Du passage d’une big machine à usage militaire au PC des pacifistes contestataires et aux micros interconnectés via Internet
02 / 1998
Les principes de l’ordinateur furent formulés par l’Anglais Alan Turing dès 1936. Ce furent cependant les militaires qui décidèrent du développement pratique de cet appareil lorsque Turing eut mis au point, durant la seconde guerre mondiale, un programme destiné à déchiffrer un code radio allemand. La machine fut baptisée "Colossus", ce qui donne une idée de ses dimensions. Les premiers ordinateurs, nés principalement des efforts de l’Américain Von Neumann, furent d’énormes engins destinés à des usages militaires. Même lorsque, dans les années 60, on remplaça les fragiles tubes électroniques par des transistors, les appareils restèrent de très grande taille. Si Von Neumann travaillait sans état d’âme pour l’armée (il avait d’ailleurs participé à la construction de la bombe atomique), Norbert Wiener - le cybernéticien- redoutait dès cette époque que la technologie de l’information ne devienne une arme qui opprimerait les individus par le contrôle de l’information et du comportement. L’usage de l’ordinateur ne s’étendit que progressivement au domaine civil. Ce n’est que vers la fin des années 60, quand on parvint à fabriquer des circuits intégrés sur une pastille de silicium (la "puce")que l’on disposa des moyens de produire massivement des appareils de petite taille. Or le leader du marché - IBM-, privilégiait encore le développement de grands systèmes, et ne pensait même pas que le grand public s’intéresserait à ces micro-ordinateurs dont la fabrication était maintenant possible.
Dès le début des années 70, certains commencèrent à protester contre la canalisation de l’information par de tels systèmes eu égard au risque qu’elle conduise à une société totalitaire. C’est à ce moment qu’un groupe d’étudiants radicaux de Berkeley décida, dans le contexte du mouvement d’opposition à la guerre du Vietnam, de démocratiser l’accès à l’information. Ils fondèrent une revue - "People’s computer company"- contre les grands systèmes qui centralisaient et traitaient secrètement les informations sur la guerre du Vietnam. Les efforts de ces "agitateurs", visant à multiplier le nombre des terminaux aboutirent à la construction du premier PC. Une petite firme se lança alors dans l’aventure. Elle s’appelait "Apple" (par allusion à l’arbre de la connaissance dont Adam et Eve mangèrent le fruit au paradis). Ce n’est qu’en 1981 qu’ IBM, qui avait longtemps parié sur la supériorité commerciale des grands systèmes, comprit son erreur et décida de construire son propre modèle de PC.
Depuis, le PC, et autres "micros" se sont répandus dans tous les secteurs de la société.
Cette histoire montre que ce ne sont pas seulement les grandes entreprises et les armées qui, ensemble, décident du développement et des applications de la technologie. Pour une fois, la révolution technologique est venue du bas.
armamento, innovación, tecnología
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Histoire bien connue mais très significative des chemins contournés et détournés par lesquels se génère et se ramifie l’histoire d’une technologie. Histoire à rapprocher de celle, un siècle plutôt de la naissance et du développement de la machine à écrire (voir fiche DPH 5693)à partir du savoir-faire d’un fabricant d’armes (Remington), histoire dans laquelle IBM devait, au milieu de ce siècle jouer un rôle majeur. Ces deux histoires sont aussi, parentes par les effets considérables qu’elles devaient avoir sur l’évolution et la structure des emplois, notamment féminins, dans nos sociétés. Et on ne parlera pas de l’histoire d’ internet née, elle encore des besoins des militaires.
Ce texte est extrait de 2 pages (221 222)du chapitre "la télématique pour le meilleur et pour le pire" de l’ouvrage "l’irremplaçable - une éthique de la technologie" de Peter Kemp
Libro
KEMP, Peter, L'irremplaçable - une éthique de la technologie, Cerf, 1997 (France)
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