Georges THILL, Jean-Paul LEONIS
08 / 2002
Les travaux du séminaire PRELUDE - Université d’Abomey-Calavi sur "L’eau, patrimoine mondial commun : pratiques innovatrices, initiatives locales et gouvernance. Réalités statistiques, actions interculturelle et dynamiques socio-économiques" (Cotonou, Bénin, octobre 2001) ont abouti à la mise en place d’un sous-réseau PRELUDE "Eau", de manière à poursuivre sur le terrain les examens et études de cas permettant, dans l’échange des expériences, de développer des dynamiques innovantes transversales dans le domaine de l’eau. Il ressort notamment des travaux que toute action dans le domaine de l’eau par rapport au développement durable doit avoir comme arrière-fond de pensée que l’eau est plus que l’eau. Elle est une réalité complexe : l’eau H2O au singulier et les eaux au pluriel. Au singulier, l’eau de par sa potabilité (laquelle demande des techniques de traitement) est source de santé, bien vital, économique et social, insubstituable, irremplaçable à l’instar de l’air. Une ressource qui n’existe qu’en quantité finie sur notre planète bleue, sans compter qu’elle est aussi sujette au climat, à l’organisation sociale, à la pollution, aux inondations, aux conflits. Par où elle est vecteur d’infection, de toxicité, d’inégalités, d’injustices, de mort. Quant aux eaux : eau de source, de rivière, de mer, d’océan, elles constituent un patrimoine culturel au sens habituel du terme: l’eau est, sous ses réalités plurielles, enracinée localement dans les différentes traditions et cultures humaines; elle fait l’objet d’une reconnaissance sacrée, et par là sentiment de crainte et amour se conjuguent. Dans les sociétés profondément rurales (le cas de l’Equateur est intéressant avec ses conflits entre gros propriétaires et petits paysans et entre petits paysans et population indienne), eau et terre sont inextricablement associées dans des conditions plurielles, notamment liées aux enjeux du foncier. C’est dire à quel point on ne peut parler de bonne gouvernance de l’eau si celle-ci n’est pas conjuguée au pluriel, ne prend pas en compte, en les articulant, analyse quantitative et qualitative, et si elle ne prend pas en considération, en les conjuguant, savoirs scientifiques et technologiques et connaissances et arts de faire des gens. Une telle gouvernance doit s’exercer à toutes les échelles, du local jusqu’au planétaire, selon des mécanismes à chaque fois discutés et négociés entre tous les partenaires et acteurs concernés. La gouvernance concerne ici aussi bien les villes que les campagnes. Ce qui souvent a été oublié dans le contexte d’une coopération au développement où le terme développement ne s’adressait essentiellement qu’au développement rural.
S’interroger sur l’eau et le développement durable ; c’est considérer l’eau comme un réseau, et un réseau de réseaux jalonnés de bifurcations, de jeux d’acteurs humains et non humains, agissant aux interfaces des milieux naturels et humains et de groupes humains entre eux. On trouve là tout l’intérêt de projets intégrés tels que celui "H2O" de l’Observatoire hydrométéorologique du Bassin de l’Ouémé qui s’inscrit dans le Programme mondial sur le climat et le Programme mondial géosphère, biosphère et diversités.
L’eau est un réseau dont il s’agit d’optimiser les usages en prenant en considération que des eaux pures peuvent, après usage potable, servir à d’autres fins. Approcher l’eau, c’est la considérer avec tout un processus en "cascade" qui permet son économie. Grâce à une gestion intelligente des déchets, il s’agit d’en éviter la pollution en aval (déchets rejetés dans des rivières, des lacs, etc.).
Des mallettes ou des manuels pédagogiques, utilisables ici ou réutilisables ailleurs, permettent par exemple de toucher l’eau, de la sentir, de l’écouter et donc d’apprendre à l’aimer.
Comme l’ont proclamé les ONG à La Haye, lors du 2e Forum mondial de l’eau, un environnement propre et sain, ainsi qu’un accès à l’eau et à l’assainissement, sont des droits humains universels et donc ne peuvent être considérés à l’instar de toute une tendance de plus en plus dominante aujourd’hui, comme des marchandises. La privatisation (c’est à dire la propriété totalement privée) de l’eau, liée à la "tragédie" des biens communautaires (il faut enclore l’eau et la terre pour éviter leur dégradation), n’est point acceptable.
On peut s’étonner que ce n’est qu’autour du Sommet Planète Terre de Rio que l’eau soit devenue objet de préoccupation des Etats nationaux et d’organisations internationales de l’ONU. Autre étonnement: malgré les dizaines et les dizaines de milliards de dollars américains, investis depuis 25 ans par la FAO, l’OMS, le PNUD, l’OMM, le PNUE, etc. ainsi que par le FMI, la Banque mondiale et les Etats du Nord, plus de 1,4 milliard d’êtres humains, sur les 5 ou 6 milliard aujourd’hui, ne disposent pas encore d’accès à l’eau potable ni à l’eau pour l’agriculture. Comme raisons explicatives, on peut notamment avancer l’absence d’une réelle culture de l’eau et de pratiques de solidarité entre les Etats et les communautés humaines à cause en particulier du principe de souveraineté nationale et des stratégies qu’ils génèrent.
Comme catalyseurs de synergie dans le domaine de l’eau, les scientifiques et les universitaires ont des responsabilités citoyennes particulières. Ces chercheurs ne peuvent pas se confiner à seulement analyser les demandes en eau. Ils sont conviés à se mettre au service des communautés et des institutions humaines, à tous les niveaux, avec le recours à une démarche transdisciplinaire, qui doit reposer sur des bases multiréférentielles et doit croiser, grâce à des réseaux associatifs humains leurs connaissances et pratiques scientifiques avec les partiques de professionnels et des pratiques de gens ordinaires. Citoyenneté responsable, pluriel et solidaire oblige.
agua, agua potable, hidráulica, protección de los recursos naturales, educación ambiental, relación hombre naturaleza, porvenir del planeta, calidad del medio ambiente, responsabilidad ciudadana, salud, desarrollo sostenible
, , Cotonou
Les travaux de Cotonou s’inscrivent dans toute une démarche de PRELUDE pour qui le métissage des cultures, l’hybridation des savoirs et des savoir-faire constitue, avec la transdisciplinarité (pour valoriser la complexité et la globalité des réalités), une démarche spécifique qu’on peut considérer comme témoignant d’une citoyenneté responsable, plurielle et solidaire. C’est une des raisons pour lesquelles PRELUDE s’est résolument engagé dans l’Alliance pour un monde solidaire et responsable.
Actas de coloquio, encuentro, seminario,…
THILL, Georges, PRELUDE, Points de synthèse pour l'action, PRELUDE/UNESCO, 2002 (Belgique), 6, p.289-296
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