Des participants motivés par des objectifs et une méthode
12 / 1998
J’étais invitée à participer à une rencontre européenne, organisée par le CREAT -Comité de Réflexion des Etudiants en Agronomie de Toulouse- à Toulouse (France)en mai 1992. pour élaborer une convention étudiante sur "La responsabilité des technologies dans les déséquilibres planétaires". Un des points émergent dans la convention était d’organiser une rencontre similaire dans un pays du Sud. Avec 3 de mes amies, nous avons décidé de porter la même expérience en Algérie pour l’année suivante.
Situation en Algérie en 1992 : crise politique et sociale, menaces du terrorisme, assassinat d’intellectuels et d’hommes politiques... Ce n’était donc pas le bon moment pour une telle manifestation. Mais nous savions qu’il fallait absolument la faire là. Cette rencontre internationale devait rassembler près de 200 participants pendant 12 jours à Oran.
Le thème de la rencontre était adapté aux problèmes environnementaux et sociaux vécus par l’Algérie. les sous-thèmes proposés étaient : désertification, pollution, démographie et biodiversité. Objectifs : la mise en place d’un réseau international d’étudiants et de jeunes professionnels sur l’environnement et le développement ; la mise en place d’une organisation de jeunes en Algérie pour la protection de l’environnement ; une réflexion collective pour une mobilisation des jeunes sur des questions importantes à la survie de notre planète.
Pour les raisons dites plus haut, nous ne pouvions pas créer une association agréée. Nous avons donc demandé à être domiciliés à la Société d’Histoire Naturelle d’Afrique du Nord. Nous nous sommes donnés la dénomination de "Comité de Réflexion des Etudiants Algériens".
La préparation de cette rencontre a duré plus d’un an, durant lequel nous avons recherché les financements, les participants et les intervenants, et travaillé autour de la méthodologie et de son organisation.
Nous voulions que cette manifestation soit originale et constructive pour les participants étrangers et algériens. A travers cette démarche, nous voulions donner la possibilité aux participants d’établir des liens durables et de confiance. Pour cela, nous avons favorisé la démarche de travail à distance entre les participants étrangers et les différents animateurs des ateliers durant toute l’année d’organisation.
Dans notre entourage estudiantin, nous avons pu mobiliser une vingtaine de personnes qui ont accepté de faire partie du groupe moteur. D’autres organisations de jeunes se sont impliquées au fur et à mesure. Pour les participants étrangers, nous avons utilisé l’annuaire élaboré lors de la rencontre de Toulouse et impliqué d’autres jeunes, par la méthode "boule de neige". Une condition : qu’ils soient familiers voire compétents dans les sujets proposés. La plupart étaient étudiants, certains étaient impliqués à l’échelle locale dans des organisations ou des clubs étudiants.
Malgrès l’instabilité du pays, aucun n’a refusé l’invitation. C’est essentiellement l’esprit "découverte" qui les a motivé à venir. Certains ont apprécié cette nouvelle méthode de travail préparatoire à distance et d’implication réelle des gens dans l’organisation même de la rencontre.Une centaine de jeunes de 14 nationalités étaient impliqués.
Pour éviter le système séminaire classique, nous avons demandé aux intervenants de rester pendant toute la durée de la rencontre et de ne pas faire de discours spécialisé. Ils étaient plutôt sollicités en tant que supports experts pour répondre aux questions des jeunes. Suzanne Georges, Pierre Rabhi, Nicole Bounaga, Pierre Calame, R.A Brac de la Perrière ont accepté de jouer ce rôle, sans per-diem ni rémunération.
Avant la tenue de la rencontre internationale en septembre 1993, deux rencontres nationales préparatoires ont eu lieu à Alger, qui avaient pour objectifs de mobiliser d’autres jeunes et de faire le point sur l’état d’avancement de l’organisation de la rencontre. A chacune d’entre elles, un participant étranger était invité.
La rencontre internationale a eu lieu dans un complexe réunissant toutes les commodités. Elle s’est déroulée en plénières, ateliers et visites de terrain : les plénières ont servi pour l’ouverture, la clôture, la présentation individuelle des participants et pour la mise en commun des travaux d’ateliers et des comptes rendus des sorties. Les ateliers étaient animés à chaque fois par un Algérien et un participant étranger qui devaient axer les débats autour d’un texte de base préparé et diffusé auparavant. Afin que les participants se rendent compte de la réalité des thèmes proposés, nous avions organisé des sorties de trois jours sur le terrain.
Cette rencontre fut un grand succès pour tout le monde : pour les organisateurs, pour les participants étrangers qui ont découvert quelque chose de nouveau et sont repartis chez eux avec un riche enseignement et de nouveaux amis et pour les intervenants qui ont participé à un processus original lancé par des jeunes. Comme prévu, nous avons mis en place le REMED, Réseau d’Echanges Multidisciplinaire sur l’Environnement et le Développement. Le groupe algérien organisateur a mis en place l’AREA-ED- Association Algérienne de Réflexion, d’Echanges et d’Actions pour l’Environnement et le Développement.
Après Oran, deux autres rencontres ont été organisées à Montréal (Canada)et à Cotonou (Bénin). Elles ont pu rassembler plus de 1500 jeunes de 50 pays.
Le REMED, aujourd’hui, ne fonctionne pas à l’échelle internationale mais les points d’ancrages restent actifs dans leurs régions. Les raisons sont dues à l’inexistence de structures, à un manque d’organisation à l’échelle internationale et à la difficulté de trouver des financements. Mais par l’existence du Chantier Jeunes de l’Alliance pour un monde responsable et solidaire, nous avons réussi à redynamiser le REMED à l’échelle régionale et internationale.
Après 5 ans d’existence, L’AREA-ED a pu renforcer sa position dans les structures de développement en Algérie. Près de 85% des participants de la rencontre d’Oran sont toujours en contact.
L’implication de tous les participants dans l’organisation logistique ou intellectuelle a été une riche expérience sur l’aspect réflexion et travail collectifs. L’existence d’un réseau international informel a également séduit la plupart d’entre nous, car cela change du système centralisateur habituel des réseaux déjà existants.
Nacera Aknak Khan a également rédigé une fiche sur les aspects recherche de financements. Elle est intitulée "Rencontre de jeunes sur "la responsabilité des technologies dans les déséquilibres planétaires", Oran, Algérie, septembre 1993 - se retrousser les manches pour financer une rencontre, une mission qui devient possible quand la motivation prend les rennes !". Elle est consultable dans le présent dossier, chap. II.4.
Relato de experiencia
(France)