La relation d’une animatrice burkinabé avec ceux qui aident les activités des groupes
Mariam MAIGA, Christophe VADON
11 / 2001
Question à Mariam Maïga, animatrice depuis vingt ans : "Est-ce qu’à long terme ou même à court terme, tu penses que l’aide rend autonome ou bien tend plus vers la dépendance ?"
- Réponse : "Tout dépend du départ. Et puis, l’aide est là aujourd’hui mais il ne faut jamais oublier que l’aide ne va pas être éternelle. Personne ne peut aider tout le temps. D’où la nécessité pour la communauté de profiter de cette aide pour créer des activités qui pourront un jour se substituer à l’aide. Pendant que vous financez, vous préparez les communautés, vous les amenez à réfléchir aux actions qui pourraient être durables et rentables. Ainsi, même si vous partez, ces populations pourront se prendre en charge. Certains bailleurs acceptent de financer des programmes jusqu’à 5 ans, si c’est un projet à long terme, bien structuré. Parce qu’ils se disent que d’ici 5 ans il y aura une certaine autonomie. Il faut que nous aussi nous ayons dans la tête de fonctionner vers l’autonomie.
Mais les petits projets d’un an, de deux ans, c’est cela qui rend chaque fois vraiment dépendant; on est là, on finit et puis on est là, on attend, on attend... Par contre, si vous arrivez à mettre en place un programme de 5 ans où à la fin de chaque année vous essayez d’évaluer, de corriger, de relancer, d’ici 5 ans les populations peuvent être autonomes avec des projets concrets à réaliser".
Question : "Cinq ans, est-ce suffisant pour qu’un groupement devienne autonome ?"
- Réponse : "C’est le minimum ! Cinq ans c’est vite arrivé. Il y en a même qui vont jusqu’à 10 ans. Pour qu’existe un groupe de personnes vraiment dynamique, il faut que le village ait déjà eu des séances d’animation etc. Dans certains villages "perdus" du Burkina juste se mettre en groupe c’est tout un problème. C’est à partir de cinq ans qu’on commence à voir les résultats. Les groupes sont souvent analphabètes, il ne faut pas oublier ça. Et puis souvent ils confondent l’aspect social et l’aspect économique.
Or, ce sont les activités économiques qui vont prendre la relève (de l’aide). Il faut arriver à faire le bilan du social à part et de l’économique à part pour la même activité, arriver à leur dire : "vous avez fait du social, voilà les résultats; vous avez fait de l’économique, voilà le résultat". Mais si le social joue négativement sur les résultats économiques, ces villages mettent du temps à se prendre en charge.
Et puis, ce qui est intéressant c’est de pouvoir faire le même appui dans deux villages et comparer, voir leur dynamisme en partant bien sûr de leur organisation. Au bout de cinq ans vous allez voir que les résultats ne sont pas les mêmes. On a compris tout ça à partir de nos systèmes de moulin-mère (celui qu’un village recevait) et de moulin-fils (celui que le village précédent devait, peu à peu, donner à un autre village). Puisqu’on a des cahiers des moulins, on peut voir que dans certains villages le remboursement était régulier. Alors qu’avec le même moulin installé la même année, d’autres villages, ne remboursent même pas.
Enfin pour responsabiliser les gens, il faut vraiment qu’il y ait un arrêt pour le financement, il faut donner une date butoir, que l’on dise au groupe : "à partir de telle année, si vous ne remboursez pas, voilà". Et là on a eu des problèmes au sein des Groupements Naams avec 6S (une ONG suisse qui accordait chaque année une dotation pour des travaux à faire en saison sèche) parce que chaque année, on donnait de l’argent à telle ou telle zone. Donc, pour les gens, 6S n’allait jamais s’arrêter. Les gens avaient pris l’habitude. A un moment donné 6S a trouvé qu’il ne pouvait plus tenir et l’aide s’est arrêtée. Il y a eu des problèmes partout où les responsables avaient pris l’habitude de ne pas rembourser les crédits. C’est intéressant aussi pour celui qui aide de dire, dès le début : "Au bout de trois ans, on s’arrête pour voir si les résultats qui sont là nous permettront de continuer". Cela responsabilise tout le monde et les gens vont chercher des résultats meilleurs. Autant avertir les gens et qu’ils sachent qu’un jour il peut y avoir rupture.
ONG, desarrollo rural, desarrollo local, dependencia económica, proyecto de desarrollo, estrategia de desarrollo
, Burkina Faso, Ouagadougou
L’analyse fine de la relation d’aide; c’est à dire du chemin étroit à tracer : d’un côté le risque de directivité de celui qui aide, de l’autre le risque de laxisme et de passivité de celui qui reçoit. Et un conseil : prévoir entre les parties le moment où l’aide financière s’arrêtera.
Entretien avec MAIGA Mariam, réalisé à Ouagadougou en août 1998
Entrevista
VADON, Christophe
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - Francia - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org