Présentation de la société Alliage
12 / 1999
Les industriels, qui réduisent constamment leurs budgets de recherche interne, souhaitent pouvoir s’appuyer davantage sur la recherche publique ; de son côté, celle-ci est vivement encouragée à valoriser ses résultats à travers des partenariats plus étroits avec l’industrie. Mais il semble pourtant difficile d’organiser une véritable coopération entre les uns et les autres.
Daniel Kaplan, après avoir été chercheur au CNRS et dirigé des laboratoires industriels, a fondé la société "Alliage" destinée à répondre aux problèmes que rencontrent ces partenariats.
Selon lui, la principale difficulté consiste à trouver un chef de projet, sans qui l’industriel ne se lancera pas dans l’aventure, car il a besoin de pouvoir s’adresser à quelqu’un qui soit véritablement responsable du projet. Or le profil du chef de projet idéal est plutôt rare : sa formation dans la recherche doit le rendre légitime vis-à-vis des acteurs universitaires, et son ancienneté dans l’entreprise ainsi que son âge lui permettre d’avoir une réelle conscience des objectifs et des problèmes à traiter, sans parler de ses compétences relationnelles et de ses qualités personnelles. Mais les ingénieurs de recherche ayant ce profil et cet âge ne voient généralement aucun intérêt de carrière à assumer ce rôle de chef de projet.
Une autre difficulté consiste à trouver dans les laboratoires publics des chercheurs expérimentés qui acceptent de s’investir sur le projet ; en général seuls des thésards acceptent de se lancer dans l’aventure : la carrière académique est aux yeux des chercheurs confirmés beaucoup plus valorisante qu’une carrière tournée vers l’industrie.
De ce fait, les partenariats existants concernent le plus souvent soit des activités de sous-traitance (l’industriel utilise le laboratoire pour une sous-traitance de mesure, par exemple, mais il ne s’agit pas réellement d’une opération de recherche), soit des projets dont les objectifs sont flous et qui ne débouchent sur rien de précis.
Très souvent aussi, les industriels, quelque peu méfiants, décident d’explorer deux pistes en parallèles : leurs propres services travaillent sur un projet, un laboratoire partenaire travaille sur un projet différent, avec le même objectif, pour "assurer les arrières". Ce dispositif produit souvent des effets pervers, notamment une compétition inavouée entre les deux équipes : l’équipe industrielle ne fournit pas nécessairement tous les renseignements nécessaires, et faute d’une réelle collaboration, les projets universitaires ne donnent généralement pas les résultats attendus.
Selon D. Kaplan, la seule solution est de travailler en série et non en parallèle, en confiant au laboratoire universitaire une étape indispensable dont tous auront besoin qu’elle réussisse.
La phase exploratoire peut se faire à l’extérieur de l’entreprise, à condition qu’un dispositif efficace de transfert de compétences vers les chercheurs industriels soit créé.
L’invention proprement dite est plutôt du ressort de l’industriel, plus directement tourné vers l’objectif : les industriels cherchent à obtenir un résultat, quand les universitaires cherchent surtout à le comprendre.
La réponse aux questions précises qui doivent être résolues pour commencer le développement de l’invention peut avantageusement être confiée à la recherche universitaire, justement tournée vers la compréhension des phénomènes.
La création de la société "Alliage" s’est fondée sur cette analyse : la société fournit un chef de projet répondant au profil défini par D. Kaplan, recrute en CDD des chercheurs supplémentaires lorsqu’il n’est pas possible de disposer de chercheurs éprouvés au sein du laboratoire public, organise la collaboration entre l’industriel et le ou les laboratoires associés en mobilisant celui des partenaires qui peut être le plus efficace à chaque étape d’avancement du projet, assure la transmission des compétences à l’intérieur de l’entreprise après avoir identifié les personnes concernées, et veille à la bonne utilisation des ressources en matériel du ou des laboratoires, ce qui évite à l’entreprise des frais inutiles. En amont du projet, la société "Alliage" aide l’industriel à mieux définir sa demande : les demandes mal formulées sont responsables de beaucoup d’échecs. Il arrive d’ailleurs que ce diagnostic initial suffise à résoudre le problème ; dans ce cas, "Alliage" se fait rémunérer pour cette "étude de l’étude".
Le laboratoire, outre le contrat qu’il signe avec l’industriel, conserve la propriété des équipements supplémentaires nécessités par la recherche, et affermit sa légitimité à l’égard de sa tutelle. Les jeunes chercheurs embauchés (en général de niveau post-doctorat)acquièrent une expérience professionnelle qu’ils peuvent valoriser pour trouver des postes dans la recherche industrielle.
A terme, D. Kaplan espère contribuer à ce que la fonction de chef de projet d’opérations de recherche publique dans l’industrie puisse être reconnue comme un vrai métier et attirer des candidats ; on peut cependant craindre que son profil soit plutôt rare : peu de chercheurs aussi renommés que lui accepteraient de jouer le rôle modeste d’un chef de projet.
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, Francia
La réflexion sur la façon dont les savoirs peuvent être mobilisés pour le développement et le progrès est au cour de l’activité de la FPH. Cet exposé a le mérite de montrer comment une synergie qui serait manifestement très fructueuse pour tous bute sur des problèmes de gestion concrète des carrières et des projets, qui ne sont pourtant apparemment pas insolubles, à condition d’être traités comme tels. De nombreux débats de l’Ecole de Paris du Management montrent qu’il est parfois plus utile de se concentrer sur de modestes problèmes de gestion ou d’organisation que de faire appel de façon incantatoire à la bonne volonté ou au bon sens des différents partenaires.
Actas de coloquio, encuentro, seminario,… ; Artículos y dossiers
KAPLAN, Daniel, CLAES, Lucien, Faire vraiment coopérer chercheurs et industriels - séminaire 'Ressources technologiques' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1998 (France), IV
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