La production du manioc au Cameroun constitue un cas exceptionnel d’auto-régulation satisfaisante d’une filière, réalisée exclusivement par le marché, sans intervention extérieure. Avec la crise économique et les effets de la dévaluation du franc cfa en 1994, le marché est en effet devenu un lieu de convergence des intérêts des producteurs et des consommateurs.
Le manioc, principale culture vivrière du Cameroun, bénéficie d’un certain nombre d’atouts, suscitant son intérêt sur le marché.
Ayant peu d’exigence agronomique, le manioc est cultivé dans de nombreuses régions du pays. Il constitue le premier aliment consommé au Cameroun, sous forme de manioc frais ou de produits dérivés (principalement le foufou, le gari ou le bâton). La forme sous laquelle est consommé le manioc varie selon les villes, l’ethnie ou la province d’origine. Les multiples possibilités de transformation du manioc en produits plus élaborés permettent une plus-value au produit frais, diversifient les produits consommés et limitent les pertes liées au problème de la conservation du produit frais.
La crise économique et la dévaluation ont modifié les habitudes alimentaires, par une diminution de la consommation de nombreux produits, surtout importés, mais aussi dans une moindre mesure les produits locaux, le pouvoir d’achat des consommateurs ayant diminué.
Dans cette baisse générale de la consommation alimentaire des ménages, celle du manioc a été plutôt relative, et a surtout bénéficié d’un report d’une partie de la consommation des denrées ayant enregistrées une baisse depuis la dévaluation.
Dans ce contexte économique, non seulement la consommation du manioc a augmenté, mais il est devenu un produit stratégique, à la fois pour le producteur et pour le consommateur.
Avec la crise et la dévaluation, les superficies consacrées aux cultures de rente ont diminué, au profit des cultures vivrières vendues sur les marchés ruraux ou aux grossistes et transporteurs pour les marchés urbains. D’une production d’autoconsommation, le manioc tend de plus en plus à devenir une production destinée à la commercialisation. Si auparavant le producteur ne vendait que le surplus, maintenant la recherche de ventes régulières se fait selon un compromis entre l’objectif de la sécurité alimentaire de la famille et celui d’accroître le revenu monétaire.
La crise a fortement diminué le pouvoir d’achat du consommateur, l’obligeant à réduire ses dépenses. Or, si avec la dévaluation, même le prix des produits locaux a augmenté, celui du manioc a connu une hausse très modérée. Ainsi, son faible prix et sa présence tout au long de l’année font du manioc le produit alimentaire permettant aux consommateurs de survivre à la crise, en se nourrissant à moindre prix.
Ainsi, le manioc est au centre des stratégies que développent les producteurs et les consommateurs pour amortir les effets de la crise : d’un côté la volonté de produire et de vendre plus pour augmenter les liquidités, et de l’autre dépenser le moins possible. La convergence de ces intérêts sur le marché permet une adéquation de l’offre et de la demande, et un fonctionnement autonome de la filière.
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, Camerún
Le cas de la filière du manioc au Cameroun constitue un exemple intéressant s’inscrivant pleinement dans les débats actuels sur l’avenir des agricultures familiales opposant une régulation de l’économie par le marché à une régulation par l’Etat.
Cependant, le texte montre bien qu’il s’agit d’un "produit exceptionnel en période exceptionnelle". Par conséquent, si la régulation par le marché est ici un succès, cela ne signifie pas qu’il en est de même pour d’autres produits.
L’intérêt de ce texte est aussi qu’il s’appuie sur des données récentes (enquêtes OCISCA-CFD réalisée en 1995)apportant des éléments sur les effets de la dévaluation du franc cfa. En outre, de nombreux tableaux et graphiques insérés dans le texte fournissent des informations chiffrées sur la production du manioc au Cameroun ainsi que sur la structure de la consommation alimentaire des ménages.
Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire", Chantilly, 20-23 février 1996.
Actas de coloquio, encuentro, seminario,…
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