Le projet de l’association Manaode à Madagascar
03 / 2002
Deux personnes sont à l’origine du projet Manaode. La première, Catherine Ponchelet, fut bénévole pour l’UNICEF et est sensibilisée aux droits des femmes et des enfants. La seconde, André Lecomte, est un ancien fonctionnaire international et professeur au CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers). Il a été l’un des premiers enseignants de cette institution à s’intéresser aux débats sur l’entreprise citoyenne. Ces deux personnes, qui partagent un certain nombre de points de vue sur le développement et les actions humanitaires, ont eu l’idée d’associer les problématiques liées aux droits des enfants des rues à celles de l’entreprise citoyenne. Autrement dit, en favorisant des actions aidant à l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et en incitant les entreprises nationales et internationales à une pratique citoyenne, notamment dans la réglementation du travail des enfants, ils ont espéré contribuer plus efficacement à l’amélioration des conditions de vie des plus pauvres. Ils ont donc envisagé une première action de "soutien et de scolarisation des enfants de et dans la rue, des enfants des quartiers défavorisés et des enfants en prison dans les pays en développement". Et une seconde action, "par des conseils, des études et des formations spécifiques, d’orientation du management des entreprises pour un développement durable et une éthique citoyenne et équitable, dans l’intérêt des enfants, des familles, de la communauté, et des entreprises elles-mêmes". L’association Manaode est officiellement créée en octobre 1998. Un pays d’intervention est choisi, Madagascar et sa capitale Antananarivo, pour le nombre d’enfants des rues et pour être en partie francophone, ce qui facilite les échanges. Après obtention de l’accord de la municipalité, le projet d’accueil des enfants est lancé. Ses trois principaux objectifs sont de protéger ces enfants, particulièrement la nuit, de les scolariser (de la maternelle à la formation professionnelle) et de les faire jouer (le jeu comme outil d’éducation). Pour cela, un bus offert par une entreprise de transport de Chamonix, en France, est aménagé et acheminé jusqu’à Madagascar. Il circule dans les rues et sert à la fois de dortoir, de réfectoire, de ludothèque et de salle de travail aux enfants sans toit. Une équipe malgache de sept personnes salariées y travaille. Cette première action est financée par les cotisations des adhérents à Manaode, qui sont aujourd’hui au nombre de 170 (contre 20 à la création de l’association), par la coopération française à Madagascar, l’UNICEF, les Conseils généraux de Savoie et de Haute-Savoie, et le parrainage de chaque enfant. Depuis juillet 2001, le Bureau international du Travail (BIT) et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) soutiennent officiellement Manaode.
En termes de résultats, le nombre d’enfants recueillis et scolarisés dans le système éducatif malgache est passé de 12 en 2000 à 83 pour la rentrée 2001, avec une prévision pour 2002 de 150, et des résultats scolaires remarquables. Fort de ce succès, Manaode a ouvert, en septembre 2001, un centre d’accueil pour ces 150 enfants à Antananarivo. Enfin, l’association développe dans toute l’île des formations au jeu à destination des autres organisations non-gouvernementales présentes sur place et des associations locales, pour répandre ces méthodes pédagogiques qui ont fait leurs preuves. En mars 2000, dans les locaux de Handicap International, ce sont 19 ONG qui ont ainsi suivi une formation. Et en 2001, un deuxième programme a eu lieu dans la capitale et à Majunga. Dans le même ordre d’idées, Manaode soutient la création de ludothèques privées et municipales dans tout le pays.
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, Madagascar, Francia, Antananarivo
Les difficultés rencontrées et les limites de l’action de Manaode sont nombreuses. Pour ce qui est du soutien à la scolarisation des enfants des rues, Monsieur Lecomte dit se heurter à un problème parfois difficilement résolu : l’extraction des enfants du travail signifie souvent la réduction des revenus de la famille. Sans vouloir faire de l’assistanat, l’association doit pouvoir proposer des solutions de rechange aux familles qui acceptent la scolarisation des enfants travailleurs. La solution choisie par l’association est l’octroi de micro-crédit, pour aider les parents à créer des activités génératrices de revenus. Reste à savoir si cette stratégie pourra permettre de maintenir les enfants dans le système scolaire plusieurs années. Enfin, le second pilier de l’action de l’association n’a pas pu être développé. En effet, l’information, la sensibilisation et le partenariat avec les entreprises ont été très délicats à mettre en place. De plus, les projets de réinsertion des enfants sortis de prison n’ont pas encore été lancés, la prise en charge de la formation professionnelle des enfants en grande difficulté n’est pas encore assurée, et la participation effective des entreprises aux actions de Manaode est faible. André Lecomte explique ce retard par la nécessité, pour être crédible aux yeux des entreprises, de démontrer au préalable la faisabilité et la réussite du projet de scolarisation des enfants des rues.
Fiche réalisée lors de la rencontre internationale "Dialogues pour la Terre", à Lyon, du 21 au 23 février 2002. Entretien avec André Lecomte.
Entretien avec LECOMTE, André, vice-président de l’association Manaode, 7, rue Amédée VIII de Savoie, 74160 Saint-Julien-en-Genevois - Tel 04 50 49 55 50 - Fax 04 50 49 02 75 - manaode@wanadoo.fr
Entrevista