10 / 2001
Sara Diouf, Coordinateur de la Coordination des Acteurs de Développement (CAD) de Fissel et Secrétaire Général de l’association Jig-Jam estime ainsi les facteurs de réussite de ce "cadre de concertation" :
"Le succès vient des acteurs eux-mêmes, en particulier des suivants :
1. Les responsables politiques
Ce sont des gens ouverts et très engagés pour le développement. Le président de la Communauté Rurale (CR) est un acteur de développement à 100 pour cent.
2. Les associations
Une émergence forte d’organisations paysannes, telle que Jig-Jam et d’autres. L’opportunité de la présence au Sénégal de l’association des Amis de Romilly et d’autres structures (ATB, Jeunesse et Développement, Comités de santé, etc.). D’un côté, ce foisonnement est un atout pour relever les défis. Il a fallu arriver à regrouper les gens, à les rendre conscients. Une fois qu’ils se sont retrouvés, ils ont accepté de se déplacer ensemble. Tout à fait au début il y avait des contradictions d’idées, bien sûr, mais il y avait un engagement. Cela a permis très rapidement l’enrichissement mutuel ainsi que de rendre encore plus performantes les initiatives de chacun.
D’un autre côté, cela a rendu un peu difficile le choix d’orientations communes. Les associations ne sont pas issues du même tissu. Les Comités de santé sont organisés en une Union des comités de la santé. C’est tout. L’association des Amis de Romilly a une vocation "éducation et santé". Jig Jam s’engage davantage dans les activités génératrices de revenus, etc. Chacun son domaine. Entre ces diverses dynamiques jusqu’à la CAD, il n’y avait pas eu de collaboration. Jig Jam ne peut pas d’un coup les transformer, ne peut pas leur imposer une loi ou bien un regard autre. A maintes reprises on a dû reporter des réunions parce que les gens ne se sont pas trouvés en consensus sur un point donné. Alors on reprogrammait une autre réunion pour les faire revenir et commencer la réflexion sous une autre forme.
3. Des partenaires techniques prêts à nous appuyer dès le début
Le CIEPAC (Centre International pour l’Education Permanente et l’Aménagement Concerté) n’a jamais été de reste. Le GIAD également (un groupe d’initiatives de Dakar), qui, après le CIEPAC, nous accompagne. Ces partenaires ne nous ont jamais laissés. Au début, tout était fait avec eux. Maintenant que les gens ont pris conscience, on arrive à faire beaucoup de choses sans eux, on arrive même à monter des programmes sans qu’il y ait une intervention extérieure.
4. Des intellectuels
Les ressortissants habitant en ville ont eu l’idée de revenir, d’apporter leur contribution. Tous les gens qui gèrent l’association des Amis de Romilly sont des ressortissants qui travaillent à Dakar. Ils sont disposés à appuyer leur communauté.
Il y a aussi des intellectuels revenus. Malchanceux à Dakar, sans travail pendant longtemps, ils sont revenus et se sont casés au sein des structures déjà créées ou ont eu l’idée de créer d’autres structures. Cela a favorisé la collaboration. Ils ont vite eu à bénéficier de l’expérience des autres.
5. Des personnes compétentes responsables au niveau de la communauté, épaulées par des organisations (telle que la FONGS au niveau de Jig-Jam). Cette émergence de compétences a poussé les gens à s’organiser.
6. Des ex-fonctionnaires
Ils ont quitté la fonction publique pour revenir. On appelait communément cela le départ volontaire. Par exemple, des agents vétérinaires ont laissé l’administration et sont actuellement installés à Fissel comme éleveurs et comme vétérinaires privés au niveau rural.
7. L’Organisation Paysanne "Jig Jam" bien sûr.
Tout à fait au début, il n’y avait que Jig-Jam dans la Communauté Rurale de Fissel. C’était la première structure née vers les années 1980. Certaines nouvelles structures organisées actuellement ont tendance à ressembler à Jig-Jam. L’animation rurale dans laquelle Jig-Jam est née a évolué jusqu’à donner d’autres formes d’animation. Et maintenant, fort de cette expérience, les gens de Jig-Jam même ont créé d’autres approches. Par exemple, l’étude du premier plan de développement local a été faite par 10 animateurs de Jig-Jam. Ils parcouraient toute la CR pour l’élaborer.
Jig-Jam, on peut dire que c’est une école : si tu vas dans les villages, les groupements dynamiques sont le plus souvent des groupements membres de Jig-Jam. Les responsables de ces groupements-là sont souvent élus comme conseillers au niveau des villages pour se retrouver ensuite élus au Conseil de leur CR. D’un côté, cet accès au niveau des CR où se prennent l’ensemble des décisions a permis à Jig-Jam de transformer beaucoup de choses. D’un autre côté, cela a rendu un peu difficile parce qu’effectivement des gens avaient cette vision : "Attention, c’est Jig Jam qui veut avoir cela". Il y a eu un jeu de positionnement au moment de la mise en place de la CAD. Chaque structure se place : "Moi, je m’occupe de cela". Ce n’était pas dit par rapport à une vocation ou à des compétences, mais plutôt parce que chacun croyait que s’ il s’occupe de cela, il va gagner en terme d’image et de crédibilité. Heureusement que ceux qui ont encadré l’ensemble de ce processus-là ont eu le réflexe de continuer jusqu’à ce que les gens se retrouvent. Pour le moment, nous nous sommes retrouvés mais les problèmes ne manquent pas. Il me semble que, d’ici 20 ans, on aura toujours des problèmes; on devra alors se retrouver pour les régler et avancer !"
desarrollo local, solidaridad, poder, organización campesina, innovación
, Senegal, Fissel
Sara Diouf nous présente ici son analyse des facteurs humains de réussite de la CAD, des implications politiques aux volontés individuelles. L’interview montre en toile de fond que ce succès s’est aussi obtenu grâce à des outils de réflexion nouveaux entraînant des actions concertées et utiles sur le terrain. Ce succès ne va pas sans entraîner des jalousies et des conflits entre les différents acteurs, notamment envers Jig-Jam, mais ils permettront d’avancer encore, conclut optimiste notre interlocuteur.
Sara Diouf, secrétaire général de l’association paysanne Jig-Jam a été plusieurs fois interviewé afin que l’innovation qu’il décrit soit bien expliquée.
Voir aussi la fiche DPH n° : 7440.
Entretien avec DIOUF, Sara, réalisé en mars 1999, à Thiès (Sénégal).
Entrevista
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