Paroles d’acteurs concernés par la mise en oeuvre de la coopération
Désiré AIHOU, Séverine BELLINA
02 / 1999
La question de financement des projets et/ou programmes apparaît comme fondamentale pour tous les acteurs de la coopération avec l’UE. Ils soulignent, d’une manière générale, la lenteur des procédures, l’inadaptation des instruments à certains programmes de développement. Les procédures de financement conditionnent globalement la réussite du projet ou du programme, car elles influencent le montage des dossiers, l’exécution des travaux et même sa réappropriation selon qu’il y ait prise en charge ou non des frais d’entretien.
Ainsi, pour M. B. OLOUDE (Directeur de SERHAU-SEM), l’UE est en train d’orienter sa coopération dans la bonne direction, mais n’a pas suffisamment pris de recul sur les outils adaptés. Dans la coopération décentralisée, par exemple, il ne faut pas perdre de vue que l’on travaille directement avec la population; par conséquent, il faut une procédure moins lourde, une procédure adaptée comme le fait la Banque Mondiale (BM). B.OLOUDE estime que la BM recherche la procédure la plus adaptée à chaque opération. « L’UE a ses pavés de procédures qu’il faut prendre en bloc ». Il n’est pas logique, par exemple, d’accepter des financements par caution bancaire et refuser que les frais générés par cette caution soient supportés par le projet. Il apparaît donc clairement que les procédures de financement et de décaissement de l’UE sont tangibles ; ce qui influence l’efficacité des projets.
M. Y. PELLETIER (Délégué Régional AFVP Bénin) estime qu’avec la coopération décentralisée, l’UE a ouvert un bon « guichet » qui répond dans ses objectifs, et dans sa philosophie aux besoins du développement à la base. Cependant, les procédures qui lui sont appliquées sont inadaptées. Elles sont « sclérosées » avec des obstacles difficiles à franchir ; ce qui prend trop de temps sans grande efficacité. Certes, ces procédures sont bien adaptées pour faire des routes mais en matière de développement humain (car le développement local c’est le développement humain à la base), la logique comptable ne peut rendre compte de tout le travail : le contrôle ne peut être limité au taux de consommation de crédit comme cela se fait actuellement. Il faut moins de contrôles sur papier, plus de confiance et plus de contrôle sur le terrain.
Dans la même logique, M. André MARTHOZ, Responsable de la Cellule Appui Technique du FED, installée à Lokossa (Mono), souligne que l’UE n’a pas encore de procédures adaptées à la coopération de développement à la base. « En effet, un programme de développement ne peut rentrer en phase croisière avec ses propres certitudes qu’à partir de la troisième année : études des réalités du terrain ». Entre la signature de la convention et la mise en oeuvre, du temps est passé. Or, nous fonctionnons avec des devis-programmes annuels. Ce n’est pas logique. Il faut réformer les structures d’intervention. Le développement est une affaire de collaboration entre personnes afin de programmer ensemble un projet, ce qui prend du temps. Or, le bailleur de fond n’en a pas. Ainsi au lieu de penser les projets de développement au cas par cas, on pense le développement de façon normative à Bruxelles, ce qui aboutit incontestablement à une mauvaise identification et à des procédures inadaptées. L’UE doit s’engager dans le temps et dans la programmation pour s’inscrire dans un processus de développement. Ce n’est pas le cas dans le financement d’un projet de route, par exemple, qui est un financement ponctuel facile à mettre en oeuvre et à contrôler.
C’est pourquoi M. M. J-P Elong Mbassi (Directeur du PDM) considère que toute l’instrumentation de la coopération UE a été faite pour la gestion de projet d’infrastructures et, au niveau local, de microréalisations. Il ne suffirait donc pas d’apporter une correction à l’instrumentation, il faudrait également ajouter une dose de crédibilité (en volume) à la ligne budgétaire de la commission. Car jusqu’à maintenant, on confond la forme des actions avec leurs fonds, on oublie la différence entre le rythme de la réflexion et le rythme des actions, on croit que l’action peut écarter la réflexion : c’est ce qui influence les procédures de financement de l’UE. D’autre part, M. M. J-P Elong M’bassi s’interroge sur le point de savoir si la Commission Européenne ne pratiquerait pas un certain effet d’annonce. On se demande si l’on ne cache pas derrière une certaine lenteur des procédures « pour ne pas dépenser » des sommes que l’on a annoncées mais dont on ne dispose pas, notamment pour le passage d’un FED à l’autre. Si cette ligne est crédible, l’instrumentation sera à l’orne de la coopération décentralisée.
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, Benín
Mettre la coopération européenne au service des acteurs et des processus de développement
La mise en oeuvre d’un projet ou d’un programme suppose un financement qui, naturellement, appelle des procédures. Dans le cadre de la coopération UE/ACP ces procédures apparaissent pour tous les acteurs comme un parcours d’obstacles.
Certes, il est prévu dans certaines conditions des procédures accélérées mais en réalité, dans leur globalité, celles-ci ne sont pas adaptées à la diversité et aux caractères spécifiques de la coopération avec l’UE.
A cela, il faut ajouter les difficultés liées au contrôle, qui est fondé sur la logique comptable du taux de consommation de budget et non sur la logique d’une démarche de développement.
En clair, ceci veut dire que les instruments de la coopération UE/ACP doivent être adaptés à la logique d’un programme de développement, car tous les autres aspects (variétés des instruments, des guichets,…) montrent que cette coopération s’inscrit dans une bonne perspective.
Il convient de souligner que les retards de paiement et la lourdeur des procédures ne sont pas propres au Bailleur de Fonds UE, et qu’il est parfois facile de se retrancher derrière ces éléments pour masquer les dysfonctionnements de sa propre structure.
Cette fiche est basée sur les entretiens suivants : avec Elong Mbassi, Jean Pierre, Directeur du PDM, le 7/01/1999 ; avec OLOUDE, Bachir, Directeur SERHAU-SEM, le 11/01/199; avec PELLETIER, Yves, Délégué régional et Délégué AFVP Bénin, le 13/01/1999 ; avec MARTHOZ, André, Responsable de la Cellule d’Appui Technique du FED au Mono, le 14/01/99.
Coordonnées de Séverine BELLINA : 60, rue Théodore Ravanat. 38 340 VOREPPE - Tél 04 76 50 05 04.
[Fiche produite dans le cadre du débat public « Acteurs et processus de la coopération », appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]
Entrevista
Université Nationale du Bénin Cotonou - 02 BP, 647 Gbégamey, Cotonou, Bénin - Tél : 00 229 30 46 33 ou 00 229 30 32 91 - - Benín