Si les organisations biologiques sont appréhendées depuis Claude Bernard comme des phénomènes physico-chimiques, on peut aussi les comprendre comme des structures d’information. Les êtres vivants ne sont-ils pas plongés dans un dialogue permanent avec leur environnement interne et externe? L’ensemble de ces principes forme un modèle rationnel qu’Agnès Lagache a découvert au travers de l’homéopathie et de l’immunologie et qui s’avère apte à rendre compte de ce qui se passe chez les êtres humains au double niveau du corps comme de l’esprit, de la psyché comme du système immunitaire. Soit une nouvelle approche du vivant qui ne fonctionne plus selon les principes de la logique aristotélicienne mais peut se comprendre à la lumière de la logique moderne.
Ce nouveau paradigme n’a pas la matière pour objet mais l’information -laquelle s’enrichit en se transmettant, contrairement à l’objet qui, donné, est perdu pour celui qui s’en est dessaisi. La logique d’Aristote est donc impropre à rendre compte des aspects physiques ou mentaux des êtres humains, et de la communication en général. Avec A. Lagache, le corps et l’esprit cessent d’être des objets, des "boites" closes isolées du monde, pour être compris comme des "réseaux d’information vivants", des ensembles de systèmes en interaction avec d’autres systèmes et c’est là tout un fondement de la médecine qui se trouve remis en question. C’est également, qui prend forme, un fondement pour d’autres approches thérapeutiques.
Ce paradigme qui se différencie également de la symbolique du langage -il n’en a pas le pouvoir de négation et d’abstraction- fonctionne selon des règles précises :
- La contrainte de la désignation, fonction remplie dans le langage symbolique par le nom mais dans la communication figurative, par une présentation mimétique. Ainsi en homéopathie, le médicament est le signe analogique d’un ensemble singulier de relations symptomatiques et agit comme une information analogique, régie par la loi de similitude, qui lui fait designer la situation pathologique.
- La contrainte de l’organisation de cette communication en niveaux d’information distincts. L’information est un passage entre ces deux niveaux de la désignation des objets et de l’opération informative sur ceux-ci (par exemple la compréhension dans la conversation). En psychanalyse, le transfert est l’opération qui réalise le passage entre le niveau de la pensée inconsciente et agie (niveau des objets)à celui de l’interprétation. En homéopathie, la dilution correcte pour un récepteur est celle qui signifie non le pouvoir toxique d’une substance mais une information à son sujet.
La négation paradoxale est l’une des plus importantes opérations de sens qui peuvent passer entre ces niveaux. Une présentation particulière de la chose peut donner une valeur signifiante à cette présentation et induire le récepteur à lire l’information non comme une présentation de la chose mais comme une information qu’il faut traiter pour elle-même, voire nier. Ainsi, dans un combat de loups, celui qui se couche en présentant sa gorge mime l’issue du combat pour l’éviter, il en a donc induit la négation puisque l’autre loup cesse de combattre, preuve que le message a été bien reçu. En homéopathie la bonne dilution est celle que le récepteur peut lire comme une information sur le symptôme similaire pour en induire la négation.
"L’information mimétique active" comporte donc ces deux aspects: "la désignation" par présentation analogique et le "signifiant" qui est une modalité de cette information et conduit à son traitement. Du point de vue de la dilution, l’information sur le symptôme appelle au traitement de cette information à un niveau autre, plus élevé, qui entraîne une restauration de la définition du soi. Inversement, symptôme et pathologie sont de l’ordre de la mimesis passive. Ce qu’avait bien vu Freud qui considérait le symptôme comme une forme de communication, "une tentative de guérison", information "coincée" au mauvais niveau. L’application de ce paradigme, possible dès que la matière est assez organisée, donc pour les êtres vivants, permet de rendre compte de l’efficacité du remède homéopathique mais aussi de poser les questions de manière différente.
Partant du même principe, Madeleine Bastide montre que l’interaction entre le soi et le non soi immunologique peut être considérée comme un système régulateur d’information plutôt que comme une lutte, comme dans le paradigme mécaniste classique appliqué au système immunitaire, pour qui soi et non soi (bactéries, virus...)sont des objets. Et, supposant qu’une situation pathologique peut naître d’une erreur ou d’une absence d’information, à cause de laquelle le signifiant ne peut effectuer la négation paradoxale (combat de loups), elle démontre que des pathologies du système immunitaire peuvent être corrigées par l’utilisation de nouveaux procédés d’information: ainsi les anticorps anti-idiotypes, qui, donnant à l’organisme une nouvelle information, permettent la régulation de l’anticorps correspondant. Ce nouveau paradigme du sens est riche de possibilités dans le domaine scientifique.
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, Francia
Notre corps n’est pas un objet -matériel, coupé du monde- mais une"manière d’être, un état des choses")pris dans un réseau de signifiants, soit la réalité symbolique. Et de plus, un système informé sur son propre fonctionnement, ce qui le rapproche des systèmes cybernétiques, et fait des symptômes psychiques une information privilégiée sur le système lui-même, rendant à la parole singulière du patient toute sa valeur. La médecine allopathique, dont la position nous apparaît ici scientifiquement et logiquement fausse, ne peut réellement guérir car ne s’adressant pas au système dans son entier et ne comprenant pas la maladie comme symptôme et le symptôme comme communication même, elle ne fait que déplacer indéfiniment le problème. En revanche, le remède homéopathique, information qui relève du mode de communication analogique et correspond à une conception de la maladie comme erreur dans la transmission d’information, induit dans l’organisme une réponse qui lui permet de se restaurer. Une médecine logique, la médecine de l’avenir, devra troquer le modèle mécaniste contre le modèle cybernétique et la logique aristotélicienne contre la logique moderne!
"Le paradigme du sens" confirme la relativité de toute méthode scientifique, d’où l’abus de pouvoir de la médecine allopathique à s’attribuer l’exclusivité de la légitimité. La logique moderne nous montre que des logiques différentes peuvent coexister. On voit aussi la nécessité dans le cours de l’évolution des sciences, de nouveaux modèles rationnels. Il ne faut pas, dit A. Lagache, réduire l’infinie richesse "de la réalité à ce que nous en avons déjà compris mais nous ouvrir à la pensée des inépuisables chatoiements du sens".
Agnès Lagache est agrégée de philosophie et Madeleine Bastide, professeur d’immunologie.
Libro
LAGACHE, Agnès; BASTIDE, Madeleine, Le paradigme du sens, un nouveau modèle rationnel, Alpha bleue, 1992 (France)
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