Le cas du Nicaragua
03 / 1994
Pour mettre en parallèle les concepts de démocratie et celui de guerre, il faut au préalable se prêter à une analyse rapide de la situation historique et politique de l’état concerné. Dans le cadre du Nicaragua qui en 1990, par le biais d’élections nationales est sorti d’une période marquée par le conflit Contra/Sandinistes, il est nécessaire de s’arrêter sur la situation antérieure au conflit.
La période somoziste, puis la révolution sandiniste depuis 1979, ne pouvaient en aucun cas être associées à un état de paix. C’est donc depuis des décennies que s’était installé dans ce pays une culture de guerre qui obstruait profondément les chances d’un retour rapide et aisé à la paix.
Les symptômes du mal résultant d’une telle situation endémique sont multiples :
- Le manque d’expérience dans la résolution de conflits non-violents (nuances idéologiques, adversités de personnes, jeu de factions et de pressions)favorise l’atomisation de la société politique : multipartisme, micropartis, forte personnification des tendances, manque d’incitation aux regroupements.
- Tendance à utiliser le jeu politique à des fins personnelles ou pour établir les bases d’une
carrière - ce que la société civile instable et désorganisée ne permet pas.
- Etablissement d’une certaine récurrence dans les choix idéologiques. Les apparences de modification profonde du panorama politique sont plus souvent des parenthèses pour trouver des alternatives très temporaires à des permanences du système héritées de l’histoire.
- Les structures traditionnelles de la société civile (partis, syndicats, organisations populaires, groupes de pression organisés)ne disposent pas du délai suffisant pour se structurer et s’enraciner. Par conséquent, il n’existe pas de réel contre-poids au pouvoir d’Etat qui lui bénéficie d’une continuité quant à sa structure, sinon quant aux personnes.
- Les mouvements sociaux sont le fait de groupements proches des partis non gouvernementaux, qui cherchent à exprimer leurs revendications hors du jeu démocratique - parce qu’ils n’y ont pas accès - et deviennent des facteurs de violence.
- Les déceptions des personnes qui ont abandonné le combat armé, mais ne trouvent pas leur place dans le système économique et politique donnent souvent lieu à des frustrations génératrices de déséquilibre sociale remettant en question le retour à la paix.
Dans le cas du Nicaragua qui, après les accords de paix de la fin des années 1980, a essayé de trouver un équilibre démocratique, les symptômes du mal précédemment cités se sont pour ainsi dire tous manifestés.
- La coalition d’opposition aux Sandinistes, la UNO, n’a pas résisté à son succès, sa seule raison d’être ayant été d’évincer les sandinistes du pouvoir. De même le Front Sandiniste créé pour les besoins de la révolution anti-somoziste s’est progressivement dissous, et aujourd’hui ne représente plus une composante politique démocratique de poids. Par contre, on assiste à un retour du spectre somoziste sous les couleurs du Parti Libéral Constitutionnel. Les moyens financiers, l’héritage d’une démarche populiste séduisant une partie importante de l’opinion publique et la dérive des régimes qui se sont succédés depuis la révolution, ont profité aux nostalgiques du régime renversé en 1979.
- Cette situation entraîne une reconstitution des hégémonies économiques et politiques de l’avant - sandinisme qui retrouvent progressivement leurs positions dominantes dans les différents secteurs (agriculture, commerce, services, politique).
- Le strict contrôle par l’OEA (Organisation des Etats Américains)de l’application des accords de paix ne suffit pas toujours à éviter le retour à la lutte armée des ex-combattants démobilisés (re-contras et re-compas).
- Tentative des organisations sociales de porter la lutte syndicale dans la rue, seul terrain où ils
aient l’impression de pouvoir faire valoir leur revendications.
- Cette tendance à l’opacification du régime plutôt qu’à sa tranparence, fait le jeu des intérêts
personnels et des opportunismes divers (carriérisme, corruption, etc).
- Enfin, on ne saurait passer sous silence l’échec de la "formule magique" mise en oeuvre à partir de 1990 qui confiait le pouvoir militaire aux sandinistes et le pouvoir civil à ses adversaires. On ne peut que s’étonner du fait que certains aient été surpris des difficultés graves qu’aura entraînées pour le pays cette cohabitation qui, déjà sur le papier n’était pas viable.
construcción de la paz, democracia, guerra, democracia y cambio cultural
, Nicaragua
Diego Gradis est responsable de "Traditions pour demain" , réseau associatif contribuant à la promotion et la défense des identités amérindiennes.
Texto original
TRADITIONS POUR DEMAIN