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L’évolution du rôle des femmes dans l’Entente de Diouloulou (Sénégal).

Travail et vie associative.

Pascal MANE, Benoît LECOMTE

05 / 2001

Pascal Mané, responsable en Communication de l’Entente de Diouloulou : "La personne qui a déclenché le processus, je peux dire que c’est une femme qui a voyagé, au début des années 80, vers le Nord du Sénégal et a vu un groupement de femmes. Au retour, elle a dit à ses amies : "Voilà quelque chose que j’aie vu... donc cela pourrait aussi nous profiter, si jamais on se réunissait quelque part, cela pourrait en tout cas nous aider dans tout ce que nous faisons". Par ailleurs, les femmes étaient confrontées à un problème d’analphabétisme; elles ont fait appel aux hommes du village, aux maris pour leur exposer leurs problèmes, c’est ainsi qu’elles ont décidé de faire revenir de Dakar deux jeunes originaires. L’un a pris la charge du secrétariat et l’autre la coordination des activités de l’association. C’est vrai que ce sont des hommes qui dirigent l’association, pourtant l’association a été initiée par une femme. Il faut dire que les femmes dans la zone où nous vivons n’ont pas de pouvoir de décision, bien que tout cela soit "quelque chose des femmes". Mais chez nous, même pour les fêtes de femmes organisées entre elles, il faut que les femmes avertissent leurs hommes pour avoir leur feu vert. Ne se sentant pas responsable dans tout ce qu’elles faisaient, elles avaient besoin des hommes pour les soutenir dans leurs actions. Elles ont commencé par des activités de maraîchage. Il faut clôturer les jardins pour faire du bon maraîchage. La femme n’a pas la force physique qui lui permet d’aller chercher le bois en brousse pour faire sa clôture. C’est ainsi qu’elles ont fait appel à leurs maris : "Ecoutez nous, nous avons eu l’idée de nous regrouper mais nous serons bloqués par notre faiblesse physique; on veut vous confier la tâche de nous clôturer nos jardins". Les hommes se sont dit : "Notre développement ce n’est pas une affaire uniquement de femmes. Donc nous, nous allons nous intégrer à leur action car on voit que c’est une bonne initiative". Au lieu d’intervenir seulement pour clôturer le jardin, femmes et hommes ont préféré travailler ensemble tout de suite, quitte à ce que les hommes aient des parcelles ou des planches dans le jardin et les femmes également. D’ailleurs, une bananeraie, n’importe qui peut la faire (il suffit d’arroser). C’est ainsi que les hommes et les femmes ont trouvé un accord et ils ont travaillé ensemble dans les groupements de Kabiline et autour.

Les hommes se disent maraîchers, mais en réalité c’est les femmes qui tiennent à coeur ces activités de maraîchage. Les hommes sont là pour apporter du bois pour la clôture et éventuellement des travaux qui demandent un peu de force. D’ailleurs tu peux aller dans un village, où les hommes se disent tous membres de l’association qui a comme activité principale le maraîchage et tu vois seulement 2 pour cent d’hommes dans le bloc maraîcher ! Dans la société diola, voire même africaine, la femme a vraiment un pouvoir très limité. Même quand on disait aux femmes de siéger pour prendre des décisions, elles disaient chaque fois aux hommes : "écoutez, si nous vous avons associés c’est parce que nous savons que nous ne pouvons pas faire le travail à nous seules". C’est pourquoi l’association a jugé nécessaire de constituer deux bureaux parallèles. D’un côté, le bureau de l’association où le président est un homme, le secrétaire adjoint est une femme, le trésorier général est un homme, la responsable de la cellule féminine est une femme. Et à côté de cela, nous avons un bureau de femmes, uniquement de femmes, où il y a une présidente des femmes et deux animatrices chargées d’accompagner la présidente dans ses tournées et dans ses activités parce que la présidente n’est pas instruite. On a tenté plusieurs fois de dire aux femmes, quand elles reçoivent un financement : "c’est un financement pour les femmes et c’est à vous de dire à quoi cela va servir". Mais, malheureusement tout est revenu chaque fois à la décision des hommes. Cependant, en 1992 l’association a bénéficié d’un crédit par la fédération FONGS de 600.000 CFA (12.000 FF à l’époque). Les hommes se sont dit : "Les gens ont toujours dit que les hommes se mêlent souvent dans les questions de femmes. Essayons pour cette fois-ci, de laisser tout le programme à la charge des femmes pour voir quel sera le résultat final". Là, les femmes ont vraiment échoué ; elles ont mené des activités de petit commerce, des activités de teinture, de couture et par la suite il n’y avait pas de résultats satisfaisants. C’est aussi pour cela que les femmes disent encore aujourd’hui aux hommes à chaque fois : "aidez-nous à faire ceci, aidez-nous à faire cela". Quelques fois quand elles siègent entre elles, elles font appel aux hommes en disant : "on veut faire ça" et les hommes acceptent. Et il y a parfois des cas où les hommes prennent des décisions que les femmes rejettent. Par exemple, elles avaient reçu un fonds, les hommes ont dit que ce fonds devait pouvoir profiter à tous les membres de l’association. Elles se sont carrément opposées : "Il n’en est pas question ; c’est un fonds de crédit-femmes". Aujourd’hui, toutes les femmes dans les associations ne savent pas concrètement leur rôle, mais celles qui savent leur rôle participent à la prise des décisions. Ceci est dû au taux considérable d’analphabètes chez les femmes. C’est pourquoi l’association a mis l’accent sur l’alphabétisation fonctionnelle des femmes".

Palabras claves

organización campesina, mujer, alfabetización, género, crédito, sector informal


, Senegal, Diouloulou

Comentarios

Notre interlocuteur, un homme, explique dans le détail comment une femme rurale, à partir d’un voyage dans une autre région du Sénégal, a été à l’origine de la création de l’association. C’est, en même temps, une analyse fine de la difficulté de voir les femmes prendre des responsabilités dans l’association "devant les hommes". De là est née une importante activité de l’association en matière d’alphabétisation des femmes.

Notas

Cette fiche est la deuxième d’une série de 4 fiche composées à partir d’un même interview de Pascal Mané.

Entretien avec MANE, Pascal réalisé à Diouloulou en juillet 1998.

Fuente

Entrevista

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - Francia - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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