A travers l’exemple de projets en Mauritanie, ce texte pose la question de l’efficacité et de la pérennité des services publics dans un contexte de privatisation et de désengagement de l’Etat. L’ambition étant de mieux comprendre les enjeux et les contraintes des projets de développement institutionnel afin de construire des services durables accessibles à tous ; d’améliorer les conditions de vie de la population tout en renforçant la société civile et la création d’emplois; d’organiser des nouvelles formes de relations entre les acteurs et de créer des mécanismes d’organisation de la société à travers une stratégie ascendante de développement.
L’objectif du développement institutionnel dans ce contexte est double : un objectif de pérennité et un objectif social. Travailler à l’efficacité et à la pérennité du service impose de réfléchir à l’organisation du jeu des acteurs concernés et à la définition de leurs rôles respectifs (Etat, communes, usagers, secteur privé et opérateurs locaux). Ce n’est qu’en plaçant les usagers au centre du processus que la situation peut être véritablement modifiée. Ceci implique notamment de veiller à la viabilité financière et technique des systèmes promus. Les services deviennent alors payants et les dispositifs intègrent des mécanismes d’investissement, de façon à couvrir les charges d’exploitation et permettre leur renouvellement. Il convient de promouvoir la mise en place d’outils et d’équipements adéquats ainsi que des dispositifs techniques, permettant de desservir tous les usagers et de faciliter la gestion du projet.
Du point de vue social, l’objectif est de permettre l’accès du service à tous. Ceci passe inévitablement par une segmentation de la clientèle mais aussi, par l’adoption d’une tarification adaptée, par la mise au point de systèmes de redistribution locale et par la mobilisation de subventions. L’efficacité et la pérennité de ce processus passent par l’existence de mécanismes de régulation et de contrôle, c’est-à-dire par une dynamique de négociation entre les acteurs (Etat, commune et usagers) ainsi que par la définition de procédures, de cahiers des charges et de sanctions éventuelles. L’enjeu n’est pas d’édicter de nouvelles normes mais plutôt de faire droit à l’expérimentation et à la diversité des modes de production et de gestion des services.
On ne peut se satisfaire ni des stratégies de privatisation totale des services, ni d’un pur et simple plaidoyer pour une prise en charge de ceux-ci par les Etats, même si le problème est beaucoup plus politique que technique. Il faut alors s’interroger sur la notion même du service public avant de pouvoir débattre de stratégies et méthodes d’action, et de s’attaquer au défi de parvenir à gérer la complexité et la diversité des systèmes d’acteurs, de financements, etc. La gestion de la diversité pose, par ailleurs, le problème de l’égalité face au service; de l’équilibre général du système; mais aussi du rôle et de la fonction d’intermédiation.
La stratégie adoptée par le GRET en Mauritanie permet de réfléchir à d’autres voies possibles. Dans un premier temps, le projet développé à une échelle restreinte a constitué un champ d’expérimentations sociales et techniques. Dans un second temps, appuyé sur la légitimité et l’expérience acquise, et sur les contacts nécessaires établis lors de la première phase, le projet a été élargi à une échelle régionale voire nationale. Nécessitant alors l’implication de l’Etat, le projet est devenu un élément de politique. Cette intervention au niveau national a eu un intérêt évident en terme d’impact car elle a permis de couvrir des espaces géographiques plus larges, d’agir sur le long terme, et d’intervenir à l’échelle des politiques. Cependant, nécessairement prise dans des conflits d’intérêts, ce type d’intervention peut engendrer de nombreuses contraintes et oblige à des compromis et des réévaluations régulières de la situation : le recours à des appels d’offre peut faire courir le risque au maître d’oeuvre de la première phase de ne pas en rester au stade uniquement d’opérateur; la difficulté à maîtriser complètement l’évolution des projets peut s’avérer désastreuse; les insuffisances des acteurs impliqués peuvent entraver le cours des opérations; les difficultés techniques, sociales peuvent apparaître au fur et à mesure de l’action.
Aussi, il faut imaginer un processus de pilotage temporaire d’apprentissage et de formation, tout en identifiant l’institution susceptible d’accompagner la stratégie ascendante, et professionnaliser les acteurs locaux et pérenniser l’action. Une telle logique suppose des règles et des acteurs stabilisés dans un "processus d’apprentissage local et de pilotage national impliquant l’émergence d’un niveau intermédiaire régional". Cette démarche comportent cependant des risques, tel "l’archipélisation" ou la décentralisation des services qui correspond à des sphères autonomes de production et de gestion des services juxtaposées, sans lien entre elles, au sein d’une ville, d’une région ou d’un Etat.
Dans le même ordre d’idées, il est clair que l’imposition d’un cadre réglementaire unique, édicté d’en haut et prétendu s’imposer à une diversité d’opérateurs, de modes de financement et de formes de prise en charge du service ne peut être envisageable. Des articulations et des régulations nouvelles restent alors à inventer à partir du jeu des acteurs au niveau local, un jeu non pas fait de relations à priori consensuelles mais marqué par des conflits d’intérêts et des rapports de forces.
Au final, entre archipélisation et réglementation impuissante, une troisième voie est sans doute possible, mais il s’agit assurément d’une voie étroite.
servicio público, sector privado, analisis
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Documento interno
ALLOU, Serge, Gret, Direction scientifique, La nouvelle donne des services publics marchands, GRET, Direction scientifi, 1998/11 (France), Document de travail n°2, 14 pages
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