Françoise MALBOSC, Fanny DOUHARD
06 / 1998
La médiation selon J.-P. Bonafé-Schmitt (1)? C’est un <processus plus ou moins formel, par lequel un tiers impartial, le médiateur, tente à travers l’organisation d’échanges entre les parties de leur permettre de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose ". Le médiateur n’a aucun pouvoir de décision et de sanction.
La médiation a vocation à empêcher que se développe un phénomène de représailles. En quelque sorte, elle <casse la spirale de la violence>. Il ne s’agit donc pas, pour J. P. Bonafé-Schmitt, de gommer les conflits mais plutôt de les gérer. De plus, la médiation ne constitue en aucun cas une alternative à la sanction, elle peut d’ailleurs la compléter afin <d’adapter au mieux la sanction aux agressés comme aux agresseurs ".
Il arrive de plus en plus que le terme médiation soit repris dans des intitulés de postes. C’est notamment le cas concernant les emplois-jeunes (agents locaux de médiation sociale, médiateur du livre...). "Le mot est galvaudé, dit-il, on crée actuellement une galaxie de la médiation. On appelle médiation d’autres fonctions que la gestion des conflits ".
La médiation à l’école.
Dans le cadre d’une recherche-action sur la violence à l’école (2)J.-P. Bonafé-Schmitt a été amené à réfléchir à la mise en place de médiateurs d’école dans le cadre de ZEP car "l’école est un lieu comme un autre où il existe aussi des conflits ". Concrétisation dans les établissements scolaires de ZEP à Saint-Priest, Vénissieux dans le Rhône mais aussi à Saint-Étienne-du-Rouvray près de Rouen. La demande émanait le plus souvent des communes et non de l’Education Nationale même si les établissements concernés avaient déjà engagé une sensibilisation de leurs élèves à la gestion des conflits (violence, incivilités...). D’ailleurs aucun travail de médiation n’est possible sans cette sensibilisation en amont.
La médiation doit être réalisée sur l’ensemble de l’établissement grâce à des médiateurs d’établissement. Elle doit concerner également les adultes (parents et enseignants). Suite au refus des enseignants de mettre en place une médiation mixte, les pôles adultes et enfants ont été séparés. Une autre difficulté à surmonter, la mobilisation des enseignants doit être surmontée ; ils peuvent craindre, avec la médiation, une perte de leur autorité.
Premier travail auprès des élèves : évaluer par le biais d’un questionnaire leur sentiment et leur approche quotidienne de la violence et de la médiation. Les réponses confirment que les phénomènes de violence dans les écoles ne sont pas à la marge ! Sont venues ensuite différentes étapes pour mettre en place une démarche de médiation scolaire dans les établissements concernés :
- un groupe témoin ou comité de pilotage chargé du suivi évaluatif ;
-un adulte coordinateur choisi par les élèves qui contrôle l’activité de médiation et qui n’est pas tenu à la confidentialité (notamment pour gérer les problèmes les plus graves);
- choix de 20 à 25 médiateurs par établissement (choisis le plus souvent en dehors des délégués de classe pour permettre l’implication du plus grand nombre);
- formation des médiateurs et supervision de leur travail tout au cours de l’année par le collectif des médiateurs.
Quelques choix de fonctionnement :
- la volonté d’intégrer dans l’équipe de médiation des élèves "violents" pour transformer à terme des leaders négatifs en leaders positifs (l’efficacité en a d’ailleurs été prouvée : amélioration de leurs résultats scolaires. Changement de comportement vis-à-vis des enseignants et changement de regard de l’enseignant sur l’élève ;
- la formation chaque année de nouveaux médiateurs ;
- l’inscription de la médiation dans le temps scolaire comme élément d’un projet d’établissement et non activité extra-scolaire.
" Un apprentissage de la citoyenneté ".
<La médiation scolaire doit être inscrite dans une démarche éducative. La violence sert alors de prétexte." Cinq ans semblent nécessaires pour que les effets soient réels et qu’une retombée sur le quartier puisse être ressentie. Les élèves doivent être responsabilisés dans la durée. Il apparaît aussi que le dispositif s’intègre peu dans l’environnement de l’école. La difficulté pour J.-P. Bonafé-Schmitt vient de l’Education Nationale, peu habituée à travailler avec "l’extérieur", mais aussi des professionnels des quartiers. <Faire le lien entre l’école et le quartier est difficile ".
Résultat déjà visible : le développement des médiations informelles entre enfants ou jeunes. Ils semblent donc avoir intégré la démarche de médiation dans leur quotidien. <La médiation permet aussi parfois de verbaliser des comportements tus, tels le racket et d’institutionnaliser les conflits par la pédagogie ".
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, Francia, Rhône-Alpes
Ces expériences de médiation à l’école restent encore ponctuelles et localisées. Avec ce constat est posée à nouveau la capacité de l’éducation nationale à adapter et à transformer ses pratiques, à passer de l’expérience au droit commun
Les expériences rhônalpines de médiation scolaire ont pris fin en 1995 pour une partie à cause du manque de financements. Récemment, la Fondation de France a décidé d’apporter son soutien financier à la reprise du travail engagé dans ces deux communes (plus Lyon 9ème)et uniquement dans les écoles primaires. D’autre part, J.-P. Bonafé-Schmitt est sollicité dans d’autres régions de France mais aussi à l’étranger pour développer la médiation scolaire.
(1)J.-P. Bonaffé-Schmitt, chercheur au CNRS et enseignant à Lyon 2, a participé à la mise en place d’instances de médiation et de boutiques de droit dans des quartiers et communes de l’agglomération lyonnaise. Il a par la suite développé de nouveaux dispositifs de médiation à l’intérieur d’établissement scolaires.
(2)commande éducation nationale et IHESI de 1993 à 1995.
CONTACT: Nicole Schmutz-Geoffroy, AMELY 45 rue Smith 69002 Lyon tel : 33 (0)4 78 37 29 07
Entretien avec SCHMUTZ GEOFFROY, Nicole
Entrevista
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