La participation des citoyens à la gestion des affaires locales en Oural
08 / 2001
La Constitution russe de 1993 établit un nouveau système d’administration locale qui correspond globalement aux exigences de la Charte européenne sur l’autonomie locale. Or, ni la Constitution ni les lois portant sur l’administration territoriale ne définissent le cadre territorial de l’autonomie locale, le problème étant laissé à la discrétion d’autorités locales et régionales. La plupart des régions russes organisent l’administration locale dans un cadre territorial ancien : une municipalité englobe le territoire d’une ville, qu’il s’agisse d’une ville de 1 000 000 d’habitants ou d’une ville de 10 000 d’habitants, ou le territoire d’un district qui peut couvrir une superficie de 10 km2 à 1 000 km2, le nombre d’habitants variant de 5 000 à 500 000, et qui englobe de 5 à 300 bourgs et villages. On résout le problème d’un pouvoir proche du citoyen en créant des administrations subordonnées (les administrations d’arrondissement dans les villes, les administrations rurales dans les districts ruraux) mais la solution est partielle : d’une part, les habitants de petits villages ont toujours 20-40 km à faire pour voir un représentant des pouvoirs publics ; d’autre part, la démocratie locale devient inexistante puisque les directeurs de ces administrations sont nommés par le maire.
Une autre solution est proposée par la loi portant sur l’autonomie locale qui prévoit l’existence de " l’autogestion publique territoriale " (APT), un mode de participation citoyenne à la gestion des affaires locales. La loi ne précise pas s’il s’agit d’institutions issues des pouvoir public ou d’associations de citoyens; les lois régionales quand elles existent évitent aussi la question. De plus, les organisations de l’APT ne peuvent disposer que de moyens financiers venant des municipalités, à la discrétion de ces dernières, ou de dons. Néanmoins, plusieurs organismes se sont créés au niveau local à l’intérieur ce cadre flou. A la campagne, les habitants sont moins actifs et la création d’institutions " d’autogestion territoriale " est souvent l’affaire des autorités municipales. Ainsi, les municipalités des districts de Krasnogorsky, Glazovsky, Youkamensky (Oudmourtie) ont créé, dans le cadre d’administrations rurales existant sur leur territoire, des " zones territoriales " (de 70 à Youkamensky jusqu’à 158 à Glazovsky) dont chacune correspond à un village ou même à un quartier de gros village, soit de 200 à 1 000 d’habitants. Un staroste (représentant et médiateur public local) est nommé (rarement élu) dans chaque zone ; des réunions d’habitants ont lieu et des comités de starostes existent dans le cadre de chaque administration rurale. De façon plus ou moins légale, les municipalités trouvent même des moyens pour payer les starostes, en monnaie ou en nature. Les starostes et, le cas échéant, les réunions d’habitants, délibèrent sur les problèmes d’aménagement (création d’un étang, aménagement d’un ruisseau, petits ponts etc.), d’utilisation des sols par les habitants (les pâturages communs) ; les starostes participent à l’organisation de recensements etc. Toute décision doit être confirmée par l’administration rurale. Le statut et les fonctions des starostes sont définis par un règlement signé par le maire du district. Les habitants considèrent le staroste comme « un type du pays » et, en même temps, comme le représentant des pouvoirs publics dans le village.
Dans les quartiers urbains la situation est souvent différente ce que l’exemple de la ville de Tcheliabinsk (1 200 000 d’habitants) montre bien. Les comités de l’APT existent pour 5 arrondissements de la ville. Les comités de quartier ou les organes de l’APT de quartier sont créés souvent par les habitants eux-mêmes ; un comité a normalement son statut (charte) délibéré lors d’une réunion d’habitants et acquiert le statut de personne morale. Plusieurs comités ont été créés d’abord pour répondre à un problème précis, comme la défense des droits des habitants vis-à-vis des services municipaux ou comme la construction d’une installation (une antenne de TV satellite, une zone pour les enfants) pour se transformer ensuite en un organisme à compétences plus larges. Ignorant les comités au début, s’opposant à eux par la suite, les autorités municipales en viennent finalement à un soutien plus ou moins prononcé à ces institutions. Rarement il s’agit d’une solde réservée au président des comités ; la ressource majeure qui est récemment revenue aux participants de l’APT est le pouvoir consultatif en manière d’utilisation des sols et la construction d’installations sur la voie publique: l’opinion du comité ou de la réunion des habitants est demandée et souvent suivie quand l’administration d’arrondissement délibère sur des problèmes de construction, de baux etc. Cette ressource résout souvent le problème financier des comités : les entrepreneurs désirant construire ou louer des biens ou terrains présentent des dons en monnaie ou en nature. Les motifs de ce changement d’attitude sont divers : d’une part, la municipalité laisse aux comités une partie de ses tâches ; d’autre part, toute campagne électorale entraîne pour les présidents de comités qui possèdent une certaine notoriété, une bonne occasion pour exercer un certain trafic d’influence.
desarrollo local, ciudadanía, organización vecinal, política regional, descentralización, participación popular
, Rusia, Oudmourtie, Tcheliabinsk
Conçue dans les meilleures traditions démocratiques, l’autogestion territoriale en Russie se transforme vite en une émanation des pouvoirs publics, gérée et contrôlée par ceux-ci. Déléguer leurs tâches aux citoyens, contrôler l’électorat, tout cela donne assez de raisons pour une telle transformation. La situation se rapproche de plus en plus de comités de quartier de l’époque soviétique ou de zaysanku japonais.
Texto original
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