Naaba Ligdi S. KAGONE, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT
12 / 1998
Naaba Ligdi S. KAGONE, responsable du CADY (Collectif des Associations Du Yatenga): « Les gens au village arrivent à se faire alphabétiser, comme le demande l’Etat à l’heure actuelle. Mais après cela ils sont bloqués aussi. On a fait tout pour que les bibliothèques continuent la formation continue des alphabétisés, mais les gens n’ont pas le temps de s’asseoir pour lire. Après les récoltes, il faut courir à l’émigration pour aller chercher de l’argent pour venir s’occuper des périodes de soudure. Il y a des problèmes sociaux, des décès, des funérailles, des mariages, il faut de la monnaie pour cela. Dans le temps, on se mariait peut-être avec 100 000 CFA (1.000 FF). Aujourd’hui le paysan, même avec 300 000 CFA (3.000 FF)n’arrive pas à se marier. Il faut qu’il émigre pour aller chercher cet argent. Donc les gens sont en train de courir. Et l’alphabétisation leur ouvre encore les yeux. Combien de nos animateurs ont fui par l’émigration ? Parce qu’ils sentent qu’ils ont un niveau, un tel esprit mais qu’ils n’ont rien (dans leurs poches). Ils sont obligés de fuir ailleurs pour aller chercher ce que leur esprit leur montre comme besoin d’aujourd’hui. Un évolué développe plus de besoins qu’un non-évolué. On a pensé qu’un paysan développait son univers chez lui. Un homme quand il est ouvert, il voit loin et il préfère aller là-bas pour se satisfaire parce que les besoins sont immenses. On a accusé l’école classique qui formait les gens pour les envoyer en émigration, pour les faire quitter leur village. Les scolarisés s’enfuyaient pour ne pas vivre au village. Cela commence à toucher les alphabétisés aussi. Les gens qu’on forme, ils voient loin. Nous leur apprenons la géographie et l’histoire. Ils préfèrent aller plus loin ».
alfabetización, formación, emigración
, Burkina Faso, Yatenga
Alphabétiser, c’est la passion de notre interlocuteur. Mais l’alphabétisation n’est pas un barrage contre l’émigration dans cette région peuplée et mal-cultivée; pour les plus actifs des "apprenants" c’est même un atout pour quitter. Mais on a observé par ailleurs que 15 ans après leur premier départ, certains reviennent, s’installent et changent leur Yatenga natal !
Entretien à Ouahigouya, août 1998
Entretien avec KAGONE, Naaba Ligdi S.
Entrevista
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