Un atout pour toutes les femmes, à condition qu’elles ne se coupent pas de la base, selon une présidente d’association (Thiés, Sénégal)
Nafissatou DIEDHIOU, Séverine BENOIT
05 / 2001
Nafissatou DIEDHIOU, présidente de l’ASAFODEB (Association Sénégalaise d’Appui à la Formation pour le Développement à la Base) :
« Je peux prendre le cas de madame Diouf, une femme qui maintenant est leader. Elle fait partie des femmes qui ont des responsabilités et qui continuent à lutter pour celles qui sont derrière. Pour elle, il était impensable que sa fille n’aille pas à l’école. Son mari même l’a battue. Parce qu’elle a osé amené sa fille à l’école. Mais elle a lutté et aujourd’hui son mari a accepté et sa fille va à l’école. Son mari pensait que l’école c’était des charges et qu’avec ses revenus faibles il ne pourrait vraiment pas amener sa fille à l’école. Mais la femme a dit qu’elle allait vendre ses arachides, ses poissons, faire du petit commerce rien que pour acheter des cahiers et des livres pour sa fille. Et pour tout cela, ce sont les femmes qui se sont battues pour y accéder.
Avant les filles n’avaient pas le droit à l’alphabétisation, pour la plupart, parce qu’on disait que les filles devaient être à la maison et s’occuper des enfants. Dans la majorité des cas c’était cela : « C’est une fille ? Elle doit rester à la maison ! » Maintenant, tout a changé. Je ne dis pas que les filles de Thiès vont toutes à l’école, mais une partie y va. Parce que les mamans sont conscientes de leur sort, elles qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, elles savent que l’instruction est utile.
Les femmes sont analphabètes à 65% ou 70%. Actuellement, les femmes, à travers les médias, à travers un village qui a déjà fait l’alphabétisation et où les femmes commencent à communiquer avec les autres, à apporter un changement dans leurs habitudes, l’autre village fera tout pour être aussi alphabétisé. Ici dans nos terroirs nous avons des demandes constantes venant des villages pour être alphabétisés. Pour le problème de l’alphabétisation donc, et pour pas mal d’autres problèmes concernant les femmes, c’est irréversible parce qu’elles ont compris.
La sensibilisation, l’information, l’alphabétisation, la communication c’est le début de tout et cela doit continuer parce que si nous sommes contents du changement accompli, tout n’est pas parfait, il y a des endroits où il reste vraiment à faire. La sensibilisation doit se mener auprès des femmes et des hommes. Parce que si on veut sensibiliser les femmes et laisser les hommes, ce n’est pas bon. C’est la famille l’important et tout le monde doit être au courant pour débattre des problèmes. C’est dangereux de travailler avec les femmes en laissant les hommes de côté parce que ça isole les femmes. Nos traditions y sont pour beaucoup, parce qu’après tout, l’homme est toujours maître, alors il faut le prendre par les sentiments, petit à petit, jusqu’au moment où tu lui diras « maintenant c’est comme ça ! » Sinon ça n’ira pas. Avec les paysans c’est comme cela. Il faut d’abord sensibiliser les hommes, et après ils disent : « celle-là on a confiance en elle alors elle peut travailler avec les femmes. » Et là tu peux parler avec les femmes seule à seule. Et maintenant il y a des femmes qui sont allées jusqu’à Beijing mais il faut revenir pour rendre compte de l’évolution des choses ou des problèmes. On ne doit pas continuer la lutte sans faire des va-et-vient pour que celles des villages comprennent.
Il y a des femmes leaders partout, dans les villages et dans les quartiers. Il y a des leaders nées. C’est des dons. Il y a des personnes qui ont le courage de parler, de s’exprimer et tout de suite tout le monde la suit. C’est inné. Par contre il y en a qui sont toujours derrière, qui ont peur. Mais une fois que vous les poussez à prendre la parole, que vous les encouragez, à la prochaine réunion elles oseront parler. C’est pourquoi je dis parfois aux femmes leaders : « Ce que vous faites est bien, vous luttez pour celles qui sont derrière, mais prenez le temps aussi de leur donner les informations qu’il faut ». Parce que continuer à lutter sans que celles qui sont derrière sachent ce qu’on fait et ce qu’on doit faire, et pourquoi, ce n’est pas bon. C’est pourquoi dans le plan d’action de la femme où nous avons pris de grandes orientations pour les femmes, nous avons traduit cela dans les langues nationales et nous avons coupé cela par séquences pour l’expliquer aux femmes dans les villages et on insère cela dans le cadre de nos programmes d’alphabétisation.
L’aide nous a aidées à l’émergence des leaders féminins, parce qu’elle a contribué à la prise de conscience des femmes. Mais d’un autre côté, l’aide ne nous arrange pas parce que les gens s’y habituent. Moi si j’étais un bailleur, je n’aiderais pas quelqu’un qui n’a pas commencé sur ses propres forces parce que je sais que ce serait inutile. Il faut d’abord que la personne se lance, et si la charge est lourde, on peut l’appuyer. Mais l’aide a permis aux associations, féminines surtout, de se regrouper. Cela a permis aux gens de se connaître, d’échanger et de réfléchir ensemble et d’analyser ce qui n’allait pas. Ils ont pu chercher entre eux les solutions pour corriger ce qui n’allait pas. »
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, Senegal, Thies
Le message de cette responsable chevronnée est le suivant : les femmes commencent à prendre des responsabilités jusque là monopolisées par les hommes. Elles n’ont pu le faire qu’à la suite d’un travail d’information des hommes. Maintenant qu’elles sont devant, comment faire pour qu’elles pensent à celles qui sont derrière.
Voir les autres fiches DPH de Nafissatou DHIEDHIOU, ainsi que celles concernant le statut de la femme en Afrique de l’ouest
Entretien avec DIEDHIOU, Nafissatou réalisé à Thiès en février 2001.
Entrevista
BENOIT, Séverine
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