Le développement local vu par le président d’une association paysanne (ASESCAW)
11 / 2001
Birahim DIOP, président de l’ASESCAW (Association Socio-Educative, Sportive et Culturelle de l’Amicale du Walo) explique ceci :
"La décentralisation a commencé depuis les années 1970 avec la création des Communautés Rurales. C’est en 1996, avec la réforme sur les collectivités locales qu’on peut dire qu’on est arrivé sur le plan des décisions, sur le plan juridique, sur le plan des idées, sur le plan institutionnel à conférer des responsabilités au niveau des collectivités locales. Aujourd’hui, ces collectivités locales sont les communautés rurales (CR) et les communes urbaines. Je crois qu’aujourd’hui la cible devrait être les CR parce que ce sont les communautés les plus démunies sur le plan des ressources humaines. En tous les cas, le potentiel existe pour certaines, mais leur mise en valeur pose problème. Il y a un problème de ressources humaines pour mettre en place une synergie. Comment aider les populations à mieux identifier leurs problèmes ? Et que cette identification ne devienne pas une liste de besoins... Comment faire en sorte que, sur le plan administratif, l’autorité locale puisse comprendre qu’aujourd’hui les gens doivent penser par eux-mêmes et qu’elle est une ressource au service de cette population. Et que l’autorité régionale et l’autorité nationale puissent accepter le "redéploiement" de certains partenaires, qu’ils facilitent en tous cas la mise en place d’un partenariat entre les ressources humaines extérieures et les ressources internes des collectivités locales. Cette coopération "décentralisée" permettra aux populations de mieux satisfaire leurs besoins, dans la limite des priorités, mais aussi aux partenaires locaux, régionaux, nationaux et extérieurs de mieux s’adapter à ce qui a été élaboré par les ruraux comme programme. Toutes les actions ne peuvent pas être entreprises simultanément, il y a toujours une priorité et c’est à partir d’elle qu’on arrive à voir des effets d’entraînement. Une activité aura peut-être un effet sur 2 ou 3 autres et ce processus d’entraînement permet de répondre aux besoins. En quelque sorte, cette nouvelle façon de faire qui se dessine, c’est plus ou moins une façon pour les ruraux de reconquérir les espaces (de pouvoir). Il ne suffit plus de seulement faire une bonne gestion ou bien de bonnes activités, c’est bon, il faut les consolider pour mieux s’adosser sur quelque chose afin de bien marcher, mais il y a aussi cette notion de conquérir l’espace. Si on prend l’espace comme une ronde divisée en compartiments, dans chaque compartiment il y a des critères pour partir et réussir à avancer. Si par exemple, on prend la santé, elle constitue un espace sur lequel il faut travailler pour mieux organiser la population et il y a des critères qu’il faut élaborer pour avancer. Si on prend le plan économique, il constitue un compartiment, pour conquérir cet espace il y a des critères pour mieux mener des activités (rentabilité et tout cela). Un autre espace est le financement des activités et là il y a aussi des critères qu’il faut mettre en place pour asseoir un système de financement durable. Donc, la conquête de cet ensemble d’espaces constitue aujourd’hui une plate-forme autour de laquelle des partenaires acceptent de travailler ensemble pour le mouvement paysan. Parce que notre cible toujours est le monde rural et qu’au fur et à mesure que le monde rural arrivera à avoir une bonne organisation, à parfaire ses activités économiques, je crois que ce sera le baromètre d’un pays qui avance.
Et aujourd’hui, la décentralisation est une possibilité pour les populations de mettre en scène eux-mêmes leurs efforts, afin de construire, par exemple, des "plans locaux de développement" (PLD) qui prennent bien en compte leurs préoccupations. Dans la communauté rurale, il y a les mouvements associatifs qui sont, par leurs membres, au sein des familles. Le mouvement associatif, les coopératives, leurs sections villageoises, les GIE, les élus locaux et tous doivent travailler pour atteindre la famille. On peut donc dire que le plan local de développement, bien travaillé, bien étudié, doit permettre de prendre en compte aussi bien les préoccupations du mouvement associatif que celles des autres organisations paysannes.
Et enfin, si au niveau national il y a quelque chose qui est construit et que l’on veut leur imposer maintenant, les gens disent : "référons-nous à notre PLD". Cela parviendra à amortir, à diminuer la pression descendante qui fait qu’à tout prix, on dit qu’il faut réaliser ceci ou cela qu’ils n’ont pas choisi".
desarrollo local, descentralización, organización campesina, planificación, necesidades básicas, participación popular, concertación, institución pública local
, Senegal, Ross-Bethio
L’évolution du rôle et du pouvoir des populations rurales et du mouvement paysan est amorcé au Sénégal depuis 1973, date de la création des premières communautés rurales. A cette même époque, notre interlocuteur a participé à la fondation de l’association paysanne qu’il préside aujourd’hui, en 1998. Dans ce texte, il pressent le pouvoir croissant des ruraux sur le devenir de leurs terroirs, en particulier grâce à leur rôle dans l’élaboration des "Plan Locaux de Développement".
Entretien avec DIOP, Birahim réalisé en juin 1998.
Entrevista
LECOMTE, Benoît
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