Dans ses livres, consacrés au continent Africain : « L’Afrique est mal partie » et « Pour l’Afrique, j’accuse », René DUMONT raconte, à la suite du Peanut Scheme anglais, l’histoire de la Compagnie Générale des Oléagineux Tropicaux : CGOT.
Sans tirer les leçons de l’expérience anglaise dans le Tanganyika (actuellement la Tanzanie), le commissariat au plan français décida en 1947, malgré les réticences de l’auteur, le lancement d’une « opération arachide » similaire à celle des anglais.
La CGOT fut installée dans une zone pluvieuse, au centre de la Casamance, dans le sud du Sénégal, à proximité de la ville de Séfa, non loin du fleuve. Il s’agissait d’une savane boisée, dépeuplée par la maladie du sommeil.
La direction générale de la CGOT fut confiée à un diplômé de Science Politique secondé d’un polytechnicien. Sur place, les opérations furent dirigées par un officier de marine. Les agronomes n’étaient chargés que de l’exécution des travaux. Le nombre de techniciens recrutés fut tel que Séfa fut considérée comme « la septième ville blanche du Sénégal ». Les africains n’étaient admis dans ce projet qu’à titre de salariés.
La volonté de réaliser une culture d’arachide entièrement mécanisée fit venir du matériel américain, conçu pour les plaines et collines de Virginie. Pour amortir les investissements, on projeta d’exploiter un bloc de 30 000 ha.
Pour abattre les arbres, on attela à de puissant tracteurs à chenilles la chaîne d’ancrage du paquebot Normandie, qu’on est allé chercher à New York. Le bois fut brûlé sur place, en pure perte.
Contrairement aux prévisions, dans les champs qui furent cultivés, l’érosion fit très vite son apparition et, de manière très marquée, dès que la pente atteignait 1,5%. C’est dire la fragilisation de la structure de ces sols. Les décapages occasionnés par l’action de pousser les arbres abattus ainsi que les labours profonds ramenaient en surface de la terre infertile qu’il fallut ensuite amender à grands coups d’engrais verts. De plus, sous ce climat humide, les herbes poussaient plus vite que l’arachide. On fit alors venir des sarcleuses de Géorgie (USA), où les sols sont cultivés depuis trois siècles. Les fines dents de ces machines n’ont pas résisté aux grosses racines qui parsemaient les défriches.
La CGOT a connu le même sort que celui que connut le Peanut Scheme : la ruine. Les agriculteurs de cette région paient encore aujourd’hui les frais de cette dégradation du milieu.
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, Senegal, Casamance
Des sols et des hommes : récits authentiques de gestion de la ressource sol
Cet échec, tout comme celui du Peanut Scheme, est lié à l’ignorance du milieu. La volonté de mécaniser à outrance répondait sûrement à une logique économique coloniale, mais c’était aussi ignorer les propriétés des sols tropicaux. La forêt tropicale a souvent donné l’illusion d’une grande richesse de ses sols.
Là aussi, les dommages causés à l’environnement et à la société sont incalculables. René DUMONT souligne qu’à la conférence de l’ONU sur l’environnement, tenue à Stockholm en 1972, des délégués africains ont justement demandé aux pays ex-coloniaux des indemnités, en réparation des dégâts commis à l’égard de leur environnement.
Libro
DUMONT, René, Pour l’Afrique, j’accuse. Le journal d’un agronome au Sahel en voie de destruction, Plon, 1986 (France), Du même auteur : <L’Afrique noire est mal partie>, Seuil, 1962, 254 pages, ISBN 2.02.000306.6.