Certaines multinationales ont eu (ou ont)des comportements condamnables : participation à des conflits armés, provocation de grandes catastrophes écologiques ou sociales... Certes les profits sont considérables mais les conséquences sont parfois dramatiques. Ce constat a fait naître le besoin de concilier logique économique et éthique. Des citoyens, en achetant des actions, obtiennent le droit de participer aux assemblées générales des entreprises et ainsi de poser des questions écrites aux conseils d’administration. Au sein même des entreprises, les actionnaires peuvent donc avoir une influence et orienter de l’intérieur les comportements et les décisions des entreprises. Aux États-Unis, en 1941, des investisseurs ont critiqué la stratégie de Standard Oil qui vendait du pétrole à l’Allemagne hitlérienne. Dès 1942, une nouvelle réglementation permet aux actionnaires américains réunis en groupements de proposer des résolutions au vote des assemblées générales.
Des groupements d’actionnaires
En Suisse, la CANES, Convention d’Actionnaires de Nestlé, créée en 1981, a protesté, entre autre, avec vigueur contre l’exportation de lait en poudre dans les pays du Tiers Monde et la publicité qui en était faite. De nombreux nourrissons furent victimes de ce lait dilué dans de l’eau polluée.
Aux Etats-Unis, depuis le début des années 80, Nike le fabricant de chaussures, fut très critiqué de la part de certains de ses actionnaires lors des assemblées générales. Ceux-ci reprochaient les bénéfices exorbitants faits par l’entreprise grâce à l’exploitation d’une main d’ouvre asiatique. Les salariés étaient souvent moins payés que le salaire minimum légal du pays. Quelques millions de dollars de plus auraient permis de mettre les salaires au niveau légal alors que l’entreprise payait des milliards de dollars pour sa publicité. L’action de ce groupe d’actionnaires fut relayée par les consommateurs et les médias. En 1992, après de nombreuses années de lutte et afin de sauver son image de marque, Nike a dû réagir en adoptant un code de conduite mais les progrès restent très insuffisants et les actions se poursuivent pour obliger l’entreprise à changer de comportements.
On pourrait aussi citer les contestations émises par des actionnaires citoyens de Dow Chemical, lors de la guerre du Vietnam, contre la fabrication de napalm. Récemment, c’est encore un groupe d’actionnaires qui a imposé à Procter et Gamble d’abandonner l’usage du chlore pour blanchir le papier.
Des centres d’observation et de conseils
A la suite de ces groupements d’actionnaires se sont développés des centres indépendants chargés de gérer les informations sur les entreprises et de les rendre accessibles à un grand public (actionnaires, investisseurs, salariés, journalistes). CANES a ainsi créé Centre Info, Centre d’Information sur les multinationales suisses. Aux Etats-Unis, l’ICCR, Interfaith Center on Corporate Responsibility, qui gère un important portefeuille d’actions, travaille à la rédaction de résolutions à caractère éthique pour les assemblées générales des entreprises dont ses membres possèdent des actions.
En France, un observatoire sur les activités des entreprises a récemment vu le jour. Le CFIE, Centre Français d’Information sur les Entreprises, publie une lettre bimestrielle Impact Entreprises. Son champ d’actions couvre les aspects sociaux et environnementaux des sociétés dont il a acquis des actions afin de pouvoir siéger aux assemblées générales. Ainsi, il peut poser des questions aux conseils d’administration. Son panel d’études concerne en particulier : Rhône-Poulenc, Lyonnaise des Eaux, Total, Vivendi (anciennement Générale des Eaux), Elf, Alcatel, Bouygues, Peugeot, Renault.
Des sondages auprès des entreprises françaises
L’actionnariat responsable est une vieille histoire aux Etats-Unis et dans la plupart des pays anglo-saxons. Il bénéficie d’un large consensus de la population, même s’il ne s’agit que de réformer le système libéral et non d’une remise en cause fondamentale.
En France, il n’en est pas de même. Les résultats d’un sondage effectué auprès d’actionnaires individuels et des membres de la direction des 120 premières entreprises cotées en bourse ont été publiés dans le Journal des Finances, en septembre 1995. Ils indiquent que 80 % des actionnaires individuels souhaitent la mise en place d’un comité consultatif d’actionnaires au sein des sociétés alors que 59 % des dirigeants ne l’estiment pas nécessaire. Les présidents des conseils d’administration (qui sont aussi directeurs-généraux) pensent en majorité que la présence aux conseils d’administration des actionnaires individuels est inutile car ils sont représentés dans leur ensemble par les administrateurs. En opposition à cette opinion, les membres de la direction estiment généralement que des comités spécialisés seront nécessaires comme gage de la bonne circulation de l’information et de la transparence des activités des entreprises.
Pourtant les résultats de ce sondage indiquent qu’en France progresse l’idée d’un fonctionnement plus démocratique des instances dirigeantes. Cette amélioration est confirmée par un autre sondage, dont les résultats sont parus dans Investir, en 1997. Pour le CFIE, c’est un préalable nécessaire à la discussion sur les politiques sociales et environnementales des entreprises.
Actionnariat responsable et culture française
Comment peut-on expliquer le retard de la France dans la mise en place d’un actionnariat responsable ? Les freins culturels et administratifs sont nombreux. Les Français ne croient pas trop à l’efficacité de telles actions et ils sont réticents à prendre parti dès qu’il y a des questions d’argent et de profit (la tradition catholique du pays en est-il un élément d’explication ? ). Ils ont une culture économique assez faible et connaissent mal le fonctionnement des grandes entreprises. Quant à la législation et à l’administration, elles cherchent plutôt à freiner toute action qui pourrait entraver la bonne marche de l’entreprise.
Pour améliorer la situation, il faudrait mettre en place une réelle information des petits porteurs pour qu’ils sachent plus précisément le rôle d’un conseil d’administration et les possibilités des actionnaires. Ainsi on intégrera une nouvelle responsabilité dans la culture économique.
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Artículos y dossiers
ARONSSOHN,Daniel, Les citoyens americains à l'assaut des multinationales et actionariat citoyen, 1998/02, Les citoyens américains à l'assaut des multinationales et Actionnariat citoyen : l'exception française par Daniel ARONSSOHN, deux articles parus dans Alternatives Économiques, n°156, février 1998, p. 52-56. Nestlé. Quand les actionnaires s'engagent par Antoine DUCHEMIN, article paru dans Courrier de la Planète, n°37, novembre-décembre 1996, p. 40-41. Corporate Governance et capitalisme à la française, synthèse CIEC. Pour plus de renseignement contacter : Martial COZETTE, Centre Français d'Information sur les Entreprises, CFIE, 19 rue des Trois Frères, 75018 Paris, France. Tél. /Fax : (33)01 40 36 49 49.
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