La nécessité du suivi de projet
Salimata OUEDRAOGO, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT
12 / 1998
Madame Salimata Ouedraogo : «Avec mes petites expériences, moi je n’ai jamais rencontré un bailleur de fonds qui rende la vie difficile à son partenaire. Du moins, je ne le vois pas. Parce que si tu amènes l’argent, tu vas dire ta méthode de travail. Le bailleur de fonds, s’il rend la vie difficile à son partenaire, c’est parce qu’il veut le développement. Parce que tu ne le vois pas arriver avec l’argent et dire : «Prenez, faites ce que vous voulez». Il faut que le bailleur de fonds discute d’abord, pour connaître où on va mettre son argent. Est-ce que si l’argent rentre dans cela ce sera utile, est-ce que les gens vont profiter de cela ? Le bailleur de fonds voit au moins trois aspects : le développement du village, le profit des paysans et l’avenir du projet. Souvent il y en a qui disent que les bailleurs de fonds sont un peu difficiles. Mais moi je trouve que non. C’est mieux car si vous voulez être une famille c’est le « top-départ » qui compte. Il faut que lui dise, au départ : «Moi mon argent, je veux que ce soit comme ceci et toi tu discutes pour que ce soit comme cela». Vous allez signer un accord ensemble. A ce moment-là, le bailleur de fonds ne vous a pas fatigué. Par exemple, moi, si je vais donner mon argent, il faut que j’étudie bien le terrain, pour voir si l’activité sera viable, si les gens vont profiter.
Les bailleurs de fonds nous font confiance mais parfois il ne faut pas avoir confiance à 100%. Le bailleur de fonds, pour le bien-être de son travail et pour l’avenir de son projet, il doit chercher lui-même un animateur ou une animatrice pour suivre de très très près son projet. Parce que nous on a vu des villages où tu finances de l’argent où les gens ne travaillent pas. Et ce qui me fait mal jusqu’à aujourd’hui, c’est quand ils entendent que le bailleur de fonds va venir un mois après, là les travaux vont commencer : «J’ai appris qu’ils vont venir, essayons de faire quelque chose pour les attendre». J’ai vu, j’ai vécu cela. C’est à ce moment-là qu’ils vont essayer de bricoler de gauche à droite pour juste satisfaire. Si le bailleur de fonds est là, le travail est là. Une fois que le bailleur de fonds repart, le travail est bien classé. Je prends un exemple : tu arrives là, tu donnes ton argent et tu dis : «Moi je veux vous aider dans le domaine du reboisement». Et eux bouffent, ils bouffent, ils bouffent. Et le jour où j’ai appris que tu te prépares pour venir, moi je vais commencer à planter mes arbres. Ce n’est pas bon, ce n’est pas bon pour un bailleur. Mais le bailleur ne sait pas : chez nous on dit que l’étranger a de gros yeux mais qu’il ne voit pas loin. Il arrive, on le prend de gauche à droite : «Bonne arrivée, bonne arrivée». Il se dit que ces choses-là sont bien mais en fait, ils sont en train de le « niquer » en bas, je m’excuse ! Il ne sait pas et eux peuvent lui montrer un autre champ de reboisement que celui qu’ils ont mal fait : «Voilà votre argent, voilà notre reboisement». Et lui il est fier. Ce sont des trucs que moi je veux dire aux bailleurs de fonds.
On sait très bien que vous, les Blancs, ce n’est pas de l’argent qui est stocké comme cela. Je sais que vous aussi vous arrivez à faire des collectes, des réunions, des petites associations pour nous financer. Mais tu arrives, tu donnent au moins 4 millions, et tu découvres qu’il n’y a rien sur le terrain, pas d’explication, le projet n’est pas viable, ce n’est pas intéressant. C’est que le suivi ou l’implantation du projet n’était pas bien. Il y a des projets qui ne réussissent pas, tout ne peut pas être rose. Je peux dire qu’on a tout vu. Il y a des projets qui ne fonctionnaient pas, il y a des projets qu’on finançait et puis ce n’était pas viable. Des projets qui n’avaient pas assez de suivi. Si on te finance un projet, il faut prendre le projet comme ta propre famille. Sinon, cela ne peut pas marcher. Il faut qu’il y ait un bon suivi, qu’il y ait un bon dialogue entre les travailleurs, entre les membres. Il faut vraiment être près pour la bonne marche de ce projet. Pendant les 7 ans où j’ai travaillé, il y a eu des villages où on a financé des projets mais arrivée là, tu regardes et toi-même tu es découragée.
Je donne un deuxième exemple : d’autres personnes financent la même chose ! Les gens vont prendre l’argent pour boucher le trou qu’ils ont creusé il y a deux ans. Par exemple, s’il y a deux bailleurs de fonds, l’un donne son financement en 1996, et l’autre a donné son financement depuis 1994. Tu as pris l’argent de 1994 pour le bouffer ! Tu entends que la personne de 1994 va venir voir ce que ses projets ont donné. Alors tu vas prendre l’argent de 1996 pour travailler sur le projet de 1994, pour pouvoir boucher le trou creusé là-bas. Le gars de 1994 va venir et pensera que son projet est viable, que son projet est bien, que ces gens-là sont bien. Celui de 1996, s’il vient, il ira voir un autre projet qu’ils vont prendre pour boucher.
Si quelqu’un apporte un projet d’aide, il faut essayer de chercher une animatrice ou un animateur, même si il devra la payer. Il va suivre le projet. Sinon, ce ne sont pas tous les projets qui sont vraiment suivis comme on l’entend. Les bailleurs de fonds ne savent pas. Les étrangers ne savent pas. Si je te parles, tu ne connais pas les villages. Par ex., si ton projet se trouve à Somiaga et qu’on t’amène à Nabosowindé, tu ne le sauras pas. Il faut que les bailleurs de fonds essaient de chercher quelqu’un qui dépende d’eux pour pouvoir suivre les projets. Je dis cela parce que j’ai vécu des trucs qui vraiment m’ont fait mal. Si le projet a une animatrice ou un animateur, l’argent vient à son nom, l’argent peut même venir au nom du groupement ou de l’ONG qui va donner. Mais l’argent ne peut pas sortir du compte tant que l’animateur ne fait pas signe de vie. L’animatrice devient un commissaire aux comptes qui va suivre tout de près".
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, Burkina Faso, Ouahigouya
Une animatrice rurale exprime son dégoût de voir les bailleurs de fonds se faire rouler par leurs partenaires. Elle suggère que celui qui donne soi plus difficile et qu’il emploie quelqu’un pour contrôler, sur le terrain, si le travail prévu et financé est vraiment fait.
Entretien avec OUEDRAOGO, Salimata
Entrevista
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