Les économistes ne se sont pas toujours préoccupés des situations de paix ou de guerre. La plupart des théories économiques modernes ont évité d’analyser les conflits entre les hommes, les situant hors du champ de réflexion de l’économique. Or, de nombreuses théories économiques avaient, dans le passé, intégré la puissance, la violence, la lutte des hommes contre les hommes au centre de la réflexion économique.
Actuellement, l’analyse économique de la guerre ou du désarmement, sans faire vraiment l’objet de débats passionnés, n’en est pas moins contradictoire et hétérogène. Pas moins de cinq grands courants de pensée fournissent des conclusions divergentes sur la relation économie/guerre et paix. Si pour les uns (mercantilistes, Sombart, Bouthoul) la guerre est, par nature, un phénomène économique ou démographique, pour les autres (classiques notamment) elle se situe hors du champ de réflexion des économistes.
Si pour les marxistes, les conflits armés sont suscités par la lutte des classes et l’impérialisme inhérents au capitalisme, les néo-classiques justifient la course aux armements par la nécessité des pays à économie de marché à lutter contre la nature violente et expansionniste du communisme.
Enfin, les keynésiens mettent l’accent sur la double nature des dépenses militaires: en tant que dépenses publiques, elles peuvent dans une économie de sous-emploi, favoriser la croissance économique, mais en tant que dépenses improductives leur action est moins souhaitable que les autres formes de dépenses publiques (éducation ou infrastructures).
Pour Jan Tinbergen, Prix Nobel d’économie, il faut développer le rôle des organisations internationales et souhaiter l’émergence d’un gouvernement mondial aux objectifs pacifistes ayant pour fonction la défense de l’environnement, la protection des ressources naturelles et la limitation du nombre des naissances. Robert Schwartz propose la conversion des épées en faveur des charrues, notamment par le lancement d’un grand programme qui serait partiellement calqué, au niveau des principes, sur le Plan Marshall. J.K. Galbraith s’inquiète de la propension très forte des économistes à ne traiter que ce qui est bénin et à refuser l’analyse du pouvoir militaire autonome. Or, il est incontestable que celui-ci produit des effets négatifs sur les économies contemporaines, alors même que celles-ci sont en crise et connaissent les conséquences douloureuses du sous-développement.
Walter Isard aborde la question de la paix en essayant de répondre à la question suivante: quels sont les outils de l’analyse économique disponibles pour les économistes de la paix? Si les réponses méthodologiques sont apportées par Manas Chatterji, Isard montre les capacités et le rôle potentiel de l’économiste de la paix, avant de proposer de actions concrètes de désarmement et de meilleure organisation mondiale, dont les fondements essentiels reposeraient sur la capacité de certains pays (plutôt petits)à montrer l’exemple en acceptant, au profit d’une organisation internationale, une limitation de sa propre souveraineté.
La question du désarmement pour le développement est au coeur des analyses modernes des dépenses militaires. Or, la conversion est un processus décisionnel très difficile, qui se heurte à des barrières sociales et à des coûts économiques importants. Ainsi, Stanislav Menshikov témoigne de l’évolution des idées et des actions de conversion en Russie et il montre que les retards pris, les résistances du complexe militaro-industriel n’ont fait qu’aggraver la profonde crise économique des pays de l’ancienne URSS.
Keith Hartley, consultant des Nations Unies sur les relations entre le désarmement et le développement, fournit un résumé très clair des principales conclusions du rapport de l’UNIDIR, notamment l’idée fondamentale d’une analyse du désarmement comme investissement (ce qui implique des coûts préalables aux bénéfices retirés du processus) et non comme un facteur de dividendes de la paix (qui laisse supposer qu’il existe immédiatement des bénéfices distribuables à la suite d’une réduction des dépenses militaires). Ron Smith et Jacques Fontanel analysent les débats économiques sur le couple désarmement-développement et ils montrent les avantages d’une action de réduction des dépenses militaires (forme importante mais non unique du désarmement) pour les pays développés. Lauwrence Klein, Prix Nobel d’économie, montre la nécessité actuelle de lier très étroitement le désarmement au développement.
Enfin, Jacques Fontanel fournit dix principes empiriques de gestion économique du désarmement, rappelant que l’objectif fondamental de celui-ci est d’abord la paix et le développement.
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Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie
L’objet de cet ouvrage est double:montrer aux économistes la nécessité d’une réflexion économique sur le désarmement et la paix et témoigner d’une part des difficultés économiques à court terme inhérentes au processus de réduction des dépenses militaires et d’autre part de ses avantages à moyen terme. Il est intéressant pour trois raisons au moins. D’abord des économistes importants (Prix Nobel notamment) montrent l’intérêt primordial de l’analyse économique de la paix. Ensuite, l’ouvrage fournit des informations trop faiblement disponibles en France sur les conséquences des procédures de désarmement. Enfin, il donne quelques orientations susceptibles de favoriser l’émergence d’une économie de paix.
Libro
Fiche rédigée à partir d’un ouvrage réalisé au bénéfice de l’Association ECCAR (Economistes contre la course aux armements) : FONTANEL, Jacques (sous la dir. de), PRESSES UNIVERSITAIRES DE GRENOBLE, 1993/04 (France)
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