Cécile BELOUM, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT
12 / 1998
Madame Cécile Beloum, responsable de l’association AMMIE (Appui Moral, Matériel et Intellectuel à l’Enfant)à Ouahigouya (Burkina Faso): « La promotion de la femme, c’est aider la femme à s’émanciper, à se prendre en charge sur le plan intellectuel, sur le plan des connaissances, des compétences et aussi sur le plan économique. Dans notre milieu, il y a près de 80% de polygames. Et au niveau du foyer, quand le mari n’a pas les moyens, et cela c’est la grande majorité des maris, c’est la femme qui doit s’occuper d’elle-même, s’occuper de ses enfants, de leur éducation, de leur santé, de leur bien-être. C’est dans ce sens-là que nous soutenons plus spécifiquement les femmes. Et pour cette promotion de la femme, nous organisons l’alphabétisation car ce sont essentiellement des femmes qui sont analphabètes; nous conseillons de relever le taux de scolarisation des filles et nous soutenons les activités économiques, ces fameuses "activités génératrices de revenus"; et nous organisons des échanges d’expériences pour que des femmes de tel endroit aillent voir ce que d’autres font, cela leur ouvre l’esprit.
Pour la promotion de la femme il ne faut pas laisser les hommes de côté, il faut sensibiliser les hommes. Parce qu’homme et femme doivent comprendre qu’ils sont complémentaires. Ils s’influencent mutuellement. Le bien-être de l’homme a un effet sur le bien-être de la femme et vice-versa. Et dans nos milieux, il faut amener l’homme à comprendre ce que c’est que la femme. Et amener la femme à comprendre son rôle, ce qu’elle doit être, quel est l’idéal. Et là, les hommes, même s’ils n’apportent pas leur contribution pour l’émancipation de la femme, ne vont pas empêcher cette émancipation.
Je prends un exemple : quand nous alphabétisons des femmes dans les villages, nous ne prenons pas que des femmes, bien qu’on vise la promotion féminine. Nous prenons 65% de femmes et 35% d’hommes. Pour que les hommes ne se sentent pas délaissés ou mis de côté. Par exemple, dans un village où les femmes ont été alphabétisées avec les hommes, on est arrivé à un stade où on devait apprendre aux alphabétisés à écrire. Et deux femmes n’ont pas pu participer à cela cette année parce que leurs maris s’y sont opposés. Leurs femmes sont alphabétisées, les maris ne le sont pas, ils sont devenus jaloux. Et puis, c’est une formation où l’AMMIE donne 750 CFA (7,50 FF)par jour et par personne pour la restauration. Donc la femme a pu économiser de l’argent, elle est devenue plus indépendante. Et le mari est devenu jaloux. En 70 jours de formation, ces femmes qui n’étaient jamais allées à l’école avaient le niveau du CM2 et savaient lire le français. Les hommes se sont dit qu’à ce rythme-là elles allaient les battre ! Cette année, deux femmes n’ont pas pu venir. Mais toutes les autres sont venues. A ce niveau, il y a un manque de sensibilisation du mari, de conviction du mari, de perception de l’importance de ce que sa femme va devenir. Donc, je pense qu’il faut associer les deux, sensibiliser les deux ».
mujer, género, alfabetización, vida asociativa
, Burkina Faso, Ouahigouya
Si vous souhaitez que la femme ait un avenir, sensibilisez son mari sur ce que son épouse, une fois alphabétisée et bien épaulée par ses compagnes, va devenir.
Entretien d’août 1998
Entretien avec BELOUM, Cécile
Entrevista
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