04 / 1998
Tout en maintenant la structure unitaire de l’État, la Constitution espagnole de 1978 reconnaît en même temps le droit des nationalités et des régions historiques, ainsi que d’autres collectivités territoriales, à se constituer en Communautés autonomes avec des facultés d’autogouvernement. Le modèle de décentralisation de l’organisation territoriale de l’État espagnol n’est ainsi ni régionaliste ni fédéraliste, mais il correspond au modèle de l’ "État unitaire régionalisable" : la Constitution ne crée pas un État de structure régionale, mais elle le rend possible.
Les statuts d’autonomie sont des lois organiques de l’État, subordonnées seulement à la Constitution. Une fois approuvés, ils ne peuvent pas être modifiés par une autre loi organique, mais seulement par les procédures prévues par les statuts eux-mêmes, ce qui empêche toute reforme unilatérale des statuts par le parlement ou le gouvernement espagnols.
Or, le système juridico-politique ainsi établi n’est pas exempt de nombreuses difficultés d’interprétation et d’application. De difficultés inhérentes aux caractéristiques du modèle décentralisateur lui-même, mais aussi aux pesanteurs centralisatrices de certaines forces politiques et sociales, à l’exacerbation par certains des particularismes et au développement de tendances centrifuges. L’acceptation par toutes les forces politiques démocratiques des potentialités du modèle d’autonomie est donc fondamental, ainsi que le consensus sur le caractère unitaire de l’État. Car, en même temps qu’unitaire, l’État est également pluriel. Aussi, le droit à l’autogouvernement des intérêts collectifs territoriaux que la Constitution elle-même et les statuts d’autonomie reconnaissent aux communautés autonomes ne peut pas non plus être mis en question.
La loyauté à la Constitution et au modèle d’État des autonomies doit être sans doute exigée de la part des nouveaux pouvoirs territoriaux autonomes, mais l’État doit faire preuve de cette même loyauté, faute de quoi ses décisions au niveau gouvernemental, législatif et judiciaire ne seraient pas légitimes. Le Tribunal constitutionnel s’est déjà prononcé dans ce domaine : l’État ne peut prendre aucune mesure "à l’encontre du principe d’autonomie, qui est l’un des principes structurels fondamentaux de la Constitution".
descentralización, minoría nacional, autonomía, concepción del Estado
, España
L’ouvrage analyse, du point du vue du droit, et en particulier du droit constitutionnel, les conditions de la mise en place en Espagne d’un système original d’autonomies à géométrie variable, ou d’autonomie "à la carte". Dans un pays qui sortait d’une longue dictature centraliste et assimilationiste, le processus s’est opéré en même temps que la démocratisation de la société et des institutions politiques.
Le principal intérêt du modèle espagnol se trouve dans la souplesse du système. Au lieu de proposer un même statut pour toutes les communautés, avec les mêmes pouvoirs et compétences, le système espagnol d’autonomies permet une adaptation aux situations concrètes de chaque région ou nationalité, notamment de celles dites "historiques" (Catalogne, Pays basque, Galice). Le résultat est une Espagne bien plus décentralisée que beaucoup d’autres pays européens, et notamment que la France.
En même temps que souple, le modèle espagnol d’autonomie est un système dynamique, qui permet une évolution, toujours au cas par cas, dans le domaine des attributions et compétences des communautés autonomes. On aboutit ainsi à des situations extrêmement variées, en constante évolution. C’est en ceci que l’expérience espagnole est exemplaire : plus qu’un modèle achevé de réorganisation territorialle de l’État, il s’agit d’un cadre souple et dynamique en même temps que complexe de gestion des revendications des nationalités et des régions, qui laisse en principe une large place à la négociation entre le pouvoir central et les communautés autonomes.
C.Cratchley est un sociologue chilien, spécialiste des questions touchant les minorités ethniques.
Libro
LEGUINA VILLA, Jesús, Escritos sobre autonomías territoriales, Tecnos (Espagne)