De l’aide aux boat peoples à l’accompagnement des exclus des Monts du Lyonnais
Anne Sophie BOISGALLAIS, Anne Marie VEYRAC
03 / 2000
A la fin des années 70, les boat people arrivaient en France. Dans les monts du Lyonnais, plusieurs amis (instituteurs du public et du privé, prêtres, laïcs, athées…)ont créé une association locale pour l’accueil des réfugiés du sud-est asiatique et trois familles laotiennes furent accueillies dans ce canton. Les membres de l’association les ont aidés à s’installer en leur trouvant un logement, en les accompagnant dans l’apprentissage de la langue et dans le suivi des enfants scolarisés et en les aidant dans la recherche d’un emploi.
Par la suite, plusieurs membres de l’association d’aide aux réfugiés se sont impliqués dans l’association Solidarité Tiers Monde, tout en prenant conscience peu à peu des pauvretés cachées du milieu rural, des difficultés d’insertion et de l’isolement auxquels étaient confrontées les personnes arrivant de la ville. L’idée que les besoins n’étaient pas seulement dans les pays du tiers monde et qu’il fallait aider aussi les gens sur place s’est progressivement imposée. En 1988, des anciens membres de l’association d’accueil des réfugiés asiatiques se sont réunis avec des personnes de l’association Solidarité Tiers Monde pour fonder l’association Réseau entraide solidarité. Ses objectifs sont de rendre service à toutes les personnes dans le besoin, d’aider les gens à acquérir ce en quoi ils ont droit, de créer des liens dans le canton… A cette fin, l’association a mis en oeuvre divers moyens d’action.
Le réseau octroie des prêts en urgence pendant le délai administratif nécessaire pour obtenir des fonds de l’aide sociale. Il donne des bons alimentaires, qui sont remboursables sans délais et sans intérêts car ce principe est essentiel pour préserver la dignité des gens.
La friperie fonctionne sur le même mode. Les gens paient ce qu’ils achètent, même si le coût est minime. Le but est de considérer les individus comme des partenaires et de les aider dans la phase qu’ils traversent. Pour pallier les problèmes de mobilité des personnes en difficulté, et leur permettre de se déplacer, notamment pour chercher du travail, le réseau prête des mobylettes, moyennant un loyer de 300 F par mois, ou les vend à crédit, les gens remboursant quand cela leur est possible.
Avec d’autres associations (comme Déprim’espoir), le réseau organise aussi des fêtes au mois de janvier de façon à rompre l’isolement des personnes en difficulté, ainsi qu’une bourse aux jouets, qui fonctionne grâce aux dons de jouets collectés parmi les familles. Réparés et nettoyés, les jouets sont revendus entre 2 et 60 F lors de deux samedis de décembre. Les membres du collectif se sont aperçus que certaines familles ne pouvaient offrir des jouets à leurs enfants qu’à ces conditions financières très avantageuses.
Pour toutes ces transactions, le réseau collabore avec les travailleurs sociaux, car il s’interdit de réaliser toute enquête sociale, mais souhaite faire profiter de ces conditions particulières des personnes qui en ont vraiment besoin.
En 1998, les membres du Réseau Entraide solidarité se sont rendus compte que beaucoup de personnes dans le canton étaient victimes de racisme. Les élections avaient mis à jour une forte progression du Front National, tandis que les « incidents » à teneur raciste se multipliaient.
Désireux d’agir pour enrayer cette montée d’intolérance, le Réseau entraide solidarité a organisé quelques soirées débats sur le thème « Comment s’enrichir de nos différences ? " puis a fait appel à tous les acteurs de la société prêts à réfléchir aux moyens de lutter contre ce phénomène. A cet effet, le Réseau entraide solidarité, des centres sociaux, l’association Peuples Solidaires, des catéchistes et des parents d’élèves ont fondé le collectif Vivre ensemble.
Vivre ensemble a organisé plusieurs types d’action : le collectif a proposé d’abord une conférence donnée par le directeur de l’institut des droits de l’homme de Lyon sur le thème : « L’exclusion et la montée de l’extrême droite ». Pour sensibiliser les jeunes au problème du racisme, une valise pédagogique a circulé dans les écoles primaires tandis que des recherches ont été faites avec des bibliothèques pour proposer certains supports aux écoles (Astrapi sur le droit à la différence…). Le film de Begnini « La vie est belle » a été projeté et suivi d’un débat dans plusieurs collèges. Un cinéma itinérant diffusant ce film a également circulé dans le canton, toujours accompagné d’un débat.
Par ailleurs, le collectif Vivre ensemble a fait passer dans divers collèges le livre « Le racisme expliqué à ma fille » écrit par Tahar Ben Jelloun. Il est, en effet, fondamental de lutter contre l’injustice et contre le préjugé selon lequel ce qui est différent est mauvais. Il faut donner un autre enseignement aux jeunes qui sont encore capables de changer de regard.
Au terme d’un an de mobilisation et de vulgarisation, le collectif pensait arrêter son activité, mais il a été sollicité dans l’aide aux Kosovars pendant la guerre de mars à juillet 1999. Outre la collecte de denrées alimentaires et de vêtements qui existait par ailleurs, le collectif a alors pris contact avec des foyers qui recevaient des Kosovars à Lyon, et a organisé avec eux une journée d’accueil et d’amitié dans les monts du Lyonnais. Les membres du collectif ont fait visiter une ferme et une miellerie aux réfugiés kosovars. Ils ont pu ensuite se rendre à la friperie du réseau et choisir gratuitement des vêtements pour une valeur de 50 Francs par personne. L’après midi de cette journée d’accueil, a eu lieu un match de foot, tandis que les femmes kosovars ont préparé un plat traditionnel que tous ont partagé le soir. Ces journées ont permis de se rencontrer, de mieux se connaître et de créer des liens.
A l’heure actuelle, le collectif n’a plus d’action, car il se mobilise en fonction des besoins et selon l’actualité, mais chacun sait qu’il y a un réseau toujours prêt à se mobiliser. Le Réseau entraide solidarité, quant à lui, poursuit au quotidien ses actions d’appui aux personnes en difficulté.
refugiado político, lucha contra la marginación social, acompañamiento social, población rural, vida asociativa, crédito
, Francia, Rhône-Alpes
Le souci de l’accueil qui caractérisent ces deux associations les a fait passer d’une action au niveau international à une prise de conscience des « pauvretés cachées du milieu rural ». Leurs actions vont à l’essentiel : recherche d’un logement et/ou d’un emploi nourriture, vêtements… Ces actions sont construites en lien avec un réseau drainant des compétences tant professionnelles que bénévoles. Elles sont axées sur la participation des personnes en difficulté qui « paient ce qu’elles achètent » même si le coût est minime.
Entrevista ; Actas de coloquio, encuentro, seminario,…
Texte issu d’un témoignage écrit de Marie-Claude Terrier.
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