient leur projet 2 ou 3 mois avant la date espérée de démarrage.
L’étude de leur demande peut prendre parfois 4 ou 5 mois. Si nous avions un fonds souple avec un système de gestion approprié, les gens n’auraient pas besoin d’envoyer leurs projets jusqu’à Ndjaména, en Allemagne ou en France. En une semaine, une structure sur place peut donner une réponse positive ou négative pour permettre aux gens, si c’est négatif, de chercher d’autres façons pour se débrouiller rapidement. Surtout pour les femmes : quand elles ont un projet intéressant qui met du temps à se réaliser, elles se découragent. Alors que s’il y avait un fonds souple d’appui dont elles pourraient bénéficier rapidement, cela pourrait les encourager à développer leurs activités. Nous sommes en train d’y réfléchir, mais je ne sais pas encore comment y arriver".
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, Chad, Moundou
Un texte court mais qui illustre avec précision les défauts dominants des grands et des petits projets : demander la participation des gens mais pas leur avis ; laisser les notables gérer l’argent de l’aide ; réserver celle-ci à des domaines déterminés loin du village ; proposer ces aides-là sans écouter ; et fixer des quota de volume financier qui dépassent la capacité des groupes, en particulier celle des femmes.
Les fiches DPH préparées par l’équipe du GRAD à partir d’interviews auprès de responsables d’organisations paysannes en zone sahélienne, sans cesse renouvelées depuis 1995, sont un instrument commode pour suivre la progression du monde rural de cette région.
Entretien avec MIANTOLOUM, Aminé
Entrevista
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