Dans de nombreuses régions du monde, la haie est utilisée en réponse à une contrainte que le milieu oppose à son utilisation par l’homme. L’exemple le plus connu est la haie brise-vent : dans les régions qui connaissent un déficit pluviométrique, elle atténue l’effet de la sécheresse sur les cultures.
Dans le nord-ouest de l’Europe et notamment en Bretagne où le climat est tempéré, l’espace rural a traditionnellement été segmenté ou cloisonné par des haies : c’est le bocage. Dans les années 1970, les haies ont été supprimées pour les besoins de l’intensification agricole.
Aujourd’hui, cet arasement du bocage se traduit par des effets négatifs sur les ressources en eau et en sols, et de manière générale sur l’environnement de cette région. Ceci ressort nettement des études, même peu nombreuses, menées sur le rôle de la haie, notamment dans le cycle de l’eau.
Il s’avère en particulier que les haies perpendiculaires à la pente font barrage au ruissellement lié à l’intensité des pluies et forcent les eaux à s’infiltrer ; et que le réseau bocager fonctionne comme un réseau hydrographique secondaire pour les écoulements de surface. En obligeant les eaux à le suivre ou à le contourner, il rallonge la longueur du transfert jusqu’à l’exutoire. Ce qui se traduit, dans un bassin versant, par une certaine régulation des débits et par une atténuation des volumes et des pointes de crues.
Ce contrôle du ruissellement se double d’un contrôle de l’érosion. Cette dernière existe dans les bassins bocagers. Cela est attesté par l’existence d’une zone plane en amont du talus, qui peut atteindre la morphologie d’une terrasse en terrain limoneux, et dans laquelle l’étude pédologique révèle un épaississement très important des horizons organiques ; alors que juste à l’aval du talus, le sol est érodé. Cette érosion est cependant limitée à la parcelle ; les particules érodées, interceptées par les talus, n’atteignent pas l’exutoire. A la différence des bassins ouverts, il n’y donc pas de perte absolue de matière ou très peu dans les bassins bocagers.
Au niveau de la couverture pédologique, les modifications de structure et de fonctionnement, notamment hydrodynamique, introduites par l’embocagement et le débocagement ont peu été étudiées. Il ressort néanmoins que :
la séquence de sol originelle comportant des sols généralement sains sur les versants avec une différenciation pédologique plus forte vers l’aval et des sols hydromorphes dans les talwegs est découpée dans les bassins bocagers en une suite de séquences articulées entre elles à chaque talus. La circulation de l’eau sur le versant, tantôt verticale, tantôt latérale selon les propriétés des sols est plutôt verticale dans les zones de haies. La haie, par son enracinement, joue le rôle de drain vertical ; elle joue également le rôle de pompe à eau ; dans certaines situations des signes morphologiques témoignant d’un excès d’eau au droit des haies ont été observés.
Les pratiques agricoles intensives et l’extension du maïs qui ont suivi le débocagement ont entraîné un compactage de la surface des sols favorisant ainsi le ruissellement et l’érosion. Ainsi les polluants accumulés dans la partie superficielle du sol sont transférés vers les exutoires.
Au plan géochimique, différents indices suggèrent d’attribuer à la haie un rôle dans le transfert de polluants : la haie bloque les particules érodées, support des pesticides et du phosphore ; l’excès d’eau qui peut se produire au pied de la haie favorise la dénitrification. De plus, les arbres qui forment la haie peuvent consommer spécifiquement certains éléments dissous.
Au regard des résultats obtenus, l’impact positif sur l’environnement que semble avoir la haie mérite selon les auteurs plus d’attention à l’avenir. Des études approfondies visant la quantification du fonctionnement de la haie sont nécessaires.
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, Francia, Bretagne
Des sols et des hommes : récits authentiques de gestion de la ressource sol
En France, l’intérêt pour la haie, "structure linéaire boisée" dans le jargon scientifique, est apparu comme une réponse à la politique de remembrement des terres agricoles qui a conduit, pour les besoins de l’intensification agricole, à l’élimination des haies dans des régions traditionnellement bocagères comme la Bretagne. On estime à près de 200 000 km linéaires les haies supprimées dans cette région. Un département comme le Finistère a perdu, de 1963 à 1992, 42% de ses haies.
Les travaux sur la relation sol-haie ont commencé en Bretagne en 1973. Les premiers résultats, connus dès 1976, démontraient déjà le rôle de la haie dans la circulation de l’eau et l’érosion. Ces résultats furent mal perçus par les tenants du remembrement qui ont même tenté d’entraver les recherches. Aujourd’hui, les décideurs sont devenus plus réceptifs à la question de la haie et les tribunaux peuvent casser des décisions de remembrement pour défaut d’étude d’impact par exemple, comme cela s’est passé récemment dans une commune Bretonne.
La communauté scientifique internationale accorde actuellement plus d’importance à la haie comme en témoigne la bibliographie rapportée par les auteurs. La préoccupation environnementale qui s’internationalise en ce moment en est sûrement une raison. C’est tant mieux, mais, semble-t-il, il y a encore beaucoup à faire.
Les craintes d’un dérèglement hydrologique d’une part et d’autre part les "vertus" hydrologiques et géochimiques que l’on semble reconnaître à la haie et notamment sa capacité à réduire l’érosion et les pollutions agricoles diffuses devraient permettre sa réintroduction dans les espaces d’où elle a été chassée. Son introduction dans d’autres milieux et notamment dans ceux où l’agriculture est intensive devrait également être envisagée.
P.Merot est directeur de recherche à l’INRA, 65, rue de St Brieuc, 35042 Rennes, France.
Entretien avec MEROT, Philippe
Artículos y dossiers ; Libro
MEROT, Philippe; REYNE, Sandrine, INRA=INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE, Rôle hydrologique et géochimique des Structures Linéaires Boisées. Bilan bibliographique et perspectives d'études, INRA, 1996 (France); * Le bocage et les crues ; 1996, paru dans l'aménagement foncier agricole et rural; * Bulletin de l'ANDAFAR n 88, p.7-11/ISSN-0335-6426(ANDAFAR : 19, avenue du Maine, 75015 Paris)