Benoît LECOMTE, Brigitte REY, Sara DIOUF
02 / 1998
C’est seulement à partir de 1990 que beaucoup d’unions de groupements paysans ont décidé de s’intéresser aux élections locales au Sénégal. Désormais, les membres des organisations paysannes autonomes sont parfois majoritaires parmi les élus des conseils des Communautés Rurales.
Ainsi, à Fissel, arrondissement de la région de Fatick, où l’association paysanne Jig-Jam a près de vingt ans de vie en 1995, ses membres dirigent les assemblées locales. Et au-dessus du niveau des 3 communautés rurales, Jig-Jam a créé un Comité de coordination des acteurs de développement où se discutent les interventions de la vingtaine d’organisations publiques et privées qui agissent dans l’arrondissement. Le sous-préfet reconnaît cette structure et coopère avec elle pour planifier et répartir les investissements des différents intervenants.
Sara Diouf, Secrétaire Général de Jig-Jam, Louga (Sénégal)explique le rôle de cette entité née de la base :
"Je pense que les problèmes que nous rencontrons au CCA (Comité de Coordination des Acteurs de développement)sont le manque d’information et de cohérence des acteurs. Et les partenaires font partie de ces acteurs.
Il est courant de trouver un village dans lequel interviennent plusieurs partenaires à la fois, sans se connaître, sans se rencontrer. Chacun a sa manière d’intervenir. Ce qui intéresse les paysans, c’est le fait qu’il y ait de l’argent qui rentre même s’ils ne savent pas "tirer" les conséquences que cela entraîne; ceci cultive l’incohérence et entretient une certaine division sociale, parce que les gens n’ont plus à se mettre ensemble, ce qui développe une concurrence même au niveau interne du village. Nous avons identifié cela partout dans les villages.
Cela nous a d’ailleurs poussé à essayer d’avoir une "organisation" (du même type que le CCA)au niveau de chacun des villages, afin d’identifier tous les responsables de groupements (qu’ils adhèrent ou non à notre fédération)et de susciter la nécessité qu’ils se retrouvent tous au niveau de chaque village, avec bien sûr les autorités villageoises.
Au niveau "macro", celui du département et au-delà, nous essayons d’accrocher les autres acteurs, les autres associations, les autres comités pour entreprendre des actions avec une certaine harmonisation. Il est nécessaire que les gens se retrouvent car quelquefois on s’isole en pensant qu’on peut tout faire et c’est précisément à ce moment-là qu’on rate toutes les choses. La preuve en est donnée par le paysan : il a des besoins; il essaye de les satisfaire dans la limite de ses possibilités et, à un moment donné, il ne peut plus le faire. Alors il se retrouve avec son voisin pour essayer de trouver des solutions. Et tous ces individus qui s’étaient retrouvés au sein du groupement, se retrouvent maintenant au niveau "macro" pour mettre ensemble leurs besoins et à demander des appuis tout en apportant ce qu’ils peuvent apporter. Si les gens ne se retrouvent pas ensemble, ils ne peuvent pas réussir quelque chose. Même chose pour les partenaires : s’ils ne se retrouvent pas entre eux, ils ne réussiront jamais.
Et nous voulons que les partenaires de l’aide se retrouvent entre eux. Nous avons commencé au niveau villageois, puisque les villageois eux-mêmes se retrouvent entre eux il faut que tous ceux qui aident leur village se retrouvent. Nous disons au cours de réunions de chacune des organisations villageoises : "Cette rencontre est un outil, qui vous sera commun, et que vous allez proposer à vos partenaires de manière à ce qu’ils se retrouvent, eux aussi entre eux." C’est la phase dans laquelle nous sommes actuellement au niveau macro".
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, Senegal, Fissel
Il a fallu une quinzaine d’années aux associations paysannes autonomes, créées au Sénégal à partir de 1973, pour penser puis oser faire élire leurs membres dans les conseils des Communautés Rurales. Ces dernières, instituées par l’Etat entre 1973 et 1980, régissent, en particulier, les attributions foncières. A partir des années 90, les associations paysannes ont plus d’initiatives puisque certaines d’entre elles créent des comités de coordination entre plusieurs communautés rurales. L’exemple de Fissel (région de Fatick)illustre cette évolution des rôles et de leur impact géographique : du village à la zone.
Entretien réalisé en décembre 1997.
[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]
Entretien avec DIOUF, Sara
Entrevista
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