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L’émancipation de la femme : le travail auprès des ménages au sein d’un groupement de femmes et l’évolution des rapports hommes/femmes, Ouahigouya, Burkina Faso

Salimata OUEDRAOGO, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT

12 / 1998

Madame Salimata Ouedraogo : « Notre groupement a un programme bien déterminé, chaque jeudi je suis obligée de faire un cours. Mais la leçon que j’ai donné, est-ce que les femmes l’appliquent ? Parce qu’une femme qui prend un enfant, si tu lui montres quelque chose et que tu ne suis pas, après elle peut flancher. Chaque jeudi, avec deux autres femmes, on rentre dans les maisons. On essaie de leur dire : «Pour être heureuse dans ta famille, il faut qu’il y ait l’amour toujours, le respect mutuel, la compréhension entre ton partenaire et toi. Même si ton mari sort, revient de son service ou bien du champ, il faut essayer de le soutenir par les paroles, il faut essayer de lui dire : «Est-ce que ça va ? Est-ce que ton travail s’est bien passé ?». Des trucs comme cela. Ce sont des leçons que nous apportons aux femmes pour améliorer leur foyer. Et aussi, on essaie de voir si les enfants sont propres. On essaie de dire : «Une femme est bien dans sa cour si la cour est propre, si les enfants sont propres, si tout est propre». Moi, je me dis qu’actuellement mes femmes sont vraiment à la base. Donc, chaque jeudi on essaie de faire de la sensibilisation au niveau des cases. Et chaque samedi, on essaie de leur apprendre à faire du théâtre, sur la lutte contre le SIDA, le planning familial (comment il faut planifier tes enfants pour ne pas avoir de problèmes). Et maintenant ce sont les femmes elles-mêmes qui sont d’accord !

Les femmes, quand tu rentres dans leur cour, elles te disent : «Il y a des jours où je n’ai même pas envie de dormir avec mon mari». Mais comme il y a le mariage, tu ne peux pas refuser. A travers ma sensibilisation, j’essaie de dire aux femmes et à leurs maris : «Si on dit aimer, c’est deux personnes ce n’est pas une seule personne, donc si tu trouves que ton partenaire ou ta femme ne peut pas te recevoir ce jour-là, tu fais tout pour pouvoir la laisser se reposer». J’ai beaucoup appris aux femmes et à leur mari : « Si tu veux venir envers ta femme, et qu’elle n’a pas vraiment l’ambiance de t’accueillir, même si tu viens, ce sera malgré elle ». Pour eux, c’est une autre vie que je suis en train de leur apprendre. Ce sont des trucs que la religion musulmane défend. Dire des trucs comme cela, il y a beaucoup de musulmans qui ne le veulent pas. Ce sont des péchés, pour nous, de dire à une femme qu’il ne faut pas faire beaucoup d’enfants, qu’il ne faut pas faire 5 enfants. Et, selon la religion, il ne faut pas refuser quand ton mari te demande. Pour nous, les musulmans, si tu refuses c’est un crime.

Avec la sensibilisation, c’était vraiment difficile mais actuellement ça va. Le mois passé, un homme qui m’a dit : « Ce que tu es en train de faire avec nos femmes c’est très bien». Les hommes ont d’autres problèmes mais eux-mêmes voient que ce que je suis en train de faire dans leur secteur c’est une bonne éducation. Au départ, j’avais beaucoup de problèmes : «Mais qu’est-ce que je vais dire à mon mari ? De ne pas me faire cela sans capote ?». C’était vraiment très difficile. Mais maintenant ça va. Si je rentre dans une famille et que j’ai l’occasion de trouver le mari, j’aborde par la femme et je termine par l’homme. Parce que je ne peux pas entrer pour dire : «Tu vois, tu es un homme, tu dois faire cela ». Je leur dit : «Vous voyez, c’est la vie : il ne pleut pas beaucoup, on n’a pas assez à manger, etc.».

Dans mon secteur, on me respecte pour mes petites sensibilisations. J’essaie de leur faire comprendre que la vie ce n’est pas ce à quoi eux ils aspirent. La vie c’est autre chose. Il faut savoir te gérer toi-même, savoir être indépendant, voilà ce que moi je dis. Alors on te dit : «Une femme émancipée » et on pense : « Toi, tu te lèves le matin de bonne heure, tu vas te doucher, te maquiller, mettre des ballerines, de la crème, du rouge à lèvre et puis du fond de joue ! » Non, ce n’est pas cela qui veut dire que tu es émancipée. Et si toi tu dis que tu es émancipée, il faut des actes qui vraiment le prouvent. En affection, on dit que l’homme et le femme ne sont pas pareils mais nous on essaie d’être au moins, pas totalement, à leur hauteur, mais juste pour leur prouver que sans la femme, l’homme n’est rien et sans l’homme, la femme n’est rien.

Au début, quand je disais aux femmes : «Vous allez dire à vos maris qu’on va faire une matinée cinématographique», il y en a qui disaient : «Mon mari ne va pas être d’accord». Et moi je disais : «Mais pourquoi pas ?» Pour une soirée, afin de décider à venir les femmes que je place à l’entrée, qui prennent les tickets, j’étais obligée de passer de porte en porte pour demander l’avis de leur mari. Mais maintenant même leurs maris sont contents. C’est cela qu’on appelle émancipation de la femme, d’avoir montré à leurs femmes qu’une femme aussi peut faire comme un homme, qu’une femme peut faire comme une demoiselle. Parce qu’ici, parfois, quand tu es mariée, c’est comme si tu étais devenue une prisonnière. Ces femmes mêmes sentent cette liberté. Avant on sentait qu’on n’était pas libres mais maintenant on sent qu’on est libres.

On dit souvent "émancipation de la femme". Pour être émancipée, il faut vraiment quelque chose qui montre concrètement que tu l’es. Nous les femmes, pour nos demandes c’est difficile. C’est l’homme qui a le pouvoir de faire une association, avant. L’homme nous a devancé. Mais à travers la civilisation, à travers d’autres femmes qui ont, comme nous, travaillé dans les associations, tu trouves qu’une femme aussi peut faire une association. Mais comme l’homme est devant, c’est difficile de percer rapidement comme l’homme. L’homme est libre : il se lève comme il veut, il sort comme il veut, mais nous autres les femmes, non. Il faut chaque fois demander l’autorisation pour pouvoir faire tes affaires. Aujourd’hui, l’homme est plus libre qu’une femme. Si la femme a (demain)la possibilité de s’épanouir comme un homme, la femme et l’homme, cela peut être la même chose. Mais le problème est que la femme n’est pas du tout indépendante, l’homme est déjà le roi. Cependant, la femme a appris maintenant qu’elle peut se battre. C’est pour cela qu’on fait des associations. Avec nos expériences, on se complète et peut-être qu’un jour, on va voir la femme prendre le devant. Je le souhaite".

Palabras claves

mujer, género, regulación de los nacimientos


, Burkina Faso, Ouahigouya

Comentarios

Une tranche de vie d’un groupement de femmes urbaines qui cherchent ensemble "à prendre le devant" mais sans détruire leurs foyers.

Notas

Entretien avec OUEDRAOGO, Salimata

Fuente

Entrevista

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