Dépasser le manque d’expérience par un partenariat véritable avec les ONG du Nord
Benoît LECOMTE, Brigitte REY, Sara DIOUF
02 / 1998
Sara Diouf, Secrétaire Général de l’association paysanne Jig-Jam au Sénégal, témoigne :
"Nous avons eu des problèmes pour faire passer le premier programme de Jig-Jam auprès des bailleurs parce que nous n’étions pas bien initiés à la chose et ne connaissions pas bien les partenaires. Nous n’avions pas d’expérience utilisable pour argumenter ou convaincre les partenaires. Alors notre solution a été d’associer les partenaires à la méthodologie d’élaboration de tout ceci. Les partenaires ont accepté de venir nous accompagner, sans financement bien sûr, mais de manière technique : participer à des réunions avec nous, voir les groupements, leur parler, revenir avec nous faire des synthèses et repartir pour nous laisser réfléchir.
Pour le deuxième programme, nous n’avons pas eu de problème car les partenaires ont vite compris, ils ont été complètement associés et ont vu qu’ils pouvaient avoir vraiment confiance.
A la fin de la préparation avec les groupements, nous faisons une restitution globale à laquelle ils sont tous présents. A partir de cette restitution, on envoie le document à chacun de ces partenaires. Eux essayent de se référer à tout ce que nous avons mis pour financer. Le partenaire qui s’investit le plus est OXFAM Grande Bretagne qui, par exemple s’il accepte un programme, est prêt à en financer toutes les actions. Puis OXFAM donne l’aval à la NOVIB (ONG hollandaise)et lui demande de se prononcer sur les actions qu’elle veut financer. Ensuite, OXFAM finance le reste. Entre eux, il y a un consensus.
Généralement l’idée d’une activité vient de nous. L’idée ne vient même pas de l’association en tant que structure faîtière, mais vient des groupements de base. Là, tout est exprimé en terme d’activités. Ce sont ces activités qui sont repérées par les équipes de coordination et qui sont synthétisées au niveau de l’association. Cela constitue le fondement du programme. Les deux partenaires nous aident sur l’orientation, la stratégie et la cohérence qui doit exister entre les actions. Si une action n’est pas trop cohérente avec les autres, ils essayent de nous prouver qu’il y a manque de cohérence et si nous sommes vraiment bien sensibilisés, nous serons peut-être d’accord. Mais c’est rare. Le dernier mot revient toujours à l’association. Nous n’avons pas eu, pour le moment, des idées qui viennent d’eux directement.
Ce que j’apprécie, c’est l’accompagnement que j’ai vécu avec certains partenaires, OXFAM GB surtout. Parce qu’une fois qu’une idée a germé en nous, OXFAM GB ne nous laisse pas; elle nous assiste. Elle nous incite même à voir jusqu’où nous pouvons aller dans notre idée. Je donne un exemple : la radio rurale. L’idée est venue de nous-mêmes. A un moment donné, nous nous sommes mis entre nous, dans notre bureau, pour discuter des problèmes de communication que nous avions. Nous en avons parlé à gauche et à droite, dans les groupements, dans les populations pour savoir comment nous allions les résoudre. On s’est demandé si on pouvait avoir une radio rurale. C’était une idée un peu gauche; on n’y croyait même pas. Mais une fois suivante, nous nous sommes mis autour de la table, cette fois avec notre partenaire, et nous avons discuté de cela et OXFAM GB nous a donné du courage. Elle a même continué au moment de la sensibilisation des populations, elle nous a accompagné dans les négociations, elle a été partout avec nous et a finalement financé cela.
C’est là une approche d’appui qui permet vraiment à un responsable paysan de faire beaucoup de choses. Parce que quand on a la conscience tranquille, qu’on a le courage et qu’on se sent appuyé; on peut réussir beaucoup de choses. Ce souvenir me revient toujours et je dis bravo à un tel partenariat qui peut permettre tant de réussites ! En tous les cas, ce qui m’a vraiment frappé c’est que les gens de cette ONG, tout à fait au début de notre collaboration, au moment où nous n’avions pas beaucoup d’expérience, nous ont assisté, et ceci à partir de nos propres idées."
organización campesina, montaje de proyecto, negociación, desarrollo rural
, Senegal, Fissel
Voici un exemple positif d’une méthode d’élaboration du premier programme d’une association paysanne expérimentée, par compagnonnage avec deux ONG du Nord compétentes, attentives à l’autonomie et capables d’épauler, sans les dénaturer, les initiatives de l’association.
Entretien réalisé en décembre 1997.
[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]
Entretien avec DIOUF, Sara
Entrevista
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