Analyse et conseils du secrétaire général d’une fédération d’organisations paysannes (FAPAL)
02 / 1998
Malick Sow, Secrétaire Général de la FAPAL (Fédération des Associations Paysannes de Louga) explique ceci :
a) L’aide au développement est une bonne chose dans la mesure où nous prenons conscience de ce que cette aide signifie et de la raison de cette aide. Nous avons toujours dit qu’il fallait lutter contre la mentalité d’assisté. Pour nous, l’aide est une nécessité mais durant un temps bien déterminé. Si on utilise cette aide dans un sens bien défini, que nous la gérons bien, que nous l’utilisons bien aussi, je crois qu’à un certain moment nous pourrons nous passer de l’aide. C’est la vision de la FAPAL.
b) Par contre, il y a une autre mentalité qui dit que l’aide est une nécessité qui doit être permanente. Pour ma part, je crois que c’est dangereux de dire : "C’est de l’argent qui est là, qui nous est dévolu par la volonté divine; qu’on le veuille ou non, elle doit être là en permanence". De telle sorte que si l’aide arrive, au lieu de la gérer de façon rationnelle et vraiment saine, ils l’utilisent, la dilapident ou la détournent pour d’autres fins.
Nous militons pour la première voie. C’est à dire qu’il faut bannir la mentalité de l’assisté.
Il y a ici des groupements, des organisations paysannes qui luttent contre le sous-développement, contre la faim, mais qui ont besoin d’un coup de pouce de leur partenaire extérieur pour réussir cela. Il faut les aider afin qu’elles soient solides pour mener des activités rentables, leur permettant de se passer de cette aide, de pouvoir vraiment compter sur leurs propres forces. Un proverbe dit : "Aide-toi le ciel t’aidera".
c) On a cette dynamique d’initier des choses en disant : "Voilà ce que nous avons, voilà ce qui nous manque". Si quelqu’un peut combler ce manque, on écrit à ce partenaire pour qu’il vienne constater sur place ce que nous sommes en train de faire, qu’il partage avec nous nos réussites et nos échecs. Il est là pour constater avec nous que c’est une difficulté objective nécessitant un coup de pouce ou un appui quelconque. Ce n’est pas simplement quelque chose qu’on reçoit et qu’on utilise pour d’autres buts ou pour rester là à quémander un peu partout.
d) Dans les pays du Nord, des militants sont nos "complices", qui comprennent nos soucis. Par contre, à travers des écrits que j’ai l’occasion de lire, une philosophie se développe qui n’est pas du tout en phase avec ce qui se passe aujourd’hui. Des voix s’élèvent en Europe disant que si il y a des gens qui s’organisent, qui travaillent et qu’on aide, cela peut en détourner d’autres de leurs travaux des champs, pour monter quelque chose et quémander encore de l’aide. Cette vision de certains européens est tout à fait fausse. Je crois qu’il y a aujourd’hui une interdépendance mondiale qui fait que chacun de nous a besoin de l’autre.
Mais notre besoin s’arrête à un besoin non permanent, bien précis et calé dans le temps, à satisfaire avec tout ce que cela suppose de compréhension et de tolérance. Car toute aide est imparfaite. Elle ne doit pas rester de façon permanente. Il y va de notre crédibilité et de notre honneur.
e) A mon petit frère qui cherche une aide, je conseillerais de :
- Clarifier ce qu’il veut faire. Il faut que son objectif soit d’abord clair dans sa tête. "Qu’est-ce que je veux faire, comment je vais le faire et qu’est-ce que j’en attends".
- Il faut aussi que ce qu’il fasse ne soit pas une imitation. Il ne faudrait pas qu’il voit que X a fait ceci et s’engage dans la même voie. Il faut qu’il évite cela.
- Il faut également qu’il ait toujours un langage de vérité avec le partenaire. Ce qu’il peut, ce qu’il ne peut pas faire. Lui montrer là où il a des difficultés, lui dire les raisons et comment il compte les surmonter. Ne jamais jouer à cache-cache avec le partenaire ou essayer de le berner".
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, Senegal, Louga
Un plaidoyer pour que l’aide extérieure dure mais ne soit pas considérée comme un préalable nécessaire pour se mettre à agir. Une autre démarche est proposée par notre interlocuteur : une fois l’action paysanne en route, on verra apparaître les manques ; et on cherchera alors juste assez d’aide pour contribuer à combler ces dernières.
Voir sur ce sujet la fiche DPH n° 7.256
Entretien avec SOW, Malick, réalisé à Thiès en décembre 1997.
Entrevista
LECOMTE, Benoît
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