Un produit frais équitable dans la grande distribution
04 / 1998
Aujourd’hui, il semble acquis pour la plupart des acteurs du commerce équitable que la croissance du mouvement passe par une collaboration accrue avec la distribution classique. Ceci permettrait d’atteindre des consommateurs potentiellement intéressés par les produits équitables, mais qui ne vont pas pour autant dans des boutiques spécialisées.
Un marché important
Le cas de la banane est intéressant car ce fruit est principalement vendu par la grande distribution (plus de 70 % des marchés français et anglais). Il est aussi très consommé en Europe : c’est le fruit le plus acheté en Allemagne, le troisième en France (derrière les pommes et les oranges).
Six entreprises multinationales sont présentes sur le marché mondial de la banane et assurent 96 % des exportations (Chiquita 30 %, Dole 22 %, Fyffes 18 %, Delmonte 15 %, Noboa 6 %, Pomona 5 %). En situation d’oligopole, elles se voient reprocher d’encourager des productions non respectueuses de l’environnement et des droits sociaux des travailleurs, mais avantageuses en terme financier car la banane est, derrière le café, le deuxième produit tropical exporté dans le monde.
Ainsi, à la suite des Pays-Bas et de la Suisse, des bananes produites de façon équitable ont été introduites en novembre 1997 en Belgique par Max Havelaar. Les pays fournisseurs sont le Ghana, l’Équateur, la République Dominicaine et le Costa Rica.
Une nouveauté dans la gamme des produits équitables
Il s’agit d’un produit frais, ce qui implique de fortes contraintes de contrôle de la qualité et d’écoulement rapide. Pour la première fois, Max Havelaar travaille avec des plantations et non plus seulement avec des coopératives de petits producteurs. Ceci suppose que les plantations concernées permettent la création de syndicats et, grâce au prix payé plus élevé, s’engagent à améliorer les conditions de travail de leurs employés. Enfin, le prix de vente proposé pour ce fruit sera équivalent à ceux des produits issus d’un système de production conventionnel.
Un produit soumis à la concurrence...
La banane labellisée Max Havelaar démontre la viabilité du commerce équitable en tant qu’alternative au commerce conventionnel, même par rapport à des produits très compétitifs comme ceux des multinationales. C’est actuellement la seule solution car le système d’importation des bananes dans l’Union européenne ne laisse pas la possibilité aux bananes équitables de bénéficier d’un quota spécifique. Et les bananes d’Amérique latine sont soumises à un quota d’importation qui touche indirectement les petits producteurs qui dépendent des grandes entreprises pour leurs exportations.
... et respectueux des conditions de production
Si les bananes équitables satisfont aux critères classiques du commerce équitable quant aux conditions de travail des ouvriers sur les plantations, elles doivent également remplir des obligations concernant l’environnement :
- protection des régions naturelles et en particulier de leur biodiversité en limitant de fertilisants chimiques et en développant des zones non cultivées autour des bananeraies. La promotion de la diversification des cultures devrait aussi permettre de limiter l’extension des zones cultivées, agressives pour le reste de l’environnement, voire à la source de phénomènes d’érosion dévastateurs ;
- prévention de la pollution des eaux par les produits fertilisants organiques et synthétiques mais aussi par les produits nettoyants, les eaux usées... ;
- diminution, voire interdiction, de l’utilisation des pesticides, herbicides et des engrais chimiques qui devront être remplacés par des traitements organiques. De plus, des précautions d’épandage doivent être prises (âge de l’épandeur, proximité d’habitations, délais d’application);
- les sols doivent faire l’objet d’une surveillance de leurs caractéristiques bio-physico-chimiques afin d’évaluer la " soutenabilité " du mode de culture mis en ouvre ;
- diminution et recyclage des déchets, comme les sacs plastiques ou les déchets de la plante, qui doivent être entreposés méthodiquement ou faire l’objet d’un programme de recyclage.
Ces conditions supplémentaires rendent l’initiative de Max Havelaar assez ambitieuse. En effet, on a alors des produits verts, à défaut de bananes vraiment biologiques comme celles de la République Dominicaine. Outre l’impact positif sur l’environnement, c’est un bien pour les ouvriers. Car l’utilisation massive de pesticides dans les bananeraies a, depuis longtemps, été signalée comme étant la cause de problèmes de santé pour les travailleurs : stérilité, diverses formes de cancers, d’affections et même de malformations chez les nouveau-nés.
Un lancement savamment orchestré
Les risques commerciaux sont sans doute à la hauteur de l’enjeu socio-environnemental. Pour les limiter, le lancement de ce nouveau produit en Belgique a fait l’objet d’une campagne méthodiquement orchestrée. Outre la diffusion d’une information large auprès des sympathisants, il y a eu des communiqués et conférences de presse dans lesquels furent présentés la situation de la filière banane, les caractéristiques de la banane Max Havelaar, et plus généralement les buts et les moyens du commerce équitable. La campagne a fait l’objet d’une inauguration lorsqu’un ouvrier d’une plantation ghanéenne a remis au premier ministre belge les premières bananes certifiées Max Havelaar.
Des résultats encourageants
Aujourd’hui cette banane a conquis 1,5 % du marché belge et l’objectif des 3 % à la fin de 1998 semble réalisable. Quoique pas très rentable, la grande distribution accepte de faire l’effort de commercialiser ce fruit. Cependant, la visibilité sur les étalages des supermarchés reste parfois médiocre. Il est intéressant de noter que le commerce de ces bananes, plutôt que d’entraîner une politique de dumping de la part des multinationales, a créé un certain mimétisme. (Chiquita et sa banane Eco-OK).
Il n’y a pas forcément unanimité autour de la banane Max Havelaar dans le mouvement équitable. On trouve des positions plus critiques vis-à-vis du système actuel du commerce tandis que Max Havelaar en suit principalement les règles. Mais, il ne faut pas négliger que la banane procure un revenu pour 3 à 4 millions de travailleurs et pour leurs familles. Il n’en reste pas moins cependant que sa production et sa commercialisation entraînent des coûts sur le plan énergétique (intrants, transports, conservation)beaucoup plus importants que ceux engendrés par les fruits tempérés.
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, Europa
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