Sonia BEN MESSAOUD, Suzanne KALA LOBE
04 / 2001
Dans les sociétés traditionnelles, la communication institutionnelle se faisait par les hommes. J’entends par communication institutionnelle, les nouvelles qui sont transmises de chefferie en chefferie, les annonces des invités, éventuellement des délégués des chefs dans les villages et d’autre part les personnes qui étaient initiées pour interpréter le tam-tam et transmettre le message à la communauté étaient des initiés hommes essentiellement. Les femmes s’occupaient des nouvelles familiales, par exemple quand il s’agissait d’annoncer une mort, une femme partait avec une cloche en bronze, faisait un tour dans le quartier pour annoncer les obsèques.
Cette communication est marginale par rapport à la communication institutionnelle. Ce sont les hommes qui gardent le tam-tam. Par ailleurs, les femmes n’occupent pas l’espace public dans la société traditionnelle, donc elles sont forcément exclues de la communication institutionnelle. Avec l’administration coloniale et l’alphabétisation dans une langue européenne, les femmes sont prioritairement privilégiées quand elles sont instruites dans la langue du colonisateur vers des professions dont l’administration coloniale avait besoin, à savoir, des professions de bureau, prioritairement d’enseignement et des professions médicales. Jusqu’à la fin de la colonisation, c’est-à-dire à la fin des années 1950, les femmes étaient exclusivement réservées pour ces professions.
Vient l’indépendance, une certaine modernité qui veut que désormais, il y ait une radio nationale, un journal qu’on appelait ’ La presse du Cameroun ’, écrit en français, avec essentiellement des journalistes français et quelques nationaux, qui très vite, à la fin des années 1940, début des années 1950, se sont consacrés au travail d’écriture journalistique. A l’indépendance, les premières générations de femmes journalistes sont formées pour la radio essentiellement. Commencent à émerger les pionnières du journalisme féminin et petit à petit, des femmes commencent à s’investir, à être des animatrices.
Au début des années 1970 est créée au Cameroun une école supérieure de journalisme. A ce moment-là, la plupart des femmes qui sont majoritaires dans les filières littéraires vont rentrer massivement dans l’école de journalisme. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, beaucoup de jeunes femmes vont entrer à l’école et le lot de femmes qui vont être impulsées dans le journalisme radiophonique et plus tard à la télévision va être très important. Par contre, dans la presse privée qui naît au milieu des années 1970, il n’y a pas de femmes, parce que la presse privée est une initiative privée. Ce ne sont pas des institutions établies, c’est assez nouveau et des métiers à risque au niveau salaire. Il n’y a pas beaucoup de femmes qui vont s’investir dans la presse écrite privée. Par contre, quelques femmes commencent à rentrer dans la presse officielle écrite, mais il n’y en a pas beaucoup.
Viennent ensuite les années 1990, l’explosion des médias privés, mais là aussi il y a très peu de femmes. Mais elles commencent à émerger, car l’ouverture démocratique fait en sorte qu’il y a un besoin d’expression. Comment se passe l’installation des femmes dans les institutions des médias, notamment dans les médias officiels, où elles occupent des fonctions publiques, où elles sont, soi fonctionnaires, soi agent de l’Etat ? L’accès de la femme au sein de l’institution est soumise à des aléas divers. Lorsqu’on fréquente le milieu des femmes journalistes, quand elles sont dans la presse officielles, particulièrement à la CRTV, où il y a beaucoup plus de femmes, que ce soit à la radio ou à la télévision, la promotion de ces femmes dans ces institutions officielles n’est pas claire. Ce qui veut dire que d’une manière générale, les femmes sont brimées. La réponse de ces institutions est que les femmes sont moins disponibles parce que la profession des médias demande une disponibilité presque 24H sur 24 et qu’il est difficile de demander à une femme mère d’enfant d’aller attendre à l’aéroport, jusqu’à une heure du matin, l’avion présidentiel qui arrive, ou d’aller produire un congrès politique qui lui demandera d’être sur place 24H sur 24. Les femmes vont présenter le journal, mais peu de femmes vont diriger un magazine politique, parce qu’un homme va mieux s’en sortir, dit-on.
Quel type d’émission et quelle image a-t-on donnés de la femme dans les médias ? Avec la démocratisation, la fin de la discrimination politique envers les femmes dans les années 1990, il y a eu un éveil qui a eu aussi un impact réel parmi les femmes journalistes qui commencent à s’organiser, mais n’ayant pas cette culture de la situation, elles sont toujours enfermées dans des émissions de femmes. Quelle conséquence pour l’image de la femme ? Dix ans après le multipartisme, après la liberté des femmes et le droit des femmes, l’image de la femme reste négative dans les médias camerounais. Certains journalistes ont tenté de faire des émissions autour des droits des femmes et lorsque les femmes ont parlé des femmes battues, on a interpellé chaque femme individuellement en leur disant « Mme X, vous n’êtes pas mariée, comment pouvez-vous parler des violences conjugales, Mme Y, si un homme vous tape qu’est-ce que cela peut faire ? » Si bien que l’on est arrivé à une situation où les femmes qui menaient les luttes ont été culpabilisées et souvent avec une complicité ou plutôt un silence que je juge coupable du Ministère de la Condition Féminine qui n’a pas été assez pugnace pour défendre l’image des femmes dans les médias.
Par ailleurs les femmes ont été souvent diabolisées. Je prends un exemple célèbre : en 1983, une femme a été accusée d’avoir tué son mari. Le nombre de femmes qui ont été insultées, y compris dans les médias, est énorme. La même violence ne s’est jamais exercée contre les hommes dans des situations identiques. La première intervention radiophonique du Ministre de la Condition Féminine a été de dire en 1996, « n’ayez pas peur, je ne veux pas combattre les hommes, je suis là pour faire ce qu’on me demande de faire, mais je ne suis pas là pour combattre pour les femmes ».
Le combat des femmes, à l’heure actuelle, n’est pas encore intégré dans les médias. Il y a une insuffisance ou des faiblesses dans la formation des femmes journalistes dans les questions de genre et pouvoir, une absence de solidarité entre femmes qui est souvent décriée dans les institutions médiatiques et une incapacité d’organisation pour qu’il y ait un observatoire sur l’évolution de l’image des femmes dans les médias, un observatoire, qui serait pris en main par les femmes des ONG par exemple, et aussi les femmes journalistes qui gèrent au quotidien des informations qu’on doit livrer au Cameroun.
legitimidad del poder, discriminación de las mujeres, influencia de los medios de comunicación, mujer, comunicación, periodismo
, Camerún
Dans le débat qui suit, l’assemblée recommande que soit développée l’information de proximité avec des radios rurales et des émission en langues nationales ; une meilleure collaboration entre la presse et les ONG de femmes ; une solidarité accrue entre les femmes de média ; de sensibiliser les femmes des médias aux question du genre ; de créer un observatoire de l’image de la femme dans les médias.
Intervention lors du débat sur le thème « femme et pouvoir en Afrique » organisé au Cameroun lors du passage de la Caravane Africaine pour la paix et la solidarité (2000).
Actas de coloquio, encuentro, seminario,…
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