04 / 1998
Après un rapide survol de la situation en Europe, caractérisée par l’hétérogénéité ethnico-nationale, l’auteur expose les processus de formation nationale en Amérique hispanique, et son rapport avec la question ethnique, notamment celle représentée par les groupes ethniques autochtones. L’analyse historique remonte à la conquête espagnole et à la première partie de la période coloniale, caractérisée par l’effondrement démographique et l’esclavage de la population indigène. Une fois l’ordre colonial consolidé et l’esclavage des indiens aboli (1542)dans l’Amérique espagnole, l’analyse est centrée sur ce que l’auteur appelle l’indigénisme "colonial", en particulier sur l’institution de l’encomienda. Tout en mettant en relief les contradictions d’une politique coloniale à la fois ségrégationniste et assimilationiste, ainsi que les conflits et les contradictions entre les "criollos" et la métropole, il fait ressortir également le rôle de l’Église catholique dans la consolidation du système colonial.
Avec l’indépendance des colonies espagnoles d’Amérique, on assiste à la naissance de deux conceptions différentes en ce qui concerne la politique à suivre vis-à-vis des populations indigènes, dans le cadre de la construction de l’État-nation : l’indigénisme "liquidationiste" (ou ethnocide), qui ne reconnaît aucune place aux cultures indiennes dans la Nation, appelant à mettre un terme aux "privilèges" de la population indigène, et notamment à la protection de leurs terres ; et l’indigénisme "intégrationiste", qui considère que les communautés indigènes doivent s’intégrer dans la Nation, en respectant leurs cultures, lesquelles, par ailleurs, feraient partie de la culture nationale. Enfin, l’auteur fait la critique d’un troisième type d’indigénisme, plus récent celui-là, véhiculé surtout par des groupes d’indiens militants, et qu’il appelle l’"ethnisme".
L’auteur propose, comme alternative aux différents types d’indigénisme, la formule d’autonomie régionale, c’est-à-dire la constitution, sur des bases ethniques, d’entités politiques territoriales au sein des États-nationaux. Pour asseoir sa démonstration, il développe l’analyse comparative du régime d’autonomie en URSS, les communautés autonomes en Espagne, et les régions autonomes au Nicaragua.
L’auteur étudie ensuite les perspectives de l’autonomie régionale au Mexique. Pour lui, l’autonomie territoriale des populations indiennes doit avoir pour fondement quatre principes : celui de l’unité de la nation ; celui de la solidarité et la fraternité entre les différents groupes ethniques du pays ; celui de l’égalité des citoyens ; et celui de l’égalité des communautés ethniques d’une même région.
colonización, minoría étnica, etnia, autonomía, reivindicación étnica, derechos humanos, identidad nacional
, América Latina
Contrairement au Canada, l’idée de la création de régions autonomes comme moyen d’une cohabitation plus équilibrée, et respectueuse de leurs particularismes, avec les populations autochtones n’est pas encore très répandue en Amérique latine. Lorsque il y a revendication d’autonomie régionale ce qui est encore peu courant ceci est surtout le fait de mouvements ethno-nationalistes qui affirment une identité nationale propre, basée dans l’histoire et la culture de leur peuple, différente de celle de l’État-nation. Sans aller jusqu’à revendiquer la création d’un État séparé, il est clair qu’ils ne vont pas non plus forcément dans le sens, souhaité par l’auteur, de "l’unité de la nation". Ceci est pourtant le cas également en Espagne, tout au moins pour les Communautés autonomes appelés "historiques", ce que l’auteur constate lui-même. On peut observer également un certain formalisme par rapport à l’expérience soviétique, et surtout une vision assez sommaire des conditions de la mise en place d’un système "fédéral" et d’"autonomies" par les bolcheviks.
La critique de l’"ethnisme" en réalité, ce courant se revendique lui-même de l’"indianisme" est sans doute globalement pertinente, même si elle est discutable sur certains points. Celle de l’indigénisme traditionnel également, et l’on sait que le Mexique a été le haut lieu de l’élaboration de cette doctrine. Mais l’intérêt principal de l’ouvrage se trouve dans son objet lui-même. La revendication d’un "territoire", et plus seulement de "terres", marque une plus grande politisation de certains mouvements indigènes. L’autonomie régionale dont l’auteur met en garde, avec raison, contre la tentation de la considérer comme une panacée , est sans doute un thème que nous verrons, et que nous voyons déjà, de plus en plus souvent apparaître dans les débats autour des "questions indiennes" dans plusieurs pays du continent.
C.Cratchley est un sociologue chilien, spécialiste des questions touchant les minorités ethniques.
Libro
DÍAZ POLANCO, Héctor, Autonomía regional : la autodeterminacíon de los pueblos indios, Siglo XXI (Mexique)