Barmbaye GUELMIAN, Benoît LECOMTE
04 / 1998
Barmbaye Guelmian, paysan et trésorier du CODEB (Comité d’Organisation pour le Développement de Bédogo) : "L’aide extérieure, cela aide. Par exemple, avant à Bédogo nous n’avions pas d’eau; grâce à l’aide extérieure nous avons pu creuser plusieurs puits. Dans le temps, nous n’avions pas de moyens de transport; maintenant avec l’aide extérieure, nous avons des moyens de transport tels que les charrettes et des maisons solides où nous travaillons et où nous nous logeons. L’aide extérieure nous permet d’organiser des visites d’échanges et d’aller voir comment les autres font.
Mais les difficultés dues à l’aide extérieure, en particulier pour les membres responsables de CODEB, comme moi, sont nombreuses. Par exemple, moi je suis le trésorier général de CODEB. Aussi, dans mon village il est très difficile que je vienne chez un frère lui demander un crédit puisque, déjà de loin, il me voit comme un trésorier et donc quelqu’un qui a de l’argent. Donc c’est très difficile pour moi d’aller chez un frère emprunter et lui faire un bon. Or, au CODEB je ne gagne rien, je ne bénéficie de rien aussi. Voilà c’est le problème que j’ai : au CODEB je ne trouve rien et en dehors du CODEB, quand je viens chez les frères pour faire des bons, ils me refusent parce que je suis le trésorier du CODEB.
Un deuxième problème que nous avons encore est que le village entier, quelquefois "il se gêne" parce que la somme que les ONG nous envoient est disponible pour certains travaux seulement mais les villageois pensent peut-être que nous utilisons pour nous cet argent; alors il y a des murmures, des rancunes par-ci par-là et c’est un problème qui nous pèse. Nous le supportons parce que nous sommes engagés pour l’association et pour le développement de notre village. On ne peut pas relâcher, c’est pourquoi je suis toujours dans l’association CODEB.
Une autre difficulté est que, dans le temps, il y a eu des volontaires étrangers qui étaient avec nous. Eux, quand ils veulent faire une formation, ils le font avec de l’argent ou bien ils nourrissent les gens. Après eux, il est difficile pour nous d’organiser une formation parce que les gens pensent à ce que les volontaires faisaient, mais nous comme on n’a pas la possibilité de dépenser autant, les gens "se gênent". Ils se gênent pendant les réunions ou bien les formations parce qu’ils n’ont rien trouvé à manger, ils n’ont pas trouvé à boire. D’un côté cela nous aide : ils nous donnent des conseils sur la comptabilité, des conseils sur la gestion et autres. Mais de l’autre côté, c’est mauvais parce que les gens comptent beaucoup sur eux, sans compter sur le comité CODEB.
Enfin, il nous faut penser au moment où il n’y aura plus d’aide. Nous sommes dans le besoin, par exemple le besoin de l’eau. Ce sont des besoins pour lesquels nous avons travaillé normalement avec les aides envoyées par Eirene (une ONG européenne de volontariat) et aussi par Pain pour le Monde. L’ONG Eirene nous a épaulés depuis six ans. Bientôt Eirene va nous quitter donc s’il n’y a pas de progrès, après son départ, CODEB va marcher toujours en reculant. Nous préférons donc dès maintenant être en autopromotion. Comme cela, quand Eirene nous quittera, nous serons en mesure de continuer avec notre association. A l’avenir, nous n’aurons pas besoin de l’aide extérieure puisque nous avons mis sur pied la caisse d’épargne. Si vraiment celle-ci fonctionne normalement, cela nous aidera à avoir tout ce dont nous avons besoin. Il se pourrait qu’un jour l’aide extérieure n’existe plus; donc il faut chercher à trouver les moyens propres ou les équipements propres plus que de compter sur elle. Même si l’aide extérieure vient, il faudrait qu’elle soit un complément. C’est la question qu’il faut se poser. Moi-même je me pose cette question et je préfère faire de mon mieux avant de trouver de l’aide extérieure. Pour le moment, j’aimerais mieux débuter avec ma propre sueur et j’aurais souhaité l’aide extérieure après, plus tard".
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, Chad, Bedogo
L’aide extérieure et les volontaires étrangers (vus par un paysan tchadien militant d’association) présentent à la fois des intérêts et des risques. Il entraîne en particulier la déconsidération les dirigeants des organisations locales. Car "quand les volontaires sont là, les gens comptent beaucoup sur eux et non pas sur leurs propres comités". Puis quand l’aide quitte que faire ? Si elle vient, précise-t-il, il faudrait qu’elle ne soit qu’un complément car il vaut mieux débuter avec sa propre sueur et que l’aide ne vienne pas en tête mais plus tard.
Cette fiche complète la fiche DPH 7.450 intitulée : "L’aide extérieure, mieux vaut qu’elle vienne après l’apport propre et la formation", extraite du même interview.
Entretien avec GUELMIAN, Barmbaye à Bédogo en février 1998.
Entrevista
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